Sur le forum et le « collectif du 14 décembre »
contre l’islamophobie
contre l’islamophobie
J’ai participé en tant que militant
du collectif Libertés et droits de la personne du PCF au Forum
international contre l’islamophobie à la Bourse du travail de
Paris, le 14 décembre 2013.
Plusieurs centaines de participants,
une grande diversité et une réelle volonté de rassembler, de créer
des ponts et des convergences entre tous les acteurs des luttes
contre le racisme et les discriminations, pour le vivre ensemble.
Présence active de la LDH, co-animatrice de la deuxième table
ronde, plus discrète du MRAP en plénière (encore des piques
entendus à propos de la notion de « racisme anti-blanc »)
mais présence dans les ateliers. Pour les politiques, quelques
militants PCF, pas plus du NPA, et du courant « Ensemble »
du Front de gauche (dont l’ex sénatrice EELV Boumédienne-Thierry).
J’ai assisté aux deux tables rondes et à l’atelier 4.
Le 15 janvier est prévue une réunion pour faire la synthèse de ce forum.
En attendant, les points retenus en
synthèse des ateliers d’après mes notes personnelles :
- Combat féministe (atelier 1):
- Constat de cassures depuis 2004, de peurs et d’autocensures dans les organisations (de peur de diviser) notamment féministes, sur l’islamophobie, dont pourtant les femmes seraient les premières victimes au travail et dans la société, pas seulement à cause du voile.
Mais aussi des
bouger remarqués, par exemple chez des enseignants (école pour
toutes).
- Volonté de ne pas lâcher pour élargir, rassembler, sur le thème de l’égalité (« la vraie laïcité et le vrai féminisme, c’est nous, car on n’exclut pas »).
Négociations
en cours pour participation dans le collectif de
préparation de la manifestation du 8 mars d’organisations
comme « Mamans toutes égales ».
- Préparation d’un livre noir des atteintes aux droits, à la dignité, aux libertés. Création d’une commission mixte ouverte, d’un observatoire de la déscolarisation suite à la loi sur le voile.
Toutefois,
l’annonce d’une manifestation le 15 mars organisée par le
Collectif des Femmes Pour l’Egalité, faite par Houria Bouteldja en
fin de forum, pour demander l’abrogation de la loi du 15 mars 2004,
n’a pas fait l’unanimité des associations, certaines préférant
mobiliser contre ses décrets d’application.
- Campagne pour s’engager comme citoyennes, s’inscrire sur les listes électorales.
- Mobilisations locales (atelier 2)
- Des résistances existent, il faut les faire connaître, avec « visibilité et bruit »
Un collectif
contre les discriminations islamophobes a enregistré 300 appels en 2
mois, dont 80% de femmes.
- Il y a un « construction sociale » du silence, institutionnelle et politique, mais constat aussi que comme toutes les victimes de discriminations, des musulmans eux-mêmes doutent de l’existence de ces discriminations, et les victimes sont rarement en situation de se défendre par le droit et la lutte.
3 pistes :
- Interpeller les institutions, les élus…en articulant local et national (avec un rendez-vous national)
- Faire débats et forums pour agir sur les mentalités, conscientiser.
- Imposer les
associations comme interlocuteurs obligés, pas les seules
associations musulmanes, mais en rassemblant large sur le thème de
l’égalité, du vivre ensemble.
- La loi (atelier 3)
- S’appuyer sur le cadre européen, sur le droit international
- Créer du contentieux pour obtenir des jurisprudences
- Politiser des affaires symboliques et emblématiques
- Construire une approche non défensive, par exemple en exigeant un bilan des lois, depuis leur application, au regard de leurs exposés des motifs et des valeurs républicaines, des droits des enfants et des personnes humaines.
- IV. Répondre à l’islamophobie d’en haut (atelier 4)
- Rendre évident que les discriminations sont des questions sociales, pas religieuses ou ethniques, des enjeux de luttes de classes, des armes de division des victimes de politiques antisociales. Contre la victimisation de communautés, en faire l’affaire de tous.
- Inscrire la lutte contre l’islamophobie dans le combat contre le racisme en général, contre toutes les formes de racisme. Mais ne pas noyer sa spécificité ; question complexe, car on passe sans cesse de la phobie d’une religion à un racisme « biologique » (« le type musulman ») sur fond aussi de passé colonial.
- Faire entrer cette lutte dans le champ politique, s’engager en politique sans rien renier de sa culture, de sa religion, ce qui est très difficile en France. En tout cas, ne rien enlever de la dimension citoyenne, républicaine, de la lutte pour l’égalité dans la diversité.
- Question récurrente : faut-il travailler à donner une belle image, positive, de la « communauté » musulmane ? / Au nom de quoi les musulmans devraient-ils faire plus d’efforts que d’autres, seraient-ils responsables, en tant que tels, d’actes délictueux, criminels ou terroristes ? Nécessité d’interpeller les médias, de ne pas laisser passer les propos politiques et/ou à prétention intellectuelle stigmatisants, d’où qu’ils viennent.
- Ne pas laisser le mot ni le terrain de la laïcité aux adversaires du vivre ensemble et de la souveraineté populaire. La laïcité, ce n’est pas le « laïcisme » étroit, autoritaire et normatif, mais, au contraire une lutte pour l’émancipation et le pouvoir du peuple dans toute sa diversité, pas seulement religieuse.
Parmi les actions immédiates , un
collectif a déjà largement entamé un travail de rencontres avec
des élus locaux, des candidats aux municipales.
Le caractère réellement international
du forum a permis à des chercheurs anglais, belge et américain de
faire état de points de vue comparatifs extérieurs, nous avons eu
des échos du forum de Berkley qui a voté une résolution sur
l’islamophobie en France, et de la conférence interuniversitaire
des 12 et 13 décembre à Paris. Evidemment, les comparaisons avec
les pays de culture anglo-saxonne, non exempts eux-mêmes
d’islamophobie, et historiquement porteurs d’autres conceptions
de la laïcité, auraient mérité à elles seules des jours entiers
de colloques.
Des
universitaires ont dénoncé, avec des nuances, une islamophobie,
consciente ou non, du système universitaire français, et du corps
des enseignants, discriminatoire à l’égard d’étudiantes de
3ème cycle, notamment doctorantes.
Parmi une très abondante publication,
je conseille « Islamophobie, comment les élites françaises
fabriquent le « problème musulman » » (La
Découverte, septembre 2013), œuvre de deux jeunes sociologues dont
j’ai trouvé les interventions au forum particulièrement riches,
stimulantes et « progressistes ». Abdellali Hajjat est
maître de conférence à l’université Paris Ouest Nanterre.
Marwan Mohammed est chargé de recherche au CNRS, CMH-ERIS. Tous deux
animent le séminaire « Islamophobie » à l’EHESS
(Paris).
Sans oublier bien sûr « La
laïcité n’est pas ce que vous croyez » (La
Marseillaise/Les éditions de l’Atelier, août 2013), rédigé par
Pierre Dharréville comme invitation au débat chez les communistes
et pas seulement. Un livre efficace : sa lecture a été
déterminante pour que j’aie envie d’aller au forum de samedi.