37 ème congrès (2016) :
2010
2010
Depuis quelques semaines, la préparation du congrès extraordinaire, dit « congrès d’étape », du PCF est entré dans sa phase la plus active, puisqu’il doit se terminer le 20 juin à La Défense ! Ne nous cachons pas la réalité : nous sommes bien peu nombreux encore à y attacher une réelle importance. Les communistes sont plutôt mobilisés, et c’est une bonne chose, dans la bataille pour défendre le droit à la retraite à soixante ans, dans les manifs intersyndicales, au contact de salariés et de citoyens avec lesquels nous mettons en débat les propositions du PCF, dans des collectifs locaux unitaires. Des communistes sont aussi sur d’autres fronts de lutte, pour la régularisation des sans papiers, pour défendre les emplois, les services publics, l’école, le droit au logement… chacun peut faire sa propre liste avec son agenda personnel. Bien peu d’entre nous estiment vraiment prioritaire de prendre du temps militant pour participer au congrès du PCF. C’est un fait qui ne peut manquer de nous faire réfléchir et de nous alarmer. La rapide et brutale aggravation de la crise du capitalisme mondialisé bouscule et interpelle toutes les forces politiques. Nous sommes adhérents d’un parti révolutionnaire, qui travaille, met et remet en chantier, depuis des années, un projet de dépassement du capitalisme, et nous nous efforçons de construire des fronts de rassemblements et de dynamiques populaires à vocation majoritaires pour rendre possible un changement radical… Or, devant les coups terribles portés aux peuples par la dictature des marchés financiers et les politiques néolibérales, avec la perspective d’une aggravation de la crise et des souffrances, force est de constater le risque de marginalisation du PCF.
A bout de souffle, le PCF ? dépassés, les partis ?
Le PCF serait-il à bout de souffle ? Nos engagements de militants « encartés » ne serviraient-ils, au bout du compte, qu’à prolonger l’agonie d’un appareil obsolète ? S’accrocher à une structure de parti issue d’une « matrice archaïque », ne serait-ce pas empêcher que naissent des formes nouvelles de rassemblements et de collectifs, appelées par les bouleversements que nous vivons, du local au mondial, et capables de répondre à la place nouvelle de l’individu dans les luttes communes ? Notre congrès d’étape, les congrès précédents et ceux à venir, ne seraient-ils que d’inutiles colloques, et nos meilleures résolutions vouées à l’échec, notamment électoral, puisque gâchées d’avance par de peu avouables intérêts d’appareil ? On pourrait allonger la liste des questions, posées publiquement par des communistes. L’insatisfaction devant les réponses que nous, adhérents du PCF, avons été capables d’y apporter jusqu’à présent, est telle que plusieurs de ces communistes, et parmi eux des élus, des intellectuels, des militants, dont l’apport fait partie de notre culture commune, annoncent publiquement leur décision de quitter le PCF. Le message que Pierre Laurent leur a adressé, lors du Conseil national de lancement de notre congrès, constitue un fait sans précédent, et son contenu correspond tout à fait à l’état d’esprit qui est le mien, comme sans doute à celui de la grande majorité des adhérents du PCF.
Ma préoccupation, en effet, n’est pas la survie d’un PCF qui se replierait fièrement sur une identité passéiste, ni sur une vaniteuse certitude qu’il pourrait détenir, en lui-même, toutes les analyses et toutes les propositions susceptibles de donner les clefs d’un monde meilleur, ni sur une autorité de la décision majoritaire de ses instances qui rendrait toute critique inutile et suspecte... Au contraire, le travail en réseaux, en collectifs, en rassemblements, en fronts pluralistes, avec la recherche d’espaces de proximité visant à permettre au plus grand nombre de travailleurs et de citoyens de devenir eux-mêmes des acteurs des débats et des luttes, est déjà constitutive de la façon de faire de la politique pour nombre de communistes. Y a-t-il d’ailleurs jamais eu de victoire populaire, de réelle conquête pour l’émancipation sociale et humaine, qui aient été rendues possibles autrement ?
Cela ne veut évidemment pas dire que seraient satisfaisants et efficaces le fonctionnement, l’organisation actuelle du PCF, sa capacité à contribuer à élaborer des idées simples et mobilisatrices qui montrent que le cours des choses n’est pas fatal. Notre projet n’est guère lisible, nous sommes perçus par la très grande majorité de nos concitoyens comme archaïques, et le doute existe par exemple sur la sincérité ou le réalisme de nos propositions de mettre la démocratie, l’émancipation humaine, collective et individuelle, la défense et la conquête de droits et de libertés, au cœur du projet communiste du XXIème siècle. Serait-ce seulement à cause des médias, à cause des échecs et des crimes de régimes confondus avec le communisme ? Ce sont sans doute d’importants champs de recherches et de critiques. Mais ils ne doivent pas nous dispenser d’un travail urgent, à partir de ce que nous sommes réellement, de ce que nous disent ceux et celles que nous rencontrons dans les mouvements sociaux, sur nos lieux de travail, d’habitation, de vie.
Le reproche le plus fréquent fait aux militants et aux élus communistes dans les quartiers populaires est de ne pas être assez présents, en dehors des campagnes électorales, et surtout de ne pas être capables d’empêcher l’extension de la misère, de donner l’espoir que ça puisse vraiment changer. Les collectifs et réseaux militants, syndicaux ou associatifs, les individus qui composent les effectifs des grévistes et des manifestants, savent se mobiliser dès lors qu’ils peuvent espérer que sur telle ou telle question qui les révolte, ils peuvent faire reculer l’injustice, et ils demandent que les élus et les partis politiques les y aident. Répondre à cette attente est un devoir, une des raisons d’exister de l’engagement politique, notamment de celui des communistes, des élu-e-s communistes, des organisations du PCF. Mais cette conception du militantisme et de l’outil politique ne suffit pas. Un militant, un élu communiste, une organisation communiste, peut être reconnu comme acteur utile pour telle ou telle action, sans que pour autant la cohérence et le réalisme du projet porté par le PCF, ou par un front dont il est une des composantes, soient perçu comme autre chose qu’une –souvent - sympathique utopie.
Sarkozy veut moins emporter la conviction que répandre la résignation
Les raisons principales de la défiance à l’égard des politiques, le doute quant à l’utilité de l’engagement politique pour que les choses changent vraiment, l’abstention massive aux élections, notamment de ceux qui subissent le plus durement la politique actuelle, ne sont pas dues à mon avis principalement aux défauts qui serait inhérents au PCF. Quant à l’idée qu’il existerait une forme parti générique, voire une « classe politique », comme on lit et entend dans les médias, c’est sous estimer la diversité des formes partis et les changements, les adaptations de ces formes tout au long de leur existence, ainsi que les motivations de leurs militants, de leurs dirigeants, de leurs élu-e-s, qui ne sont pas les mêmes selon qu’ils et elles veulent défendre le système capitaliste en crise, prétendent le réguler, ou veulent un changement radical. J’estime même dangereuse l’idée qu’on pourrait se passer des partis et du pluralisme de ceux-ci. Les répressions, les interdictions qui ont frappé et frappent des partis politiques en France et dans le monde tendraient plutôt à montrer que, pour être reconnue constitutionnellement, l’ existence de ceux qui contestent les pouvoirs en place n’en reste pas moins un enjeu des luttes de classe, des luttes pour la démocratie et les libertés.
Les réponses humaines et progressistes aux souffrances, aux besoins les plus vitaux, aux revendications des mouvements sociaux, du local au mondial, ne peuvent se construire qu’en rupture avec la règle du jeu capitaliste, en dépassant ce système. Des enquêtes d’opinion, comme les discussions que chacun peut avoir, montrent que le capitalisme n’a pas la cote, et chaque jour apporte de douloureuses démonstrations que la crise du capitalisme que nous vivons est destructrice de ce qui rend la vie humaine possible sur la planète. Mais en même temps, tout se passe comme si les responsables de la crise tenaient le monde entre leurs mains, et que les peuples n’avaient plus les moyens de se libérer de cette emprise. La victoire du « non » en France avec une forte composante « antilibérale » au Traité Constitutionnel Européen n’empêche pas le traité de Lisbonne de s’appliquer, l’ « Europe » de vouloir maintenant contrôler les budgets nationaux au détriment des dépenses publiques et au mépris des choix des citoyens. Pire : ce serait les marchés financiers, par leur évaluation dont dépendent des prêts à taux usuraires, qui devraient en décider directement. Jamais les « appareils idéologiques d’Etat », pour reprendre une formule du siècle dernier - qu’il faudrait sans doute revoir car elle ne rend pas compte de leur dimension internationale ni de la main mise grandissante des intérêts privés sur eux -, jamais les forces de répression et les moyens de guerre n’ont été aussi développés. Certes, des résistances populaires, des formes nouvelles de « socialisme » vivent, par exemple en Amérique latine, mais elles ne changent guère les rapports des forces dans le monde.
La visée de la politique de Sarkozy est moins d’emporter la conviction que de répandre la résignation. A quoi servirait-il de se mettre en grève et de manifester, puisque depuis trois ans les « réformes » continueraient quand même ? A quoi servirait-il de voter, puisqu’en dehors du Président et dans une moindre mesure de la majorité parlementaire qui va avec, les pouvoirs des autres élu-e-s pèseraient de moins en moins lourd avec, entre autres, la réforme des collectivités locales ou la mise en place du « grand Paris » ? Resterait l’élection présidentielle elle-même, mais le bipartisme et la transformation des principaux partis en machines à produire des présidentiables consensuels aurait poussé jusqu’au bout la logique anti démocratique des institutions de la cinquième République, avec l’aide d’un PS, qui, avec les « primaires », se coule dans ce moule, en flagrante contradiction avec le gauchissement de son discours et des attentes d’une partie importante de ses militants et de ses électeurs.
Rendre la politique populaire
Nous sommes dans un combat de classe dont la démocratie est un enjeu crucial. Notre rôle, notre utilité est de créer des espaces nouveaux permettant au plus grand nombre de s’approprier les enjeux des débats de fond, d’intervenir directement en politique, de dépasser les délégations de pouvoir et les déceptions, les replis sur soi qui en découlent. Une originalité précieuse de notre parti est sa tradition de structures de proximité, dans les quartiers populaires , les entreprises, et même si ces organisations se font rares, l’activité d’ adhérents et d’anciens adhérents dans des syndicats et des associations. Le « réveil » d’espaces de discussion, de convivialité, d’expression et d’action de proximité peut-être un apport précieux pour toutes les forces de la gauche et citoyennes. D’autres réseaux existent et se créent dans des quartiers populaires, à l’initiative d’associations, d’individus, de communautés… cherchant par exemple des solutions aux souffrances, au désarroi, aux violences auxquelles des jeunes sont livrés, entre autres questions fondamentalement politiques sur lesquelles l’apport de structures de proximité du PCF serait des plus utiles. Bien sûr, nos structures de proximité, il faut repenser leur conception, leur mode de fonctionnement, leurs moyens d’expression, leur liberté d’initiatives… Nous avons su voir les difficultés et les défauts de nos cellules, mais cela s’est soldé de fait par l’extinction de la plupart d’entre elles, sans que les assemblées de section permettent d’associer le plus grand nombre des communistes à la réflexion et aux décisions. D’autres formes de proximité existent ou peuvent être relancées : des réseaux et collectifs dont les réunions et les échanges facilités par le développement d’internet ne sont pas réservés aux adhérents au PCF, et rassemblent à partir d’engagements militants sur le logement, l’école, la solidarité avec les migrants... . Nous aurions tort de sous estimer l’importance de l’impulsion nationale de tels collectifs et réseaux, par exemple, pour citer celui que je connais le mieux, celle du réseau migrations-citoyenneté, qui a permis des échanges pluralistes et un enrichissement de nos analyses et propositions, des initiatives élaborées avec des organisations et des militants d’autres horizons.
D’autres communistes que les adhérents actuels du PCF cherchent, expérimentent de nouvelles formes d’organisations militantes démocratiques et ouvertes. Pour l’instant, leur capacité à rayonner dans les quartiers populaires et les lieux de travail n’est guère convaincante. Elles et ils ne parviennent pas à rayonner au-delà de cercles déjà militants. Mais n’est-ce pas le danger qui nous guette tous ? Ayons les uns et les autres la lucidité de considérer qu’il est urgent de mettre en commun nos expériences et nos forces, de travailler ensemble. Pour le faire, je ne crois pas qu’il soit utile de tirer un trait sur la réalité de l’existence d’un parti communiste, même affaibli et à transformer profondément, sur le potentiel militant qu’il constitue encore, sur le réseau de ses élus locaux, nationaux, européens…
Partager un projet d’émancipation humaine
Sur le fond, dès que nous travaillons à construire des espaces citoyens qui ne se limitent pas à changer à la marge ou aménager le système, ne sommes-nous pas, adhérents ou non du PCF, confrontés à la même difficulté ? Faute de parvenir à rendre lisible, enthousiasmant, mobilisateur, un projet de société, la perspective d’un monde libéré de la domination du capitalisme, le possible d’une émancipation de l’être humain de toutes les aliénations, les batailles de résistance, les initiatives pour expérimenter des rassemblements à vocation majoritaire, des fronts ouvrant des perspectives politiques réellement transformatrices ne font pas le poids face à l’offensive néolibérale, et les candidats qui les représentent restent très minoritaires aux élections. La première piste de réflexion proposée à notre congrès, en ce qui concerne la transformation du PCF : « les idées au premier plan », me paraît décisive. Le PCF a travaillé, avec d’autres acteurs du mouvement social, des chercheurs, des propositions dans beaucoup de domaines – celles par exemple sur les retraites font souvent référence. Mais c’est la cohérence de notre projet politique qui reste à construire. Notre prise en compte de travaux théoriques pour repenser la conception du communisme n’a guère convaincu au-delà d’un cercle d’initiés. De « grands moyens humains, financiers et intellectuels », et surtout le « choix d’un processus de travail public et ouvert » pour construire « du sens et de la cohérence » au projet communiste, « identifier les repères essentiels d’une politique de transformation » : c’est dans la mise en œuvre d’un tel travail, à partir de ce que sont les réalités d’aujourd’hui, que le PCF transformé sera utile. Il ne s’agit pas d’attendre qu’un aréopage nous apporte d’en haut des idées. Bien au contraire, les expérimentations de pratiques politiques de proximité, l’invention de nouvelles règles de fonctionnement à tous les niveaux, en rupture avec les mises à l’écart des idées et des individus dissidents par rapport aux choix majoritaires, comme avec la cacophonie d’actes politiques handicapant leur mise en application, sont des conditions pour que mettre « les idées au premier plan » permettent que ces idées soient partagées, populaires, au point de devenir de ces « forces matérielles » qui pèsent sur le cours des choses.
L’enjeu de la transformation du PCF est inséparable de l’analyse lucide de notre « stratégie » de front(s), de prises de décisions concernant le très court terme, les élections de 2012…Des questions qui appellent en tant que telles encore beaucoup de débats et de contributions.
5 juin 2010, contribution personnelle au congrès du PCF
Pour lire d'autres contributions de communistes nanterriens :
http://www.pcf-nanterre.fr/Les-textes-du-congres-d-etape-du
2012
Historique ? c’est
possible…
L’ambition que nous
affichons pour le congrès du PCF est considérable. Le temps du débat est court,
d’ici février. Le risque serait que nous nous satisfaisions de mots, entre
militant-e-s porté-e-s par une sorte d’optimisme historique.
L’ère de l’hégémonie du libéralisme s’achève :
cette idée est-elle dominante ?
En tout cas,
à ce jour, la preuve n’est pas encore faite qu’une alternative existe, qu’elle
est possible. L’attitude de l’électorat
l’a montré en mai et juin. 11 % pour le candidat commun du Front de gauche à la
présidentielle, c’est encourageant, comparé aux résultats des candidats
communistes aux précédents scrutins.
Mais le choix « réaliste » majoritaire du bulletin Hollande
pour chasser Sarkozy, jusque chez des électeurs attirés par le programme et le
candidat du Front de gauche, s’est
prolongé aux législatives, avec les conséquences que l’on sait : moins de
député-e-s communistes et Front de gauche. Et le taux d’abstention à ces
législatives a marqué, une fois encore, une fracture profonde avec les
institutions et l’offre politique, en particulier dans les quartiers populaires.
Les conséquences des institutions de la Vème République, du présidentialisme,
quasi monarchiste, du mode de scrutin, sont lourdes, mais suffisent-elles à
expliquer les rapports de forces électoraux actuels ?
Commencer par les résultats
électoraux, n’est-ce pas une provocation ?
Je l’assume
ici en tant que telle, alors qu’ il s’agit de réfléchir sur la stratégie, sur
les statuts, sur l’élection des dirigeants d’un parti révolutionnaire, dont
les congrès précédents ont débattu et adopté tant de résolutions dans lesquelles les élections sont conçues
comme un moment dans un mouvement, une dynamique populaire à vocation
majoritaire. Autrement dit, gagner ou perdre une élection est-il le principal
indicateur du bien fondé de notre stratégie ? Une des raisons de notre
affaiblissement n’est-il pas que les campagnes électorales constituent la
principale, pour certains l’unique, activité militante au PCF ?
Le
Front de gauche a aussi été à l’origine une alliance électorale de partis,
et, s’il a été présent dans des mouvements sociaux, s’il s’est élargi et
renforcé, au-delà des adhérents à des partis, son identité principale reste
liée aux campagnes électorales, à la présidentielle. Rôle moteur dans un plus large collectif de
luttes sociales et politiques contre le TSCG et l’austérité, front(s) de
luttes, ateliers législatifs, structuration d’assemblées citoyennes locales
ouvertes…autant de pistes, de formes inédites à construire, à expérimenter, pour que le Front de gauche devienne autre
chose qu’une machine électorale. Les propositions du livre-programme l’Humain d’abord n’ont rien perdu de
leur actualité. Ce qui ne veut pas dire que le débat soit clos sur plusieurs
questions restées ouvertes. Le débat stratégique dans le Front de gauche doit
être public et franc, il ne doit pas être caricaturé en clivages, mais vécu
comme nécessaire pour avancer ensemble. Dire que le Front de gauche ambitionne
de constituer un recours pour un changement de majorité à gauche, ce n’est pas se
résigner à attendre un grand soir électoral. Dire qu’il faut lutter pour
d’ambitieuses conquêtes sociales maintenant, ce n’est pas se résigner aux
rapports de force électoral actuel, à amender à la marge une politique social-libérale
qui va dans le mur. Sa participation déterminante à construire le Front de
gauche ne peut qu’avoir une influence bénéfique sur le PCF, dont
beaucoup de militant-e-s s’enrichissent
de façons nouvelles – ou retrouvées - de faire de la politique, de travailler
avec d’autres militant-e-s porteurs de
cultures politiques différentes.
Le Front de gauche ne dispense donc pas,
au contraire, le PCF de repenser, refonder son identité, son organisation, son
rôle de parti révolutionnaire.
La tendance
à son affaiblissement est loin d’être stoppée, et surtout le communisme de
notre temps reste à inventer. La crise
que nous vivons est celle du mode de production capitaliste, mondialisé et
financiarisé, incapable de répondre aux besoins vitaux de l’Humanité, et
l’idéologie libérale (quelles que soient ses écoles, néo-,socio-,
ordo-libérales), qui en faisait « la fin de la civilisation », n’est
plus à même de produire un discours séduisant. Il est à remarquer que quand ce
fut le cas, dans les années 1980, le libéralisme avait le champ libre. La crise
du « marxisme » depuis au moins les années 1960, les difficultés du
PCF, alors principale force à gauche, à s’émanciper d’une part d’une stratégie
électoraliste d’alliance « au sommet » avec le Parti socialiste, d’autre
part de son soutien à l’URSS et aux pays de l’Est, enfin l’effondrement de ce
« socialisme réel », tout cela contribua à créer les conditions, de
l’hégémonie de la pensée unique et de la mise en application des politiques
libérales en France, dans un contexte mondial d’offensive féroce contre toutes
les conquêtes sociales et toutes les régulations des marchés. On peut se
féliciter, qu’une génération après, existe encore en France un Parti
communiste, et qu’en Europe un PGE se soit créé !
Si le temps du libéralisme arrogant
peut sembler fini, rien ne garantit que la crise rende plus populaire ce que
nous proposons pour sortir de l’impasse.
Ce n’est qu’une
possibilité. La montée de l’extrême droite, sa banalisation, dont l’analyse
sera sans doute l’objet d’autres contributions, la dérive d’une droite prête à
faire alliance avec le FN, montrent qu’en France, comme dans d’autres pays, le
pire est aussi possible.
Il nous faut prendre la mesure de toutes les
(re ?) conquêtes à faire, sur le terrain des luttes, et sur le terrain des
idées. La soumission du monde, des peuples, des entreprises, des politiques, à
la profitabilité de formidables masses
d’argent accumulé, échappant à tout contrôle démocratique, est encore présenté comme
une fatalité, comme l’ordre naturel des choses. Malgré la crise, l’illusion est
tenace, que les marchés financiers spéculatifs sont intouchables et même indispensables
pour l’économie, que l’argent crée de l’argent.
La fin de la diabolisation de Marx est salutaire, pour déconstruire ce nouveau( ?)
mythe du veau d’or. Le travail humain comme seul créateur de valeur, de
richesse, tout le contraire d’un coût à réduire, voilà une idée des plus
subversives, des plus contraires non seulement à l’offensive du MEDEF, mais aussi aux choix politiques actuels de la
social-démocratie. La lutte des classes, l’engagement collectif, la visée
révolutionnaire du dépassement (abolition ?) du capitalisme, le communisme,
ne seront plus forcément dans l’imaginaire collectif considérés comme des
repoussoirs synonymes de totalitarisme, mais au contraire comme porteurs de
désaliénation et d’émancipation de chacun et de tous, pourvu évidemment que les
recherches théoriques et la pratique politique du PCF soient en
cohérence. J’aime le slogan l’Humain
d’abord, en ce sens qu’il est en rupture avec certains délires
« post-modernes », que ma génération soixante-huitarde avait peine à
digérer, ce qui peut ouvrir en grand un véritable espace public pour une pensée
critique libérée des ravages d’un
« marxisme » stalinisé.
Trois pistes, parmi beaucoup
d’autres, de débats pour un communisme décomplexé
La critique de la pensée néolibérale,
la recherche de solutions pour sortir de la crise que son application provoque
ou accompagne, est majoritairement d’inspiration keynésienne. Face à un marché
financier « devenu fou » et tout puissant, ces théories visant à une
régulation, à un équilibre du système par l’intervention étatique, publique,
renvoient à un souvenir des « Trente glorieuses » idéalisé. Cet
aménagement du capitalisme n’a rien de révolutionnaire. Pourrait-il aujourd’hui
nous sauver de la crise, sauver le
capitalisme en quelque sorte de lui-même, de ses contradictions
fondamentales ou même de ses turpitudes ?
Ce ne peut pas être, ce n’est pas ce que
propose le PCF. Dans la nécessaire confrontation d’idées à ouvrir, la question de la propriété des moyens de
production et d’échange, mise au second plan après l’expérience peu
glorieuse des nationalisations des années 80, est de celles qui ressurgissent. L’appropriation
collective, publique de secteurs comme l’eau, l’énergie ou le médicament, la
création d’un pôle public bancaire, sont au programme du Front de gauche et
bien au-delà. Des luttes contre des suppressions d’emplois et d’entreprises
commencent à monter des propositions de mise en coopératives. Le secteur de
l’économie sociale et solidaire se veut aussi une alternative aux lois du
marché capitaliste. Plus largement, se pose la nécessité de conquérir, contre
les actionnaires-propriétaires, des droits
d’intervention des salariés, des populations et de leurs élu-e-s, pour des
choix d’investissements, pour des créations d’emplois productifs et
socialement, humainement, écologiquement utiles. Autant de terrains concrets
pour un militantisme communiste novateur.
Un projet, une visée communiste, pour être
compris et partagé, ça doit donner du sens tout de suite à la vie et ça doit
aussi faire rêver d’un autre monde possible, dans la longue durée et à
l’échelle de la planète. Parmi les multiples questions que l’humanité se pose,
celles de l’écologie s’inscrit
encore trop en marge dans notre réflexion. Sur l’énergie nucléaire, sur les énergies
fossiles, sur les énergies d’avenir à développer, nous sommes perçus comme
un maillon faible du Front de gauche, nos positionnements sont décrits comme
hésitants, changeants, beaucoup plus « productivistes »
qu’ « écolos ». Un énorme travail d’information, de débats
contradictoires, dans lesquels tout le monde se respecte, associant chercheurs,
salariés de l’énergie, citoyens, est à faire, si nous voulons par exemple que
le référendum proposé dans le programme du Front de gauche sur le devenir de
l’énergie nucléaire soit compris comme autre chose qu’un compromis politicien.
Enfin,
je veux insister sur la nécessité
absolue de déconstruire et de combattre tout discours « ethnicisant »
la société, substituant à la lutte des classes des conflits de
« races », de cultures, d’origine, l’opposition entre « français
de souche » et immigrés ou héritiers de l’immigration.
La mise à l’index, la mise sous contrôle policier, les discriminations, notamment pour l’accès
à l’emploi selon l’origine de son nom, de son lieu d’habitation, aggravent les
conséquences du chômage massif, des bas revenus des familles, et du système scolaire inégalitaire. Des
personnalités en construction en sont profondément déstructurées, entre
recherche d’une identité fantasmée, modèle libéral individualiste de réussite
par l’argent roi, terrible humiliation d’être exclus et méprisés, réduits à la
« débrouille ». (Re ?)conquérir une « hégémonie
communiste » dans les cités, cela ne pourra pas se faire par des
références nostalgiques au passé, par un discours venu seulement de
l’extérieur, mais par une décision
politique d’y investir des forces et des organisations militantes, d’y inventer
des formes inédites de lutte des classes.
Je constate que nous n’avons sans
doute pas encore, sous Sarkozy, connu le pire, en matière de propagation des
préjugés et des phobies, de la haine de l’autre, sous prétexte de sa couleur,
de sa religion, de sa nationalité, de son lieu d’habitation, et pour les Rroms, en raison même des
conditions indignes dans lesquelles des discriminations font vivre des milliers
d’entre eux… Sur fond de misère, de la ruine des protections sociales et des
espérances, attisées par l’extrême droite, les violences racistes, anti-immigrés,
montent en Europe.
Nous devons réaffirmer et approfondir notre conception ouverte de la nation dans le
cadre de la mondialisation, travailler
le concept de citoyenneté de résidence, dont le droit de vote des étrangers
résidents est une composante essentielle, ce qui ne doit s’opposer en rien à la
bataille à mener pour un droit du sol intégral et pour faciliter, pour ceux qui
le veulent, l’acquisition de la nationalité française.
Nous ne devons rien lâcher de notre soutien aux migrants, qu’ils aient des
papiers ou pas, dans les luttes pour que tous aient les mêmes droits que
les autres salariés, les autres étudiants, les autres enfants, les autres
familles, les autres habitant-e-s de nos cités. Les grèves de milliers de
travailleurs sans papiers ont changé la dimension de la lutte pour leur
régularisation, avec l’engagement syndical en faisant une affaire aussi de
droit des salariés, en mettant en évidence que c’est d’une lutte de classe
qu’il s’agit. Notre apport communiste est aussi de montrer, dans le débat qui
anime les militants de la cause des sans papiers, que cela n’en donne que plus
de force et de sens aux revendications d’égalité et de conquête de droits de la
personne humaine dont cette lutte est porteuse, incluant liberté de
circulation, droit à la vie privée et familiale, droit d’asile…
Le communisme du XXIème siècle, on ne va pas l’inventer tout seuls
Les adhérents au PCF ne sont pas
seuls, heureusement, dans le monde, en Europe, en France, a lutter et à
chercher une alternative, un après au libéralisme, au capitalisme. D’ailleurs,
s’il n’est pas faux de constater que la dernière séquence électorale a mobilisé,
rassemblé dans leurs diversités, sinon tous les communistes, du moins un nombre
beaucoup plus grand que des campagnes antérieures, il est tout aussi vrai de
constater qu’il y a davantage de communistes en dehors du PCF que d’adhérents
actifs. Au Front de gauche, dans le mouvement social, dans les syndicats, les
associations, nombreux sont celles et ceux dont les expériences, les
propositions, les analyses, les critiques sont à entendre. La préparation du
congrès ne doit donc pas être un moment de repli entre seuls adhérents. Des
espaces ouverts, des initiatives sont à imaginer, pour élargir les
contributions sur le thème : « qu’attendez-vous du Parti communiste,
maintenant ? »
André Landrain
Adhérent à la section de Nanterre du PCF, Hauts-de-Seine
Contribution personnelle pour préparer le 36 ème congrès
5 octobre 2012
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