Voilà que ça continue de s'envenimer ! La « morsure » du FN n'est décidément pas la seule à inoculer le poison des phobies racistes. Du Figaro à Causeur, de Clavreul à Fourest, en passant par les bouches de pointures du PS et du gouvernement, voilà que claquent les mâchoires de « faiseurs d'opinion » de tous bords, ou presque. Rares ont été les journalistes qui se sont rendus sur place, comme celui de Libération et à pouvoir donc faire un article conforme à la réalité. Après Clémentine Autain, qui n'était pourtant pas au meeting, et Ensemble, une des organisations du Front-de-Gauche, qui n'était pas coorganisatrice du meeting, c'est maintenant au tour de Marie-Christine Vergiat, députée de la Gauche Unie Européenne, seule parlementaire présente au meeting, puis de Jean-Luc Mélenchon, qui refuse de se joindre à la meute des inquisiteurs, d'être attaqués par leurs crocs.
Il
est décidément grand temps que je termine et publie mon billet,
dont la rédaction traîne depuis plus d'une semaine, espérant que
ce témoignage, puisque moi j'y étais, et que j'ai pris de
nombreuses notes, puisse contribuer modestement à ce que la lumière
de la vérité renvoie les Dracula à leur monde des ténèbres,
pourvu qu'il soit encore vrai que « l'aube dissout les
monstres ».
Mais
que s’est-il donc passé à la Bourse du Travail de Saint-Denis le
vendredi 11 décembre 2015 ?
Avant
même que soient officiels les résultats, Clémentine Autain était
accusée d’avoir contribué à la défaite de la gauche aux
régionales : l’élue de la Seine-Saint-Denis aurait participé à
un meeting d’intégristes musulmans hostiles à la République
Française. Et une certaine presse de colporter ainsi des ragots !
Gilles Clavreul en personne, délégué interministériel à la lutte
contre le racisme et l'antisémitisme (DILCRA) serait à l'origine de
ces ragots malveillants à l'égard des participants au meeting, ou
au moins il les a largement colportés dans les réseaux sociaux,
sous couvert, qui plus est, de sa fonction officielle. Ce qui lui a
valu une
réplique cinglante de la LDH sous forme de lettre ouverte .(1)
J’ai
assisté au meeting en question : Clémentine Autain n’y était
pas. Et surtout je n’y ai entendu aucun propos « intégriste »,
aucun dénigrement de nos valeurs républicaines de liberté,
d’égalité et de fraternité, tout au contraire !
La
soirée, «
à
l’appel
d’associations et de personnalités »,
était
organisée
« contre
les dérives racistes et islamophobes de l’état d’urgence, la
politique guerrière de la France, le tout sécuritaire et l’état
d’exception liberticide »,
et tous les orateurs ont appelé «
à la paix, la justice et la dignité ».
L'initiative s'inscrivait dans les journées européennes contre
l'islamophobie. La salle est archi comble, un assistance diverse, une
majorité de jeunes. Mais je n’ai croisé dans cette foule qu’une
toute petite poignée de militants « de base »,
politiques, syndicalistes ou de « grandes associations
antiracistes », à mon grand regret.
On pourrait en rester là,
après le démenti
de Clémentine Autain, l'article de Roger Martelli dans Regards,
la mise au point de la LDH. Mais ce serait passer à mon avis à
côté de quelque chose d’essentiel. En effet, le plus grave c’est
ce que révèlent de telles attaques : la banalisation du
racisme islamophobe, l'injurieux mépris pour une partie de nos
concitoyens et, en particulier, pour une grande partie des familles
et de la jeunesse des quartiers populaires. Le pire c'est que cela
marche, au point que beaucoup semblent frappés d’alignement,
acceptant pour le moins le dogme que ce serait mal d’avoir
participé à un tel meeting, puisque sans y avoir assisté, tout un
petit monde de « politiques », de médias,d'ignorants
et de manipulateurs qui pullulent sur le WEB, en disent pis que
pendre !
Lire à réponse que leur fait d'Alain Gresh
Lire à réponse que leur fait d'Alain Gresh
A vrai dire, j’avais
l’intention de prendre un peu de repos avant de rédiger un compte
rendu de ce meeting, dont l’ensemble des interventions constitue
une interpellation des pouvoirs publics et une alerte des citoyens
qu’il est nécessaire et urgent d’entendre. Une nécessité dont
visiblement je sous-estimais l'urgence. Des vidéos réalisées par
les organisateurs seront publiées. Puisse ce billet, qui est
forcément rédigé de mon point de vue de militant communiste
antiraciste, contribuer à dissiper des préjugés, des phobies et
des paresses intellectuelles qui dissuaderaient d’aller chercher à
la source la réalité des propos des uns et des autres. Puisque la
présence de certains intervenants, notamment de Tariq Ramadan,
disqualifierait l’ensemble du meeting et vouerait aux gémonies
tous les participants, fussent Michel Tubiana, ancien président de
la LDH ou Laurence Blisson, secrétaire général du Syndicat de la
Magistrature, je prends le parti de tenter de résumer mes notes sur
ce que chacun a dit, au risque de quelques répétitions.
Madjid
Messaoudene,
est conseiller municipal de Saint-Denis, délégué à l’égalité
femmes/hommes, à la lutte contre les discriminations, à l’égalité
des droits et aux services publics.
Il accueille le meeting au nom de la ville, dont il lit un communiqué. Il condamne les attentats terroristes, rappelle que Saint-Denis aussi en a été victime, puis a connu encore le traumatisme des fusillades lors de l’intervention policière dans le centre-ville. Des dizaines de personnes ont été évacuées de leurs logements puis laissées sans assistance par l’Etat, ne pouvant compter que sur la solidarité du voisinage, de militants associatifs, du maire et d' élus de proximité . Il dénonce une campagne odieuse de calomnies et de stigmatisation des habitants et de la municipalité, La criante insuffisance des moyens humains, notamment en enseignants qualifiés, dans les écoles de Saint-Denis, est pour lui un exemple flagrant de discrimination au détriment des quartiers populaires et de « racisme d’Etat ».
Il accueille le meeting au nom de la ville, dont il lit un communiqué. Il condamne les attentats terroristes, rappelle que Saint-Denis aussi en a été victime, puis a connu encore le traumatisme des fusillades lors de l’intervention policière dans le centre-ville. Des dizaines de personnes ont été évacuées de leurs logements puis laissées sans assistance par l’Etat, ne pouvant compter que sur la solidarité du voisinage, de militants associatifs, du maire et d' élus de proximité . Il dénonce une campagne odieuse de calomnies et de stigmatisation des habitants et de la municipalité, La criante insuffisance des moyens humains, notamment en enseignants qualifiés, dans les écoles de Saint-Denis, est pour lui un exemple flagrant de discrimination au détriment des quartiers populaires et de « racisme d’Etat ».
1ère
table ronde :
guerres, interventions étrangères, terrorisme
Salma
Yaqoob
est
britannique. Elle a été, de 2006 à 2011, élue
au Birmingham City Council.
Elle milite aux collectifs Stop
the war
et
Not
in my name .
Elle appelle à un engagement
total contre les attentats terroristes, contre les politiques
guerrières, contre tout ce qui incite à tuer des gens dans le monde.
Elle
dénonce les discours de haine des politiciens et des médias, par
exemple les unes du Daily Telegraph et de Sun (« Les musulmans
sont des chiens » ; « Un cinquième des musulmans
soutient DAECH »), aussi abjects que les provocations du
candidat à l'investiture des « Républicains », Donald
Trump, aux Etats Unis. Pour Salma, l'amalgame musulmans/terroristes
fonctionne comme l'anticommunisme au siècle dernier : une
nouvelle phase de l'impérialisme a besoin d'une idéologie,
aujourd'hui c'est le racisme. Les conséquences sont terribles pour
les musulmans, alors qu'ils font preuve d'intégration, et même de
reconnaissance, à la société britannique : il s'installe de
la haine et de la peur de la haine, ce qui entraîne autocensure et
retrait de la vie publique. Les mots de tolérance, de liberté et de
démocratie servent à justifier cela ! La solidarité de la
gauche britannique, si elle progresse, n'a pas été automatique :
de part et d'autre il faut vaincre des préjugés, et la
diabolisation des musulmans est une arme de diversion massive, de
plus en plus forte depuis 2001.
Aujourd'hui colonialisme,
guerres et bombardements font des centaines de milliers de victimes,
de morts et de réfugiés. Il n'y a pas de minute de silence pour ces
victimes-là, qui ne sont ni comptées ni nommées. Les désespérés
du monde entier sont des recrues potentielles pour les terroristes,
les dérives religieuses viennent après. La solidarité est la seule
antidote contre les extrémistes des deux bords. Il ne peut y avoir
de paix sans justice, ni de paix sans solidarité. Il faut rassembler
les opprimés à partir de ce qui les rassemble contre les
oppresseurs. Peu importe qu'on soit femme ou homme, hétéro ou homo
sexuel(le), croyant ou non croyant...A nous de faire preuve
d'imagination, de prouver qu'ensemble nous avons un pouvoir. « There
Is No Alternative » à une guerre sans fin, c'est un mensonge,
pas une fatalité.
Alain
Gresh est journaliste au Monde Diplomatique dont il
anime le blog Nouvelles
d'Orient..
Partageant la condamnation unanime des attentats terroristes, il consacre son intervention aux guerres, à son avis sous estimées comme causes de situations favorisant les instigateurs de ces crimes. La destruction de pays comme l'Irak, la Lybie, la Syrie, ont fait d'innombrables victimes, des centaines de milliers de morts en Irak, ont produit des ressentiments contre les puissances occidentales. Et il faudrait faire comme si ça n'avait pas de rapport avec le terrorisme, sous peine d'être condamné comme suppôt de DAESH ? Au nom de la guerre de l' Occident contre le terrorisme, il faudrait continuer à ne pas voir les morts des autres ? Nier que le résultat des guerres c'est la montée du terrorisme ?
Partageant la condamnation unanime des attentats terroristes, il consacre son intervention aux guerres, à son avis sous estimées comme causes de situations favorisant les instigateurs de ces crimes. La destruction de pays comme l'Irak, la Lybie, la Syrie, ont fait d'innombrables victimes, des centaines de milliers de morts en Irak, ont produit des ressentiments contre les puissances occidentales. Et il faudrait faire comme si ça n'avait pas de rapport avec le terrorisme, sous peine d'être condamné comme suppôt de DAESH ? Au nom de la guerre de l' Occident contre le terrorisme, il faudrait continuer à ne pas voir les morts des autres ? Nier que le résultat des guerres c'est la montée du terrorisme ?
La
question palestinienne reste centrale. Depuis 2003, il y a eu
l'écrasement de la deuxième intifada, les guerres contre Gaza, avec
toutes les victimes restées anonymes pour nos médias. Le soutien de
notre gouvernement à la politique, aux massacres du gouvernement
israélien produit une hostilité de plus en plus sensible dans la
région contre la France, alors que nous avions une image de
puissance de dialogue et de paix héritée de De Gaulle.
Une
vraie discussion serait nécessaire, mais il y a refus de débat, de
démocratie. Les guerres servent-elles à quelque chose ? que
valent les justifications des dirigeants des Etats-Unis, de
Grande-Bretagne, reprises par Valls, après les attentats :
« Nous allons les combattre là-bas pour qu'ils ne viennent pas
nous faire la guerre ici ? »
Tariq
Ramadan est de nationalité suisse, d'origine
égyptienne. Il est islamologue,
universitaire, écrivain. Il est professeur à l'Oriental Faculty
et au St Antony's college de l'Université d'Oxford, directeur de
recherche à la faculté de Doha , chercheur (senior fellow) à
l'Université de Doskisha (Kyoto).
Il
reprend l'analyse d'Alain Gresh et renchérit, rappelant les guerres
étasuniennes pour « libérer » l'Afghanistan et la
volonté de la France de mener une intervention militaire en Syrie,
bien avant les attentats de 2001 et de 2015. Il estime que la
banalisation du racisme antimusulman est liée au soutien au
sionisme et à la politique israélienne. La situation en France est
similaire à ce qui se passe aux Etats-Unis depuis le 11 septembre
2001.
L'islamophobie
est une stratégie de distraction , pour détourner les citoyens
des échecs désastreux des politiques sociale et économique qui
leur sont imposées. Il sert à faire accepter une politique
sécuritaire, de surveillance, de délation, de suspicion, de peur,
à suspendre le cadre légal et les droits de l'homme... Pour lui,
cela disqualifie le gouvernement quant à son appel à faire barrage
à l'extrême droite. Il fait référence à Naomi Klein ( auteure en
2008 de La stratégie du choc. La montée d'un
capitalisme du désastre).
Concernant
l'islam, évidemment la condamnation des attentats terroristes est
totale. Les musulmans n'ont pas à être mis en demeure de condamner
pour prouver leur adhésion aux valeurs de la République !
Comme tous les citoyens, ils sont horrifiés et sont des victimes
potentielles. Manuel Valls lui-même a déclaré, avant les
élections, pour avoir les voix des musulmans, que l'islam est une
religion de paix. Il considère que le mot « radicalisation »
n'est pas à utiliser, parce qu'il laisse entendre implicitement que
le terrorisme pourrait se justifier par un fondement religieux. Or,
les jeunes « djihadistes » sont le plus souvent des
nouveaux convertis à une religion dont ils n'ont qu'une approche
superficielle. Il critique sur les plans philosophique et théologique
les courants salafistes et littéralistes, mais il dénonce leur
criminalisation, qui est d'ailleurs incohérente avec le soutien de
la France aux Etats qui les financent ! Il n'y a pas,
insiste-t-il, de discours religieux qui puisse justifier les crimes.
Il
faut « sortir de l'ornière d'une position
victimaire » pour lutter contre l'islamophobie,
contre l'instrumentalisation d'une fausse laïcité répressive et
intrusive, et rassembler sur le plan national pour la justice
sociale, contre la dérive liberticide pour tous, et sur le plan
international, pour renforcer le mouvement anti-guerre, qui est
essentiel mais encore minoritaire.
2
ème table ronde :
état d'urgence et Islamophobie
Marwan
Muhammad est statisticien, écrivain, ex
porte-parole du Collectif
Contre l'Islamophobie
en France (CCIF).
Donnant
un ton très polémique à son discours qu'il finit en rap, il
critique avec virulence l'attitude de Manuel Valls, qui n'a pas envie
de comprendre les sociologues, ainsi que toutes les associations et
les politiques qui dénoncent le racisme sans le vivre, et sont
absents à ce meeting. Face aux violences, aux souffrances et aux
humiliations, subies sous l'état d'urgence, « si on n'est pas
choqué, c'est qu'on est déjà morts ; si on n'a pas
d'empathie, que reste-t-il de nous ? ». Nous subissons un
« discours orwellien », il y a « désengagement de
la politique parce que les mots sont assassinés par les
politiques », « la démocratie ça s'use quand on s'en
sert mal ». Il lance le slogan « Pas
de justice, pas de voix », qui sera
repris et décliné en diverses variantes par la grande majorité des
participants.
Michel
Tubiana , avocat,
est ancien président de la Ligue
des Droits de l'Homme. A l'initiative de
la LDH, qu'il représente au meeting, l'appel Nous
ne céderons pas a rassemblé
associations et syndicats (2).
La
LDH reste fidèle aux principes, ce qui n'est pas facile quand
s'installe la peur, attisée par des hommes politiques pour perdurer
au pouvoir. Les mises en cause de l'islam, de sa prétendue
incompatibilité avec la république ne datent pas d'hier. Le pays va
mal depuis longtemps, et la dégradation s'aggrave depuis des
décennies. Des citoyens n'ont pas les mêmes droits dans la
pratique, c'est une « fracture » dans les principes de la
république.
La
5ème République n'aura connu que 5 ans sans juridiction
d'exception. L'état d'urgence prolongé a été voté en 48h et sa
« constitutionalisation » est en préparation : les
projets étaient déjà écrits ! Cela rappelle les pouvoirs
spéciaux des années cinquante, L'arbitraire de l'Etat devient la
règle, et les libertés l'exception. Par exemple les « fiches
S », dont personne ne contrôle le contenu. L'état d'urgence,
c'est la couverture « légale » pour les policiers, dont
certains disent : « On fait ce qu'on veut ». Et la
politique des suspects s'étend, par exemple aux militants
écologistes. C'est la pente dans laquelle s'engage un pouvoir qui
sort du droit commun, vers un pouvoir absolu.
La
stigmatisation des musulmans, assez ! Mais la victimisation, une
posture de privilège dans les luttes, serait une erreur. La LDH
appelle à la réunion de tous : « votre liberté dépend
de la mienne et réciproquement ». Nous sommes encore une
minorité, la question est de rassembler autour de nous pour protéger
les libertés de tous.
Ismahane
Chouder est militante du Collectif
Féministe pour l'Egalité, c'est une des
signataires de l'appel
à la Marche de la dignité du 31octobre
2015 à Paris.
L'islamophobie
est encore une opinion, pas un délit, dans ce pays ! Et cette
caution ne vient pas que de la droite dure : c'est le racisme le
plus partagé. Les musulmans sont présentés comme comptables de
tous les crimes faits au nom de l'islam. Les discriminations qu'ils
et elles subissent sont niées, euphémisées, non prises en compte.
Que fait-on des peurs des musulman-e-s, alors qu'on justifie la peur
des islamophobes ? A quand le courage, face au racisme
institutionnel, étatique... La désignation d'ennemi intérieur, de
bouc émissaire, c'est une logique de guerre. Lutter contre, c'est se
rassembler pour la paix, la justice, le respect, la sécurité,
l'égalité, les libertés.
Simon
Delafoy représente la Convergence Citoyenne Ivryenne
(CII), membre avec le Front de gauche et EELV de la Majorité
municipale d'Ivry sur Seine.
Le
19 novembre dernier, une séance du Conseil municipal avait été
marquée par des incidents créés par la réaction de l'opposition
municipale, les groupes PS et UDI, provoquée par l'intervention d'
Adef Rhouma, adjoint au maire. L'orateur lit des communiqués de son
organisation, conformes à ceux qu'à publiés le site
94.citoyens :
Tout en soulignant que « l’émotion et la peur ne favorisent ni le débat ni la compréhension de ce qui vient de se passer », l’adjoint maintient toutefois que « rien ne serait pire que de renoncer à rechercher les causes profondes de ces actes, de perdre une certaine forme de lucidité, de se taire et de laisser instrumentaliser la peur. Il doit être encore possible en France d’être antimilitariste, contre toute forme de guerre et de le dire. Avec cette polémique, le PS local tente d’éluder toute analyse critique vis-à-vis des choix gouvernementaux et toute opposition à ce qui à nos yeux relève de l’instauration d’un climat de crainte et de guerre. »
Depuis, les socialistes d'Ivry continuent de s'acharner sur l'organisation qui se veut la voix des quartiers de la ville, et son élu : signalements au préfet, pressions, sans succès, sur le maire communiste pour qu'il retire la délégation d' Adef Rhouma. La CII prépare une lettre ouverte à la population.
Le
SM est opposé à l'état d'urgence, qui crée une situation
d'exception, suspend les droits, à partir de deux notions
fausses : ce serait utile pour notre sécurité, et on ne
pourrait pas faire autrement.
Lutter
contre les crimes terroristes est une évidence. Mais les
perquisitions judiciaires, les mises en examen, les assignations à
résidence...peuvent être faites hors état d'urgence, sous le
contrôle d'un juge. Sinon, cela voudrait dire que l'Etat de droit
est impuissant, qu'il faut un état d'urgence permanent ! Ce
serait suspicion et stigmatisation permanentes, libertés de tous en
danger, au nom d'un principe de précaution qui constitue le plus
grand danger : c'est la négation du droit à la sûreté, qui
protège contre l'arbitraire étatique. En ce moment le Ministre de
l'Intérieur et les préfets décident par exemple de perquisitions,
d'assignations à résidence, avec pointages 3 fois par jour et
interdictions de contacts, ce qui détruit la vie des gens, en
restant dans le cadre administratif, sans présenter d'éléments
pour une enquête judiciaire.
Le
contrôle du juge administratif ne protège de rien. Par exemple, le
Conseil d'Etat a rejeté les recours des militants écologistes. Il
suffit que le gouvernement démontre que ses soupçons sont
vraisemblables, sans débat contradictoire. Et si l'assignation est
estimée non ou mal respectée par la police, le juge judiciaire
revient, pour, sur ce seul chef d'inculpation, condamner à des
peines de prison...
La
révision constitutionnelle vise à rendre cela permanent. Alors
qu'il n'y a pas de sens à réviser la constitution dans l'urgence,
si ce n'est pour asseoir un état d'urgence qui pourrait être
prolongé au nom de l'anticipation des risques par le pouvoir
politique et étatique. Avec en plus la déchéance de nationalité,
qui ne sert évidemment à rien en matière de lutte contre le
terrorisme...Et d'autres lois s'annoncent, pour permettre par
exemple les contrôles d'identité administratif sans en passer par
le juge judiciaire. Il faut se battre contre ces lois-là, alors que
l'opinion semble s'y résigner en croyant à la fausse évidence
qu'elles nous protégeraient. C'est au contraire le terreau des
stigmatisations et des discriminations, de l'arbitraire contre les
droits de tous..
Il
conclut le meeting en appelant à renforcer et soutenir le CCIF, qui
recueille les témoignages et va leur donner suite. Il annonce
avoir reçu déjà, depuis la mise en place de l' état d'urgence,
les perquisitions et les assignations à résidence, une
cinquantaine d'appels et de messages émanant de personnes victimes
de destructions de biens, de traumatismes et d'humiliations, de
graves problèmes de santé, de troubles psychologiques pour des
enfants, de pertes d'emplois, d'impossibilité à se présenter à
des examens universitaires, des concours sportifs...
Le
site
du CCIF
est régulièrement mis à jour, et propose une souscription pour
financer notamment des actions en justice.
* *
*
Le
nombre d'orateurs et l'organisation du meeting ne permettaient pas
d'interventions de la salle. J'aurais volontiers fait deux remarques.
La première aurait insisté sur les luttes solidaires avec les
migrants et réfugiés, seulement évoqués par une oratrice. La
seconde aurait suggéré de tenter de créer des liens pour le
rassemblement visé avec les acteurs des luttes contre la "criminalisation" de l'action syndicale et revendicative des salariés.
Mais
je me suis contenté, à plusieurs reprises, d'applaudir, sauf bien
sûr aux appels à s'abstenir à l'élection régionale, participant
ainsi à la chaleureuse ambiance de ce meeting animé avec dynamisme
par Sihame Assbague, porte-parole du Collectif
contre le contrôle au faciès
* *
*
(1) La réponse de la LDH à Gilles Clavreul :
"Monsieur le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (Dilcra),
Dans un de vos récents posts, publié sur votre page Facebook sous l’emblème de la République, vous évoquez avec violence – presque avec haine – ce que vous qualifiez « d'offensive antirépublicaine menée par Tariq Ramadan, le Parti des Indigènes et un certain nombre de collectifs antidémocratiques, racistes et antisémites ». Vous saisissez l’occasion d’un meeting public, tenu à Saint-Denis, avec, précisez-vous, « le concours ou la bienveillance de certaines organisations d'extrême gauche et syndicats professionnels… ».
Vous n’êtes pas sans savoir que la Ligue des droits de l’Homme, avec d’autres, a participé à ce rassemblement qu’elle n’organisait pas, mais auquel elle était invitée ; ce qui nous amène à vous poser plusieurs questions.
Tout d’abord, rangez-vous notre association parmi les « collectifs antidémocratiques, racistes et antisémites » auxquels vous faites référence ? Ensuite, estimez-vous que la Ligue des droits de l’Homme est au nombre de ces organisations que vous accusez, au mieux, d’être confuses sur « les périls qui menacent notre société, qu'il s'agisse, depuis bien longtemps, des questions de sécurité, de laïcité, de respect des lois de la République […] » ? Si c’est le cas, votre propos procède d’une ignorance à ce point scandaleuse de la réalité de nos positions, de nos propos, de notre activité et de l’histoire de France... qu’il nous est difficile d’y croire. Nous souhaiterions vivement, par conséquent, savoir si cette vision relève d’une sensibilité toute personnelle, voire privée, ou si elle engage le Dilcra.
Ce dernier point nous touche d’autant plus que vous affirmez, non sans véhémence, que la critique de l’état d’urgence, ou de la politique étrangère de la France, ne vise qu’à «légitimer l'islamisme, à défendre des prédicateurs fondamentalistes et à piéger la jeunesse des quartiers dans une radicalité sans issue».
Faut-il conclure de vos propos que lorsque la LDH s’élève contre la prorogation de l’état d’urgence et engage les recours nécessaires, elle légitime cette « radicalité » dont on peut déduire tout naturellement qu’elle conduit au terrorisme ? Vous rendez-vous simplement compte de ce que vous écrivez ?
La France a, de fait, un fort besoin de rassemblement contre le racisme et tous ses avatars, au rang desquels nous comptons l’antisémitisme, l’islamophobie, la négrophobie, les discours et pratiques anti-Roms et autres qui dénaturent la devise républicaine au nom d’une égalité devenue relative… Il revient évidemment à chacun de s’exprimer sur la pertinence de ces sujets, de leur sémantique et du jeu des acteurs en présence ; il ne vous appartenait pas, en revanche, de dicter une doxa antiraciste et pas plus d’exclure tel ou tel. Vous êtes-vous seulement rendu compte que votre propos ne peut qu’être ressenti que comme un mépris institutionnel ? Au risque de ruiner l’impact de la mission que le gouvernement vous a confiée.
Même si nous sommes très critiques à l’égard de certaines positions qui remettent en cause l’universalisme de l’antiracisme, nous les entendons aussi pour ce qu’elles sont : le résultat d’une réalité qu’aucun gouvernement n’a su ou voulu réduire. Combattre ces dérives, ce n’est pas lancer des anathèmes et adopter un langage d’exclusion. Nous avons, comme association de défense des droits et des libertés, le souci de faire vivre le dialogue, fût-il difficile, entre associations antiracistes. C’est ainsi que nous sommes cosignataires de la campagne contre le racisme qui proclame « Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute ». Il est tout à fait incongru de voir le Dilcra, supposé favoriser dialogue et convergences, s’acharner à rajouter son « mais... » à la belle phrase de Lamartine.
Puisque votre post est public, vous comprendrez que nous faisions de même.
Je vous prie de croire, monsieur, en l’assurance de mes sentiments les meilleurs.
Françoise Dumont
Présidente de la LDH"
Présidente de la LDH"
(2) Jeudi 17 décembre, un collectif encore élargi d'associations et de syndicats ont présenté lors d'une conférence de presse un nouvel appel : Sortir de l'état d'urgence.
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