20 ème anniversaire de la Coordination 93 de lutte pour les sans-papiers 5 novembre 2016 |
Le démarrage de la campagne électorale est
dominé par des primaires et une offensive de l’extrême droite, qui donnent le
ton : instrumentalisation politicienne de thèmes racistes, xénophobes, ethno-identitaires,
sécuritaires… amalgames entre terrorisme, guerre, islamisme, immigration, délinquance,
banlieue....
Le danger est d’autant
plus grand que des repères ont sauté, sur ces questions comme sur beaucoup d’autres,
chez des dirigeants de l’Etat, des élus, des responsables politiques dont certains
représentent encore « la gauche » pour le plus grand nombre des
citoyens. Et entre la droite auto proclamée « républicaine » et le
Front national, présentés déjà comme futurs vainqueurs, le glissement est de
plus en plus « décomplexé »
Il n’y a rien de fatal pourtant
à ce que des citoyens, eux-mêmes victimes de la crise systémique du capitalisme
qui touche tous les aspects de notre civilisation et de notre vie quotidienne,
soient davantage sensibles aux discours populistes de droite, à la peur et à la
haine de l’« autre » qu’ils sèment, plutôt qu’à la nécessaire
solidarité entre tous les « damnés de la Terre ». La solidarité
humanitaire de nombreux citoyens avec les réfugiés, par exemple, est
réconfortante, bien sûr en premier lieu pour les arrivants, mais aussi pour
nous-mêmes
. Cependant on sent bien que c’est fragile.
Pour construire l’opinion majoritaire, la responsabilité des médias, des
« politiques », est considérable ; or, la majorité des uns et
des autres ne sont pas indépendants de puissances financières et de lobbies qui
trouvent des sources considérables de profits dans les dépenses guerrières et
« sécuritaires » contre des ennemis, extérieurs et intérieurs, les uns réels et les autres fantasmés, désignés
comme boucs émissaires.
Pour les forces politiques
et leurs candidats qui contestent une « pensée unique » de plus en
plus influencée par l’extrême droite, en premier lieu les communistes et la
nébuleuse « France insoumise », ainsi que d’autres courants, de
« l’’extrême gauche » ou d’Europe-Ecologie-Les-Verts, il n’est pas facile d’être compris, dans ce
contexte, pour proposer, en matière de migrations, de citoyenneté, et d’antiracisme conséquent, une politique
nécessairement en rupture avec la dérive actuelle des
« gouvernants », à l’échelle de notre pays, de l’Union européenne et
de la planète.
Des éléments de langage
sont possibles, évitant les mots qui font polémique ou qui inquiètent :
- Faire face à l’urgence humanitaire, en
ouvrant des voies d’accès sécurisées aux demandeurs d’asile et en accueillant
dignement les réfugiés.
- Travailler à une politique
internationale de paix, de justice, de solidarité, pour que personne ne
soit plus forcé de s’exiler de son pays.
- Permettre un séjour régulier, une
bonne intégration, à toutes celles et tous ceux qui travaillent, étudient,
vivent sur notre territoire.
- Favoriser l’acquisition de la
nationalité française, et progresser vers une citoyenneté de résidence, en
accordant le droit de vote aux résidents d'autres nationalités, installés
depuis longtemps sur notre territoire.
- En finir avec toutes les
discriminations, combattre toutes les formes de racisme.
Il est évident qu’à moins
de cela, je ne saurais soutenir, quelle que soit son étiquette, aucun(e)
candidat(e), à fortiori aucun(e) candidat(e) qui tiendrait des propos explicitement
ou implicitement en contradiction avec de tels mots, qui, je crois,
correspondent à ce que pensent la majorité de nos concitoyens. Et il est
évident aussi que c’est un minimum à suggérer pour des circulaires électorales,
pas un programme pour la France, lequel exige qu’on approfondisse et précise ce
qu’on propose concrètement de faire, à la fois dans l’urgence et à plus long
terme.
C’est pour un indispensable
débat et à une élaboration commune de projet et programme, que j’avais, au mois
de mars, écrit une contribution dans le cadre de la préparation du congrès du
PCF, à partir de mon expérience d’une vingtaine d’années d’activité militante. Les
données datent d’il y a huit mois : une mise à jour factuelle, qui serait
utile, ne changerait pas, et même conforterait, à mon avis, l’analyse qui y est
proposée.
Commémoration des vingt ans de l'occupation de l'église Saint-Bernard |
Depuis, des évènements comme Solidacities,
au Parlement européen, ou comme le colloque
de rentrée du Collège de France, invitent à considérablement enrichir les
réflexions et beaucoup élargir les perspectives d’actions communes du local au
mondial. Il en est de même de luttes toutes récentes de travailleurs sans
papiers soutenus notamment par la CGT, dont certaines sont victorieuses, comme
celles des coiffeuses du 57 boulevard de Strasbourg ou des 25 ouvriers du
bâtiment au 46 avenue de Breteuil, à Paris. Sans oublier les initiatives
commémorant le vingtième anniversaire des occupations de 1996, dont celle de
l’église Saint-Bernard, celui de la Coordination 93 de lutte pour les
sans-papiers, des rassemblements autour des foyers de travailleurs migrants, ou
avec les syndicats des inspecteurs du travail, ou encore des parrainages,
pétitions et rassemblement, organisés par RESF ou par des collectifs avec leurs
réseaux de soutiens, comme Sans-Papiers 92, pour m’en tenir à la région
parisienne.
La lutte contre
le racisme, pour l’égalité, a un champ plus large que celui des
migrations, et en est en même temps inséparable. Le travail collectif de cette
commission du PCF, à laquelle je participe, a produit déjà une
très riche contribution, qui a suscité autant d’intérêt chez des chercheurs
de plusieurs disciplines, des militants associatifs, que de débats passionnés
en interne dans le parti. La commission travaille actuellement à un projet de
colloque pour les adhérents du PCF. Je renvoie donc à ses travaux, ne faisant
qu’évoquer, (trop) rapidement, la lutte contre le racisme et la xénophobie dans
les propositions formulées à partir de ma contribution sur les migrations.
Le point de vue exprimé, dans
mon texte Migrations : dans quel monde
voulons-nous vivre ? comme ses destinataires, sont
clairement situés, mais je pense que les problématiques soulevées sont partagées
bien au-delà de celles et de ceux qui comme moi, continuent d’appeler
« communisme » une visée et une action militante pour construire une
perspective commune pour changer le monde. Je pense donc utile de remettre à la
disposition de tous, pour continuer nos débats et nos combats commun, pour
qu’on ne « lâche rien », la formulation
de propositions qui constituaient la dernière partie de ce travail.
I.
L’urgence
de la solidarité avec les demandeurs d’asile
I.1. Donner
priorité au droit à la vie :
- développer
vraiment les moyens pour que le droit international sur le sauvetage en mer
soit appliqué en Méditerranée,
- supprimer le « visa Balladur », qui
cause des milliers de morts, à Mayotte,
- ouvrir des
routes d’accès, maritimes, aériennes et terrestres, légales et sécurisées, seul
moyen d’empêcher la mort de dizaine de milliers de migrants, les violences que
subissent notamment les femmes et les enfants, d’en finir avec les odieux
trafics des passeurs et des mafias.
I.2. Appliquer la Convention de Genève :
Il faut
permettre de déposer sa demande d’asile
sur le sol de l’Union européenne, dans le pays de son choix (en raison par
exemple d’attaches familiales, de connaissance de la langue, ou tout autre
motivation personnelle), ce qui implique :
- de
dénoncer les accords de Dublin et du Touquet, de garantir la liberté de
circulation dans l’espace Schengen,
- d’en finir
avec les dépenses consacrées à l’édification de frontières fortifiées et
militarisées, à des centres de rétention, de tri et de refoulement type
« hot-spots » ; cet argent pourrait contribuer au financement
d’un fond commun, dans le cadre de l’Union
Européenne, permettant une aide équitable aux Etats, en fonction de leurs PIB
et du nombre de réfugiés qu’ils accueillent ; des sanctions, y compris
financières, pourraient être envisagées à l’encontre des Etats qui refusent,
pour des raisons idéologiques, alors qu’ils en auraient les moyens, de
contribuer à l’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés,
- d’interdire
les rétentions et les réadmissions contraintes de migrants, dont des demandeurs
d’asile et des déboutés du droit d’asile, dans des pays tiers ; de dénoncer
notamment les accords avec la Turquie ; d’annuler toutes les clauses de
réadmission dans les accords d’aide pour la coopération et le
développement.
I.3. Assurer
en France un accueil humain et digne :
- Des moyens
doivent être donnés aux préfectures et aux services de l’Etat pour l’accueil,
l’hébergement, l’accès aux droits administratifs et sociaux, à la santé, des
demandeurs d’asile, qui doivent avoir accès plus rapidement à l’emploi, et pour
le logement des réfugiés. Les partenariats avec des associations et les
collectivités locales ne doivent pas faire reposer sur ces dernières, ni sur la
charité publique ou les profits privés, l’essentiel de la solidarité.
- L’OFPRA et la
CDA doivent statuer, en toute indépendance, sans pression politique des
gouvernements ni des partis. Elles doivent avoir les moyens de traiter dans les
meilleurs délais, en collectifs de magistrats, toutes les demandes des
personnes, dans des conditions leur permettant d’être entendues, assistées et
défendues. Les listes de « pays sûrs » doivent être supprimées, les
atteintes à la vie ou aux droits fondamentaux des personnes n’étant pas le fait
exclusif de certains Etats.
- Les dispositions légales et les circulaires
favorisant l’expulsion rapide et systématique du territoire des déboutés du
droit d’asile doivent être abolies.
II. Une nouvelle politique pour tous les
migrants
parrainage de sans-papiers, fête du Front de gauche, Gennevilliers, 2013 |
II.1. Changer les conditions d’entrée et de séjour :
-
Supprimer
les visas de court séjour, pour favoriser la « migration
circulaire »
-
Accorder
de droit à tous les immigrés étrangers voulant s’installer sur notre territoire
un titre de séjour unique, sur le modèle de la carte de résident valable 10 ans
et renouvelable. C’est le seul titre de séjour qui permet de sortir de la
précarité.
-
Prendre
la décision politique de régulariser « globalement » les sans-papiers
présents sur notre territoire, comme le font d’autres Etats de l’UE, comme la
France l’a fait (partiellement) dans le passé.
-
Supprimer
les taxes, d’un montant devenu exorbitant, exigé des migrants pour obtenir un
titre de séjour.
-
Fermer
les centres de rétentions administratifs, supprimer les dispositions
dérogatoires au droit commun, et attentatoires aux droits de la personne
humaine, notamment en Outremer, et dans les zones d’attente des aéroports.
-
Obtenir
la ratification par la France, et les autres pays de l’Union Européenne, de la
Convention internationale pour les droits des travailleurs migrants et leurs
familles.
-
Empêcher
l’utilisation des « travailleurs détachés » à des fins de dumping
social, en leur garantissant mêmes salaires (y compris les prestations
sociales) et mêmes droits que ceux des salariés autochtones.
-
Elargir
à un collectif interministériel la responsabilité des questions de l’entrée et
du séjour des migrants, qui ne doit plus relever du seul ministre de
l’Intérieur.
-
Permettre,
comme le demandent leurs syndicats, aux Inspecteurs du travail de régulariser
les travailleurs sans-papiers, sur constat d’une relation de travail, sans autre
condition.
-
Considérer,
pour une réécriture de la loi, que le droit des migrants d’entrer et de
séjourner en France doit être la règle, et non plus l’exception,
-
Augmenter
l’aide au développement, pour atteindre les 0,7 % du PIB auxquels la France
s’est engagés, et revoir ses attributions à partir des besoins des populations,
en concertation avec des associations, l’ONU, et les migrants, en excluant
toute accaparation à d’autres fins par des Etats et des intérêts privés.
-
Mettre
en oeuvre une politique internationale de paix, de coopération, de solidarité,
qui seule peut mettre un terme aux exils forcés par les massacres, les
destructions des environnements, des économies et des ressources, par la misère
et l’absence de perspective d’avenir au pays.
-
Que
les libertés de circulation et d’installation ne soient plus un privilège de
riches et de citoyens des pays dominants : c’est un objectif, un nouveau
droit humain à conquérir,
-
Les
idéologies et les politiques racistes et xénophobes, qui inventent des
« identités nationales ethniques », lesquelles seraient à
préserver par des fermetures de frontières, par des discriminations, par des
expulsions du territoire, sont à combattre sans concession.
II.2. Protéger d’urgence les catégories les plus
vulnérables :
-
Faire
campagne pour l’adoption de la proposition de loi pour la protection des femmes
migrantes, déposée à l’Assemblée nationale en juillet 2015 à l’initiative de
Marie-George Buffet, en s’appuyant sur une résolution sur le même sujet adoptée
par le Parlement européen en mars 2016.
-
Faire
respecter la Convention Internationale des Droits de l’Enfant : les
Mineurs Isolés Etrangers (MIE) doivent être pris en charge dans les mêmes
conditions que les mineurs nationaux. L’utilisation des « tests
osseux », non fiables pour déterminer leur âge, doit être interdite. A
leur majorité, tous doivent recevoir un titre de séjour, et leur prise en
charge doit pouvoir être assurée jusqu’à la fin de leurs études ou jusqu’à ce
qu’ils accèdent à l’emploi.
L’expulsion
de jeunes scolarisés, de leurs parents, doit être rigoureusement interdite, et
la régularisation de leur séjour être de droit.
-
Le
droit aux soins doit être garanti pour les personnes malades qui ne peuvent pas
se faire soigner dans leur pays d’origine ou qui ont commencé leur traitement
en France. Les décisions doivent dépendre de médecins habilités, mais,
contrairement aux dispositions de la loi de février 2016, indépendants de
l’OFII. La prise en charge de personnes titulaires de l’AME ou de la CMU doit
être une obligation effective, respectée par tous les praticiens.
-
Les
quelques milliers de migrants, citoyens européens pauvres, qu’on appelle Roms,
ne doivent plus être traités en boucs émissaires, chassés de bidonvilles en
campements. Des mesures d’urgence pour leur logement, pour leur permettre de
vivre de leur travail, pour leur accès aux droits, pour la scolarisation de
leurs enfants, doivent être prises. Elles pourraient s’inspirer des
propositions faites par six maires de la région parisienne et le Conseil départemental
du Val de Marne, en janvier 2016, pour la résorption des bidonvilles.
III.
Vers
une citoyenneté de résidence
Pour le droit de vote, devant le Sénat, 2014 |
-
Dans
l’entreprise, dans la vie syndicale, et dans la vie associative de la cité, des
acquis importants ont été obtenus. Mais l’ouverture
des concours des trois fonctions publiques, d’Etat, territoriale et
hospitalière, n’est pas acquise, pas
plus que l’accès à certaines corporations. Pourtant, l’emploi massif de
personnels non-titulaires de nationalité étrangère dans la fonction publique, y
compris dans l’Education nationale, ou le recours à des médecins étrangers dans
les hôpitaux, montrent que cette injustice devrait cesser.
-
Pour
se conformer au droit européen, le droit de vote en France des ressortissants
des pays
de l’Union européenne a été accordé, pour les élections municipales et
européennes, tardivement et à minima.
L’extension du droit de vote aux résidents étrangers
« extra-communautaires », promesse non tenue, pour les élections
municipales, par deux Présidents de la
République, continue de faire débat. Le PCF, à son congrès de 2006, se
prononçait pour ce droit à toutes les élections, proposition partagée par peu d’autres
organisations..
Débat de quartier à Nanterre pour le droit de vote, 2014 |
Certains, à gauche, opposent à la revendication du droit de
vote pour tous les résidents sans condition de nationalité, celle d’une plus
facile acquisition de la nationalité.
Effectivement, l’application intégrale du droit du sol reste à conquérir, et
l’acquisition de la nationalité française ne devrait plus être soumise à un processus
aussi long, compliqué et intrusif qu’incertain d’aboutir. Mais pour des raisons
personnelles ou historiques, des immigrés, présents depuis longtemps en France,
restent attachés à leur nationalité d’origine.
Dans les campagnes électorales de 2017, la revendication du droit de
vote pour les étrangers résidents doit avoir toute sa place.
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