Ecouter l'intégralité du débat |
Le 29 juin, la deuxième soirée à la Maison des Métallos était consacrée aux "délits de solidarité". "Le 22 février 1997, près de 100 000 personnes défilent à Paris contre le projet de "loi Debré" sur l'immigration qui posait les prémices du "délit de solidarité". Depuis, "de nombreux textes législatifs se sont succédés et des poursuites en tout genre ont vu le jour contre ceux qui manifestent leur solidarité, sous une forme ou sous une autre, avec les personnes sans papiers".
LA CIMADE et le GISTI, organisateurs du débat animé par David Eloi, rédacteur en chef de la revue Altermondes, ont présenté analyses et témoignages sur les poursuites et intimidations "qui visent les personnes qui refusent de céder aux injonctions du pouvoir", qui, "par conviction, par générosité, par simple sentiment d'humanité", refusent que "les personnes en situation irrégulière en France soient privées de toute forme de soutien."
Claudia Charles, chargée d'études au GISTI, a montré que, contrairement à l'affirmation de politiciens qui prétendent que le délit de solidarité n'existerait plus depuis 2012, des poursuites ont bel et bien lieu, et que la législation en vigueur, le code pénal, contiennent des ambigüité qui les permettent.
Nan Suel, présidente de Terre d'Errance, qui construit des abris pour des demandeurs d'asile laissés en déserrance dans la campagne du Nord, en sait quelque chose : autorisation, puis interdiction ; tolérance, puis sommation de démolir... Dans le même village, une dame a été arrêtée chez elle, mise en garde à vue, pour avoir rechargé les portables de jeunes migrants "qui avaient l'âge de ses fils, afin qu'ils puissent donner des nouvelles à leurs familles".
François Loret, du collectif Romeurope du Val Maubuée et président de l'association Convivance, est en appel suite à une condamnation à un forte amende : parce qu'il a voulu mettre à l'abri des familles Rroms dont le "campement" était détruit sans aucune solution de relogement, et qu'il y a eu bousculade, et que la police et la Municipalité ont obtenu son inculpation.
Les procédures sont longues, les "délinquants de la solidarité" sont laissés sans informations sur les suites de leurs "affaires" : le but est avant tout de faire peur, d'entraver les activités solidaires des bénévoles.
Il faut que la peur change de camp !
L'assistance, comme le débat l'a montré, était composée principalement de citoyen-ne-s engagé-e-s aux côtés des migrants, qui ne sont pas prêt--s à se laisser intimider de la sorte. Au contraire, des propositions fusent : entamer des procédures exigeant des réparations pour les préjudices subis à cause d'enquêtes intrusives et de gardes à vue tout aussi peu fondées ; voire exiger des contrepartie, puisque les bénévoles font ce que les services de l'Etat devraient faire ; construire un réseau permettant l'entraide juridique, la solidarité financière, une plus grande convergence des mobilisations solidaires... Etre nombreux et s'appuyer sur des associations solides et expérimentées, ce sont les meilleurs moyens d'éviter des intimidations et des répressions, qui visent, le plus souvent, des initiatives individuelles ou isolées.
Le ton a été aussi combatif que la veille, avec notamment à nouveau une information, par la COPAF, sur les mobilisations à construire avec les résidents des foyers, une intervention d'un délégué du CSP75, ou un appel à venir soutenir les "réfugiés" sans abris à Paris, que la police traque à nouveau dans le 18ème arrondissement...Avec à ce que risquent et subissent les migrants, chacun partageait le sentiment que ce sont eux qui sont en danger, beaucoup plus que leurs soutiens . Le rapport accusateur du Défenseur des droits, celui sur les Centres de Rétention Administrative, par exemple, auraient mérité toute une soirée d'échanges !
Ni les intervenants ni la grande majorité du public n'avaient assisté au débat de la veille sur les luttes des travailleurs sans papiers. Ce n'est que le lendemain que la nouvelle de la belle victoire des 18 du 57 boulevard de Strasbourg devant le tribunal des Prud'hommes est tombée. Bien sûr, il peut encore y avoir appel, et c'est cet automne que leur plainte pour traite d'êtres humains, contre leur ancien employeur, passera en jugement (lire l'article de l'Humanité du 1er juillet).
Raison de plus pour renforcer les liens entre les syndicats - acteurs de la lutte des classes pour les droits des travailleurs - et les associations de solidarité avec les migrants, de défense des droits de l'Homme.
Oui, il faut - et c'est possible - que "la peur change de camp" !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire