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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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Nanterre en colère

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dimanche 10 janvier 2016

Charlie, les Bien-pensant et moi


 Les Bien-pensant
   Oh là là ! t’as vu ce que t’as copié-collé ? Dieu assassin ! ça fait peur, ce dessin ! c’est blessant, ce blasphème !

 Moi
      Ce n’est pas Dieu, c’est une caricature faite par un dessinateur qui ne croit pas en Dieu, donc ça ne peut pas être Dieu.

Les Bien-pensant
  On n'est pas pommes à ce point. On sait bien que quandon fait ou qu'on regarde un dessin c'est pas le végétal, l'animal ou l'humain, la chose qu'on représente ou qu'on contemple, qu'on ne pas peut manger  un dessin de pomme,par exemple, sauf si on est vraiment papivore, et dans ce cas ça n'est pas comme manger le vrai fruit...

   
Moi 
        C’est bien ce que je disais.  Donc même s’il apparaît partout à la fois, ou du moins à plusieurs millions d’exemplaires dans quelques pays, et que l’écriture semble évoquer un être infini, selon une exégèse possible des mots « court toujours », ça ne peut pas être Dieu.

Les Bien-pensant
         …mais Dieu, c’est pas pareil  qu’une pomme, ou que la tronche à Le Pen,  c’est sacré, c’est pas bien de le caricaturer. Ceux qui y croient, tu y penses ? Ils vont être fâchés par ce blasphème !

Moi
       La réponse est pages 26 et 27 du même numéro de Charlie : « Dieu n’existe pas : il ne s’est pas abonné à Charlie-Hebdo ».  Charlie donc revendique, blague à part, l’athéisme. On peut alors se demander si c’est possible de blasphémer, quand on ne croit pas à l’existence d’un dieu, que certes on penserait outrager, par un tel dessin, si on croyait qu’il existe. Je ne sais pas si tous les membres de l’équipe du journal sont athées, et, en tout cas, blasphémer, c’est un droit pour tous. Combien sont morts, avant les dessinateurs de Charlie, pour avoir ce droit, et encore, dans une petite partie du monde seulement : ailleurs on continue de risquer d’être  châtié et même mis à mort, si on blasphème, renie ou refuse la religion d’Etat.

Les Bien-pensant
        Mais pas de droit sans devoir ! Les artistes ont le devoir moral de ne pas se servir de leur talent pour blesser dans leurs âmes ceux qui ont la foi, en caricaturant leur Dieu et ses prophètes, surtout si les croyants constituent la majorité de leurs contemporains, ou des minorités dominées et stigmatisées. Comme a dit le Pape déjà l’an dernier, si quelqu’un insulte ma mère, je lui mets mon poing dans la figure (et notez-bien, je vous vois venir, qu’il n’est absolument pas question de tuer :  un coup de poing tue rarement), alors là, le Père éternel traité d’assassin !!!

Moi
        C’est intéressant, ce que vous dites, et la couverture de Charlie cette fois en effet fâche officiellement le Vatican. Je vous concède que, même si c’était un infime pourcentage des unes, le fait de caricaturer leur Prophète alors que même le représenter est considéré comme sacrilège de nos jours par des musulmans, minorité victimes de racisme et de discriminations dans notre pays, ça a pu conforter l’islamophobie, et que l’humour au second degré n’est pas le trait commun à toutes les cultures humaines. Mais cette fois pas possible de trouver trace de racisme : c’est le Dieu de tous, puissants ou misérables, oppresseurs ou opprimés, que les traits de Riss, dont on sent toute l’ironie tragique et grinçante, voudraient capturer. Du moins le Dieu des religions du Livre, à la Une, mais d’autres ne sont pas oubliés en pages intérieures. Quant à s’indigner qu’on fasse de Dieu un assassin, il n’y a pas que dans Charlie qu’on trouve un Dieu tueur en série et en masse. Relisez la Bible, c’est loin d’être le Bon Dieu miséricordieux à toutes les pages, et qu’il soit dit que les desseins de sa Providence sont impénétrables, ça ne saurait tout excuser aux yeux du lecteur profane.

  Les Bien-pensant
          Mais on ne lit pas le Livre, sacré depuis 2000 ans pour des croyants, comme un recueil de faits divers ou une chronique de guerres génocidaires ! Respect pour les martyrs de la foi, pour les civilisations, les arts et lettres que les religions ont inspirés !

Moi
         J’admire les œuvres humaines, et tous les dévouements inspirés par toutes les religions.
Mais de textes datant de l’antiquité et du moyen âge, où on trouve de nombreux emprunts à des civilisations encore plus anciennes et à leurs mythes, j’ai peine à penser qu’on puisse faire une lecture au pied de la lettre et en tirer des recettes pour vivre au XXIème siècle. N’oublions pas non plus que les êtres humains n’ont pas attendu l’invention du monothéisme, ni même celle de l’écriture, pour créer des chefs d’œuvres sur tous les continents, et que dans les contrées où ils ne risquent plus le bûcher, de grands savants, de grands humanistes et de grands artistes n’ont plus peur d’affirmer leur athéisme.  Je n’ai pas envie de faire le bilan détaillé, mais pas sûr qu’il soit globalement positif, les rôles de tous les hommes tenant dur comme fer à diverses interprétations de la Bible depuis 2000 ans, en particulier dans les cinq derniers siècles. Et comment non plus, homme du vingtième siècle, pourrais-je oublier qu’être athée n’a jamais empêché quiconque d’être un dictateur, ou un de ses sbires, criminels, sanguinaires, génocidaires, pas plus que le fait de croire au Ciel n’a empêché d’autres de leur résister ?

Les Bien-pensant
           Mais alors, à quoi bon cette caricature de Dieu en assassin ? Les assassins, les criminels terroristes, ce sont des humains, produits monstrueux de nos sociétés inhumaines, ce n’est pas Dieu !

Moi
          Là, nous sommes bien d’accord !  Ce serait même faire le jeu des tueurs nihilistes, et de leurs recruteurs, de laisser ces assassins dire « C’est pas nous, c’est Dieu », de laisser sans réplique leurs messages posthumes, encore moins ceux de leurs commanditaires, qui voudraient les faire passer pour des martyrs porteurs d’une justice divine !
 Si vous vous réclamez d’un dieu, et bien regardez-le, ce dieu que vous avez fait à votre image, il ressemble à ça : un ignoble vieillard au cruel visage crispé par votre haine, et à la robe tachée par vos crimes. Je n’ai nulle compétence pour en juger, mais n’apparaît-il pas évident que les blasphémateurs, ce sont les assassins, pas leurs victimes ? C’est la lecture que je fais de ce dessin. 
Je comprends qu’on puisse en faire d’autres, et je comprends qu’il puisse choquer, peut-être blesser, mais moins mortellement assurément que les balles des terroristes ! Cela dit, je doute fort qu’il puisse faire réfléchir à l’ignominie et à l’absurdité de ses projets criminels un fanatique terroriste suicidaire.
Alors trêve de bondieuseries, revenons sur terre. Aujourd’hui comme hier, guerres, injustices, et désespérances engendrent des monstres, d’autres en profitent pour s’attaquer à nos droits et libertés, pour désigner une partie d’entre nous comme suspects de  radicalisme  ou de bi-nationalité, pour banaliser le racisme et la xénophobie, pour s’accrocher au pouvoir ou tenter de s’en emparer, afin que rien ne change sinon en pire…

Les Bien-pensant :
         Oh là là ! t’as vu ce que tu viens d’’écrire ? ça fait peur…encore plus que la caricature blasphématoire de Dieu en assassin !

Moi :
           Moi aussi j’ai peur, et il n’y a pas à en avoir honte. Mais l’essentiel est de sortir de l’état de sidération. Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, dit-on. Je constate de la résilience, je vois des forces qui se manifestent, des résistances et une fraternité à faire grandir, des égalités à conquérir… par-delà nos religions ou notre athéisme, que l’on aime ou pas les cris de colère, les provocations des survivants de Charlie-Hebdo.
Les dessins de presse ne sont pas tous faits pour nous faire rire à gorges déployées. Mais n’oublions pas que « Le rire est le propre de l’Homme », comme l’a écrit Rabelais en un temps sans doute aussi sombre et terrible, mais aussi gros de possible renaissance, que l’époque où nous vivons.
   
dessin paru dans l'Humanité du 6 janvier
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