"C'est une initiative heureuse ce soir, moins par l'aspect commémoration que par l'actualité des luttes": tels sont les premiers mots de Louis Viannet, ancien secrétaire général de la CGT, à la soirée-débat organisée conjointement avec l'Union syndicale Solidaires
Ce 28 juin 2016, onzième journée de grèves et de manifestations contre la loi de casse du code du travail, nous sommes plusieurs dizaines qui n'auraient manqué pour rien au monde le rendez-vous à la Maison des Métallos. "L'engagement des syndicats auprès des travailleurs sans papiers de Saint-Bernard à aujourd'hui" est le thème de la soirée. Toutes les initiatives marquant les 20 ans de Saint-Bernard, organisées par un collectif d'organisations initié par Maryline Poulain, de la CGT Paris, sont destinées à faire le lien entre la "sortie de l'ombre" des migrants sans papiers il y a vingt ans, exigeant leur régularisation globale, et les grèves des travailleurs sans papiers de 2006 à aujourd'hui.
Le ton n'était donc pas à la commémoration nostalgique, mais quand même. Il faut entendre Louis Viannet évoquer son émotion le jour où Madjiguène Cissé lui a fait remarquer qu'il était le premier dirigeant national à venir rencontrer les occupants de Saint-Bernard en grève de la faim. Et Annick Coupé rappellant combien il n'était ni évident ni facile d'héberger momentanément dans les locaux de son syndicat des hommes, des femmes et des enfants chassés systématiquement par la police de tous les autres lieux qu'ils occupaient. Pour les syndicalistes, comme pour tous les autres citoyens, qu'ils soient membres de la communauté chrétienne, militants associatifs, politiques, intellectuels, qui ont connu de telles expériences, en 1996 et dans les années suivantes, ce fut une expérience humaine sans pareil, une prise de conscience, un nouveau regard sur, et un nouvel engagement avec, les migrants.
L'historien Gérard Noiriel contextualise l'évènement "Saint-Bernard", et analyse la dérive xénophobe dans notre société, aujourd'hui, telle qu'elle se manifeste notamment dans la situation indigne des demandeurs d'asile en France et en Europe, et dans laquelle intellectuels et politiques "droitisés"ont une responsabilité majeure.
Francine Blanche, pour la CGT, et Sébastien Peigney, pour Solidaires, montrent que l'angle syndical permet de construire des luttes en identifiant les travailleurs sans papiers d'abord comme des travailleurs, en se servant des acquis des luttes précédentes,- c'est le BA-BA de la lutte de classe- , fussent-ils aussi imparfaits que la circulaire du 28 novembre 2012, reflet du rapport des forces créé par les grèves dans les entreprises et les mobilisations de RESF.
Le témoignage d'Aminata Soumaoro, une des coiffeuses grévistes du 18 boulevard de Strasbourg, est marqué par l'émotion : "Nous ne sommes pas les premièr(e)s, nous ne sommes pas les seule(s)". Emilien Urbach a écrit, dans l'Humanité du jour, un beau et poignant portrait de cette jeune femme de 22 ans, qui vient de remporter une première victoire juridique : "J'ai galéré toute mon enfance et ça a continué en arrivant en France".
Leurs interventions en vidéos :
Des témoignages, il y en a eu plusieurs autres dans la salle, notamment ceux de militants CGT sollicités par des travailleurs sans papiers décidés à s'organiser pour engager la lutte pour leur régularisation et tous leurs droits. Des actions sont porteuses de revendications nouvelles, avec un collectif parisien où se retrouvent des syndicalistes, Droits-Devant, des sans-papiers en lutte, qui sont parvenus à obtenir des rencontres avec le Ministère du Travail pour demander la régularisation à l'initiative des Inspecteurs du Travail sans exigence d'ancienneté ni de fiches de paie préalables, la suppresion de la taxe pour l'emploi de travailleurs étrangers...Mais le Ministère de l'Intérieur bloque.
Les résidents des foyers commencent eux aussi à se mobiliser, depuis plusieurs mois, contre des contrôles de police, contre la volonté de la SONACOTRA ou de COALLIA de supprimer les espaces et les cuisines communes, de chasser les tavailleurs migrants, avec ou sans papiers, pour récupérer et transformer les chambres afin d'héberger d'autres catégories de la population. Sans oublier les chibanis, travailleurs retraités contraints à d'incessants aller-retours dans leur pays d'origine, sous peine de perdre leur retraite.
Dominique Noguéres, avocate et militante de la LDH a rappellé l'importance des batailles juridiques, à Saint-Bernard et aujourd'hui. Une question qui, sous l'angle des "délits de solidarité", a été au coeur du débat du lendemain, , organisé avec La Cimade et le GISTI, qui fera l'objet d'un prochain billet.
Les films du collectif des cinéastes projetés au cours de la soirée :
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