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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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Nanterre en colère

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En 2017, changeons la politique !

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jeudi 31 décembre 2015

Tout est à réinventer !



Comment écrire le dernier billet de l’année 2015 ? Comment écrire le dernier billet de cette sale année 2015 ? Comment écrire un dernier billet qui fasse office de vœux de bonheur, de réussite, de succès dans nos luttes communes pour l’année nouvelle qui est là, si proche ?

Guerres sans fin, attentats criminels, nihilisme fanatique et bestial ; reculs sociaux ; violence sèche des gouvernants au service des marchés financiers contre le peuple grec, et les autres ; trahison des valeurs et des promesses de « la gauche » ; banalisation du rejet des « migrants et réfugiés », de la mise à mort de milliers d’entre eux, hommes, femmes et enfants ; montée des peurs « identitaires », du racisme, de la xénophobie, de la haine et du FN ; Front de gauche, écologistes, « gauche de la gauche » ou « gauche radicale », au plus bas et en peine d’avenir alternatif , de nouvelle Histoire qui tisse un sens à nos rêves… Bien sûr, d’Espagne ou même du Portugal, voire d’Angleterre, se dessinent peut-être de nouveaux espoirs. Mais on aurait tant voulu le croire, avec la Grèce, avec le Venezuela, avec tant d’autres peuples, si proches ou si lointains, en 2015 comme naguère, que des failles allaient s’élargir dans la chape de plomb du capitalisme mondialisé et qu’allaient en sortir de nouvelles espérances, en ce vingt-et-unième siècle déjà adolescent.

Regardons la réalité en face. Nous vivons une crise sans qu’apparemment en naissent des signes crédibles que tout ce qui ne nous tue pas nous rendrait plus forts. Bon, je ne vais pas moi aussi citer Gramsci ni Pasolini, vous les lirez mieux dans le texte, et les signifiés de signifiants comme les monstres qui naissent ou les lucioles qui meurent, à chacun de faire l’effort d’aller les chercher. La crise systémique, globale, du capitalisme, dans ses phases toujours plus ultimes que les précédentes, depuis le temps que des héritiers de la pensée de Marx l’analysent pour abolir ou dépasser le système, il faut croire que la bête est plus solide qu’on le croyait, pire que Dark Vador, et qu’elle pourrait bien entraîner tout le monde à crever avec elle dans les eaux glacées de ses calculs égoïstes. Il ne faut donc pas s’étonner que maintenant l’analyse rationnelle des contradictions les plus antagonistes du capitalisme ne soit plus tant à la mode. Ce serait plutôt une espèce d’Apocalypse, dans sa conception la plus vulgaire et assassine, qui s’annoncerait comme horizon de l’imaginaire humain. Même si les paillettes du retour au religieux le décorent pour certains, il n’a en réalité rien de folichon. C’est pour le commun des mortels, d’une vision d’Apocalypse sans Annonciation, Résurrection ni transcendance, qu’il s’agit, et elle rend à la fois cynique et hargneux, peureux et résigné aux ordres de loups déguisés en bergers. C’est l’angoisse d’un avenir aussi triste et moche que l’immanence matérialiste d’une crise mortifère et sans fin, sans révolution, sans quelque communisme de nouvelle génération qui poindrait çà et là, comme des saxifrages (1) poussant leurs racines dans les fissures des murs.
Vous voyez, j’étais bien à la peine pour écrire un billet qui remonte le moral, après la maudite année 2015. J’en étais à chercher d’exemplaires saxifrages, quand l’heure du réveillon approchant, j’ai décidé de gagner du temps. Or, pour imaginer l’avenir sans se perdre en fioritures, c’est bien connu, il faut analyser le passé, qui en contient les germes, et considérer le présent comme le fugitif moment où il faut de l’action pour qu’un avenir aussi proche que possible de ce qu’on voudrait qu’il soit apparaisse.

« A mes yeux, tout a commencé en 1995 »

 Je venais de lire un article de Roger Martelli : ça tombe bien, parce qu’il est historien, parce qu’il est « communiste indécrottable », et d’autant mieux que je voudrais que vous, que toutes celles et tous ceux qui ne voulez pas vous dessécher dans l’enfer d’une apocalypse triste, ni sombrer dans la grisaille d’une crise sans fin, vous lisiez ce qu’il écrit. Je ne vais pas résumer « Continuer c’est renoncer…le nouveau n’adviendra que des générations nouvelles. ». D’abord parce que le texte n’est pas très long, ensuite parce que je ne vais pas perdre le peu de temps qui nous séparent de l’année nouvelle à paraphraser un texte mieux écrit que je ne pourrais le faire, et si ce n’est que sur des détails sans importances, je serais bien incapable d’agrémenter un tel plagiat de quelque critique pertinente, car je suis en accord sur le fond avec ce qu’écrit Roger Martelli. « A mes yeux, tout a commencé en 1995 », écrit l’historien. Ce qui peut paraître étrange, mais quand vous l’aurez-lu, cet article, vous verrez sans doute où il veut en venir, en périodisant ainsi la trame d’un passé si proche d’un présent dont nous nous dépatouillons si mal.

Ensuite, lisez ou relisez les dernières pages des 8 numéros de l’Humanité des 21 au 31 décembre, intitulées « Décembre 1995/Tous ensemble ». En dessous le même chapô : « Le 15 novembre 1995, le premier ministre, Alain Juppé, lançait une vaste attaque contre la protection sociale, visant les régimes spéciaux de retraite, mais aussi l’assurance maladie, les fonctionnaires…Le 24 novembre, les cheminots engagent une grève reconductible. La riposte gagne l’ensemble du secteur public. Majoritaire dans l’opinion publique, ce mouvement, le plus puissant depuis 1968, animé par la CGT et FO, se traduit par des manifestations d’ampleur exceptionnelle. Au bout de trois semaines, Juppé plie, renonce à toucher à la retraite des cheminots, mais maintient la « réforme » de l’assurance maladie ».

Le plus intéressant, c’est de se rendre compte que ce chapô est très réducteur quant à la portée de l’évènement, la diversité des acteurs des luttes, et son inscription dans un temps d’émergence de mouvements de la jeunesse, des femmes, des « sans »…Les animateurs des luttes qui témoignent, développent leurs analyses, pour la plupart interpellent les « politiques », en lien avec la situation présente, en font ainsi une heureuse démonstration. Lisez ou relisez vous-mêmes Bernard Thibault, secrétaire général, en 1995, de la CGT cheminots (« Tous unis pour faire plier le gouvernement ») ; Maya Surduts, « figure féministe et membre de la CADAC » (« Le maillon faible reste les femmes ») ; Henri Maler, «un des initiateurs de l’appel du 4 décembre 1995 » («Un appel à la solidarité, un manifeste politique ») ; Bruno Dalberto, syndicaliste, qui était en 1995 secrétaire général de la fédération des transports CFDT (« L’unité syndicale a été centrale chez les cheminots ») ; Richard Dethyre, cofondateur de l’APEIS, sociologue (« L’émergence des mouvements des « sans » ») ; Danièle Linhart, sociologue, directrice de recherche émérite au CNRS (« Pourquoi plus en 2015 ? ») ; Michel Deschamps, secrétaire général de la FSU en 1995 (« ça vaut toujours le coup d’oser agir tous ensemble ») ; Marie-Pierre Vieu, présidente de l’UNEF en 1995, membre du collège exécutif national du PCF (« Avant 1995, l’horizon était sombre et lourd »).

J’ai lu avec d’autant plus de plaisir, plaisir que je vous invite à partager, ce bouquet de textes, qu’en 1995, j’avais cette impression de vivre, en participant à ces grèves et à ces manifestations, un évènement fort. Ce fut le dernier affrontement frontal du « mouvement social » avec le pouvoir qui marqua des points. Même si évidemment le débouché politique fut loin d’être à la hauteur, ce que regrettent plusieurs des contributeurs, et qui est l’objet du texte de Roger Martelli, qui prolonge son analyse jusqu’à nos déboires de 2015.
Evidemment on ne refait pas le passé, le passé ne se répète pas ; mais il faut savoir en tirer les enseignements, si on veut être à la hauteur de l’injonction à la une du dernier numéro de l’année du journal fondé par Jean-Jaurès : Après 2015...Tout est à réinventer !




(1) chacun aura reconnu la référence à Marie-José Mondzain : http://www.formes-vives.org/saxifrage




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