Mai 2016, au passage d'une manifestation contre la loi El Khomri, près du
siège de COALLIA dans le 12éme arrondissement de Paris
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La menace qui pèse sur l’existence même des FTM
est encore trop méconnue.
Après des décennies d’abandon, la politique des résidences
sociales, mise en place depuis une vingtaine d’années, vise à transformer
fondamentalement les foyers. Ils sont désormais destinés à accueillir des
personnes en grande difficulté sociale, estimées non autonomes, dans des
studettes de 11 à 15 m2, avec un règlement et une surveillance stricts, pour un
temps le plus souvent limité. Peu à peu tous les espaces de vie collective
– cuisine,
salles de réunion, lieux de prière, et jusqu’aux couloirs ! –
disparaissent pour entasser le plus possible de « cas sociaux »
confinés entre leurs quatre murs. Dès 2004, sur 51 000 logements en résidence
sociale, 40 000 ont été pris dans des foyers pour travailleurs
migrants, à leur détriment. Particulièrement en Île-de-France, préfectures et
collectivités locales, face à la pénurie de logements sociaux et au refus de
construire pour les plus démunis, cherchent à remplacer les travailleurs
immigrés par des pauvres en transformant les FTM existant.
Les conséquences sont graves. Les espaces de vie collective
sont essentiels pour la solidarité entre résidents et la solidarité avec les
familles, les villages d’origine. Trouver des services, des denrées, des repas
à petit prix, parce que les salaires sont maigres et qu’on en envoie une partie
au pays, avoir sur place des cours de français langue étrangère, pouvoir se
réunir pour s’organiser et se faire entendre, pour des moments festifs et
culturels ouverts au quartier, c’est ce qui rend irremplaçable la vie en foyer.
Les FTM sont des lieux de (re)socialisation, d’initiation à la vie en France,
où, pour des milliers de primo-arrivants, les souffrances de l’exil peuvent s’atténuer
pour se construire un avenir.
Pourrir la vie des travailleurs
immigrés pour qu’ils libèrent les lieux ?
Pour les plus anciens, après une vie de travail, c’est
souvent la possibilité d’aller et venir entre la France et le pays natal. Mais
tout est fait pour leur enlever ce droit : sans la domiciliation du foyer,
ils perdent tous leurs droits ; mais s’ils n’y habitent pas toute l’année
(ou suffisamment de mois, ça dépend…), ils perdent l’APL, l’AFPA, ils sont
traités en fraudeurs et expulsés.
Tous les témoignages font état du délabrement de la plupart
des bâtiments, les organismes gestionnaires refusant de faire les travaux d’entretien.
Les règlements sont de plus en plus tatillons et absurdes, attentatoires à la
vie privée, aux droits et à la dignité des personnes. L'expression "non aux foyers-prisons" condense la révolte. Le droit d’héberger un
parent ou un proche de passage, pour des temps variables selon les
gestionnaires, disparaît quand le foyer devient résidence sociale. Les
procédures d’expulsions de résidents titulaires pour hébergement d’une autre
personne encombrent les tribunaux. Les contrôles de police se multiplient, à la
recherche de sans-papiers à expulser. L’inviolabilité même de l’espace privé
qu’est la chambre est à défendre. Les délégués, les comités de résidents, élus,
dont le rôle est reconnu pourtant par la loi, sont le plus souvent méprisés par
les gestionnaires. Loyers et charges augmentent : le prix peut monter à
cinq-cents euros par mois dans les résidences réhabilitées.
Des luttes à soutenir
Les revendications communes sont donc nombreuses : le
COPAF les expose clairement dans un quatre pages. Des manifestations ont déjà
eu lieu à Paris, pas encore assez nombreuses pour changer le rapport des
forces. Dans
plusieurs foyers gérés par COALLIA, la lutte prend de l’ampleur. Comme dans
celui de Boulogne-Billancourt, où la fermeture de la cuisine collective par la
police a été l’agression de trop qui a déclenché une grève des loyers qui dure
depuis le mois de juillet.
Les grèves des travailleurs sans papiers, depuis 2006, ont
été organisées et soutenues dans les foyers. On se rappelle celui de
Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine, en 2012-2013, et où certains sont encore
en lutte dans leurs entreprises. Marilyne, de l’UD CGT de Paris, a rappelé que
les vingt-cinq travailleurs du bâtiment maliens qui viennent d’être
régularisés, et réintégrés dans leur emploi par l’entreprise donneuse d’ordre,
sur constat par l’inspection du travail d’une relation de travail – victoire
des plus importante pour tous – habitent eux aussi dans des foyers pour
travailleurs migrants.
Partout, la solidarité avec les résidents des FTM est à
construire et à élargir : c’est un enjeu de la lutte des classes et de la
solidarité internationale de notre temps. Comme l’a dit le délégué de CSP 75,
il s’agit de se sortir de la françafrique postcoloniale des pilleurs et des
exploiteurs, pour construire ensemble notre françafrique à nous, humaine, juste
et solidaire.
(1)
Les sites de ces organismes sont
révélateurs : on y trouve diverses offres d’hébergements en résidence
sociale, mais moins que très rarement de références aux foyers de travailleurs migrants. L’exemple de COALLIA est symptomatique.
Maintenant que le coût des FTM est amorti, avec l’argent des travailleurs
immigrés, la priorité est de s’en débarrasser, pour des créneaux plus rentables
dans le « social ».
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