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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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Nanterre en colère

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En 2017, changeons la politique !

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mardi 23 août 2016

...toujours tu chériras la mer



L’été du quatre-vingtième anniversaire du Front Populaire aurait pu être celui d’une commémoration populaire unanime : celle de la conquête des congés payés. L’arrivée à la plage, à la mer, de catégories sociales qui n’y avaient pas accès auparavant, aurait pu être partout fêté. Quelle plus belle image de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, en effet, que ces hommes, ces femmes, ces enfants dans la chaleur du soleil et dans la fraicheur des vagues ?

Gouvernants et médias auraient pu ringardiser les campagnes des riches qui dénonçaient en 1936 l’invasion de « leurs » plages par des « salopards en casquette », et s’indigner que les « ghettos des riches » et le racisme social, dénoncés par les sociologues Pinçon-Charlot, soient encore loin d’appartenir au passé.

Gouvernants et médias auraient pu s’inquiéter que tant de familles, en 2016, ne puissent pas partir en vacances, et se mobiliser, comme le font des municipalités, des comités d’entreprises, des associations comme le Secours Populaire ou des communistes dans des banlieues, pour que ce bol d’air, ce bonheur, ne serait-ce que le temps d’une journée, soit un bien commun mieux partagé.
 
Les gouvernants et les médias auraient pu s’insurger contre la privatisation, le bétonnage, les pollutions, contre tout ce qui porte atteinte à l’accès libre et gratuit à la mer, tout ce qui menace le littoral, tout ce qui détruit la vie marine et les ressources de la planète.

Gouvernants et médias auraient pu sensibiliser l’opinion à l’horreur, au scandale de la transformation de mers, de la Méditerranée à l’archipel des Comores, en cimetières, et de zones côtières en camps , en centres de rétention et de tri, pour des dizaines de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, qui, migrants, réfugiés, ou demandeurs d’asile, souffrent et meurent aux frontières de l’Europe, ou pour la très grande majorité d’entre eux, non loin de leurs pays d’origine ; expliquer pourquoi il faut d’urgence, sans attendre, ouvrir des voies d’accès légales et sécurisés aux arrivants ; pourquoi il faut  se mobiliser pour arrêter les guerres et les pillages, en finir avec les terrorismes d’Etats et de bandes criminelles ; avec toutes les formes de racisme et de xénophobie ; avec les lois, décrets et circulaires qui créent des « sans-papiers » .

En un mot, ils auraient pu, saisis d’un miraculeux élan de sincérité autocritique, profiter du 15 août pour lancer débats et réflexions sur des alternatives à la politique qu’ils imposent, qu’ils prétendent seule possible, et dont la majorité de la population se rend compte qu’elle conduit à plus de régressions sociales, d’inégalités, d’injustice, de violences et de désastres. Car les vacances sont des temps libérés de contraintes, des moments possibles de réflexion, de conscientisation, de contacts et d’échanges avec un cercle plus large de ses concitoyens. Mais c’est un moment aussi où on a envie de vivre un peu tranquille, d’échapper à ses angoisses et à celles du monde, de réparer ses forces. Alors gouvernants et médias auraient pu, après les horribles déchirures des attentats criminels de juillet, profiter du moins d’août pour réparer notre tissu social.

Ils auraient pu célébrer la belle image du vivre ensemble, de tolérance, de respect des différences, que présente la grande diversité des façons dont on s’habille ou on se dénude sur les plages : textile ou naturiste, pudeur ou nudité, hédonisme ou rigorisme…
« Homme -et femme- libre, toujours tu chériras la mer » : quels éléments de communications profonds, quelles riches analyses de nos psychés et de nos destinées communes, aurait pu inspirer ce poème de Baudelaire (1) !

Gouvernants et médias auraient pu soutenir la cause des femmes, en montrant la grande diversité, affichée dans leurs tenues de bain, de façons de revendiquer que leurs corps leur appartiennent ; de se révolter contre la domination patriarcale, contre la marchandisation de l’érotisme ; d’affirmer leurs personnalités singulières, ou leurs identifications plurielles avec des canons dictés par la mode, et, ce qui ne saurait être plus critiquable, par leurs croyances, religieuses ou autres.

Mais ils ont fait le choix inverse. Celui d’emboiter le pas à la droite et à son extrême, lesquelles, faute de réelles divergences avec la politique économique et sociale actuellement menée, font des migrants et des musulmans leurs boucs émissaires, et appellent les réacs de toutes les chapelles à une nouvelle manif « pour tous » en octobre.

La relance, encore une fois en ciblant des femmes, de la campagne islamophobe, ne peut que faire le jeu de tous les fanatismes, de tous les extrémismes, de tous les terrorismes. Stigmatiser une religion – et une seule -  dont une lecture et une pratique « intégristes » suffirait à métamorphoser des jeunes en monstres assassins, c’est banaliser l’islamophobie qui est une forme de racisme (2), c’est passer à côté de toutes les analyses sérieuses et de toutes les mesures à prendre, en France et sur le plan international, pour gagner la paix, pour reconstruire un vivre et lutter ensemble, pour redonner espoir en un avenir commun.

(1)
Charles BAUDELAIRE  (1821-1867)

L'homme et la mer
Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.

Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes ;
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !

Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables !


(2) ACTE RACISTE : Traitement différent et défavorable réservé à une personne (par rapport à une autre se trouvant dans une situation comparable), en lien avec son origine, sa religion ou son apparence physique.  http://www.egalitecontreracisme.fr/ce-que-dit-la-loi

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