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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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Nanterre en colère

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lundi 1 août 2016

Deux semaines à flâner sur les côtes d' Armor


Lannion est une ville animée et paisible, commerçante (1) et universitaire, traversée par le Léguer qui amorce son estuaire à quelque huit kilomètres. Découvrir la baie avec le GR 34, dans la lande et dans les déchirures de la baie, c'est une excellente rupture de rythme, quand le monde semble chavirer et s'abîmer dans la folie guerrière. Le temps n'est pas à notre mesure, c'est celui des marées et celui de la lente érosion du granit, malgré la volonté des hommes d'y inscrire leur présent, depuis seulement quelques millènaires, en pierres levées et sépultures, calvaires ou chapelles. Mais soudain la conscience vous vient que nous vivons l'ére de l'anthropocène, et que l'écosystème est devenu aussi fragile ici qu'en tout point de la Terre.

 

Le sable est devenu aussi précieux que l'eau. On croit rêver à l'éternité, à "la mer allée avec le soleil", sur une petite plage où chaque flaque grouille de vie. Mais le béton des villes mange le sable, les actionnaires des entreprises extractivistes font de l'argent avec le sable, partout dans le monde, et dans la baie de Lannion, à sept kilomètres de la côte, en particulier, les marchands de sable vont creuser. La pénurie de sable entraîne un danger écologique majeur.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'homme ronge la côte.



















Les tailleurs de pierre de l'Île Grande, prolétaires qu'on imagine mourant à la tâche pour remplir des chalands de blocs destinés à construire pour d'autres cathédrales, châteaux,  manoirs, belles villégiatures, n'étaient guère mieux outillés que leurs ancêtres bâtisseurs d'allées couvertes ou érigeurs de menhirs. Et les cicatrices laissés sur les ilôts semblent peu de chose à l'échelle  des changements géologiques et de l'érosion. Mais aujourd'hui, cette catastrophe annoncée avec l'extraction du sable, à une toute autre échelle, c'est autre chose, qui n'a rien à voir même avec les carrières de granit plus modernes qui sont devenues une des nombreuses attractions touristiques de cette partie de la côte. Tailler le granit évoque  une certaine noblesse du travail humain, draguer le sable au fond de la mer évoque une ignoble prédation. Au-delà même des ravages prévisibles sur la vie de la faune maritime et les ressources des quelques dizaines d'artisans pêcheurs côtiers qui subsistent, c'est la constatation que notre civilisation est donc, vraiment,  construite sur du sable, qui doit nous alerter.


Je suis arrivé trop tard à Lannion pour participer aux grandes heures de Nuit debout, devant la mairie, et en particulier au cortège du 14 juillet, avec les effigies du Président de la République, du Premier Ministre, du président du MEDEF  et de la députée socialiste de la circonscription, trimbalées sur une charette, puis, pour les trois premières, décapitées
. Je ne sais donc pas si la menace sur la baie, l'extraction du sable ayant été autorisée par Emmanuel Macron,  figurait, avec la loi de casse  du code du travail,  au réquisitoire.  La colère du sous-préfet voulant réprimer le lancer de quelques oeufs chargés de peinture sur la façade de la sous-préfecture, et l'indignation de la secrion  du Parti socialiste, dont le maire est membre,  étaient largement commentées, les jours suivants, par la presse locale. Le rassemblement - interdit - la semaine suivante, semblait moins mobilisateur. Quoi qu'il en soit, sûr que les Bretons ont la tête dure et ne lâchent rien !

L' essentiel de mon séjour était consacré au repos et aux balades en famille, à faire le touriste donc, par exemple le long des huit kilomètres de la très pittoresque côte de granit rose.




Bien sûr, nous avons fait l'excursion aux "Sept-Îles", qui ne sont que six dignes de ce nom (leur appellation vient d'une erreur de traduction du breton : les saintes îles), mais qui valent la courte traversée depuis Trégastel.



C'est une réserve naturelle bien protégée. Le temps où, à l'arrivée du chemin de fer, la compagnie prêtait une carabine et offrait soixante cartouches à chaque voyageur adulte pour massacrer les oiseaux de mer semble une légende d'outre-temps. La dernière marée noire est nettoyée, et il n'y a plus de mazoutés que quelques spécimens, victimes des dégazages de pétroliers, aussi illégaux que fréquents, dans le rail d'Ouessant. Quelques-uns d'entre eux survivent, soignés par la LPO. Quand on repense à l'affaire du sable, à quelques dizaines de kilomètres de là, on se dit que notre société est schizophrène.
Mais les oiseaux sont fidèles à leurs rochers de nidification, et ne sont pas rancuniers envers les hommes qu'ils sont bien obligés de croiser. Certains, comme les macareux ou les pingouins, avaient déjà repris leurs migrations. Avec les cormorans sédentaires, et quelques phoques, les maîtres des lieux - du moins d'un ilôt où ils s'entassent par milliers - étaient les fous de Bassan.





Si vous n'êtes pas las de cette petite quinzaine en Bretagne, vous pouvez en voir beaucoup d'autres images ici. Nous n'avons raté ni Brest et ses voiliers, ni Landerneau et l'exposition Chagall, ni la verte vallée du Léguer, ni quelques château féodal, chapelles, mégalithes et autres curiosités.

Quant à moi, revenu des landes d'Armorique habitées jadis par une partie de mes ancêtres, me revoici un landrain de Nanterre...

(1) et gastronomique : si vous passez par là, je vous recommande deux excellentes crèperies : le Saint-Glin-Glin et le Moulin Vert.



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