Avec 53,85 % des suffrages
exprimés, la liste Nanterre pour tous (GC, PCF – membre du Front de gauche, PS,
EELV, RMC, PRG, et quelques citoyens encartés nulle part) l’a emporté au
premier tour, malgré un taux d’abstention record (50,96%). Un résultat comparable
aux victoires des listes d’union conduites par les maires communistes dans les
Hauts-de-Seine : Malakoff (68 %), Bagneux et Gennevilliers (61 %). Un
résultat qui contraste avec la débâcle dans les villes du département où les
socialistes étaient dominants : Clamart dès le premier tour, Fontenay,
Asnières, Colombes au second, sont emportées par la « vague bleue ».
Seul, le maire socialiste de Clichy sauve son siège, de justesse : 32,67 %
des suffrages exprimés au deuxième tour, face à une droite divisée (UMP :
31,12 % ; UDI : 24,75 %) et à une liste EELV (11,44%).
Heureusement, il y a le Front de
gauche !
Bien sûr, un bon bilan de
l’équipe sortante, un héritage du « communisme municipal » enrichi et
modernisé, un programme mis en débat avec des habitants, dans tous les
quartiers…cela explique largement la victoire. Mais d’autres municipalités de
gauche avaient un bilan et un programme aussi honorables, ce qui n’a pas suffi
à empêcher la défaite. L’élection ne s’est pas jouée en effet sur les enjeux
strictement locaux. C’est en premier lieu le désaveu de la politique
gouvernementale, la colère et le désarroi de l’électorat populaire de gauche,
qui a provoqué son abstention massive, dont ont profité l’UMP, l’UDI et le FN.
Pour comprendre pourquoi Nanterre
a résisté, il paraît donc utile d’analyser aussi le rapport des forces
politiques dans la ville depuis les élections de 2012. Au premier tour de la
présidentielle, les 6166 voix Front de Gauche pesaient 46,22 % par rapport aux
13 340 voix du PS. Aux législatives,
les voix Front de gauche représentaient presque le double (180 %) des voix PS,
60% du total des scores de tous les candidats de gauche. Un rapport de force à
gauche qui était déjà annoncé par le résultat des élections cantonales de 2011.
C’est sans doute un élément essentiel d’explication : aussi légitime et
forte que soit la colère contre une politique nationale qui s’inscrit dans la
continuité de celle de la droite, ni la députée, ni les conseillers généraux,
ni la conseillère régionale, ni le maire de Nanterre, ni la majorité des élus
municipaux n’en ont été tenus pour responsables, leurs discours et leurs
actions s’inscrivant en opposition à la politique d’austérité gouvernementale.
Défendre une ville populaire et solidaire, tous ses habitants, bouger et
moderniser sans exclure personne, appeler à la mobilisation citoyenne pour y
parvenir, est, de ce fait, crédible et dynamisant.
La droite, beaucoup plus faible que
la gauche à Nanterre, s’est mobilisée beaucoup plus.
Toutefois, cela ne veut pas dire
que la crise de la politique épargnerait Nanterre, que la montée de
l’abstention ou la réapparition de la droite la plus réactionnaire, dans tous
les quartiers, deux ans seulement après le vote anti - sarkozy, seraient des
phénomènes qu’on pourrait négliger dans l’euphorie d’avoir gagné. L’analyse des
évolutions électorales depuis 2012 n’est pas inutile pour mesurer l’ampleur de
l’action politique de proximité, notamment communiste, qui est nécessaire. Il
serait évidemment stupide de comparer les résultats des présidentielle,
législative et municipale, élections aux enjeux différents. Mais il n’en est
pas moins intéressant de mesurer la mobilisation des différents électorats,
d’élection en élection, et les différences entre des quartiers de la ville.
La liste Nanterre pour tous réalise
56,6 % du total des voix des candidats PS, FdG, EELV à la présidentielle, et 76
% du total des voix des candidats FdG, PS, EELV, PRG à la législative. Un
calcul qui n’a pas de signification en soi, puisque les taux de participation
électorale sont différents : 76,45% à la présidentielle ; 52,54 % à
la législative ; 49, 04 % à la municipale. Il ne peut avoir de
signification que par comparaison avec les autres candidats, avec d’autres
villes, entre bureaux de vote.
L’UMP Bedin fait à peine mieux
que Sarkozy à la présidentielle (101,4 de ses voix), et réalise une fois et
demi (150,5 %) les voix de l’UMP à la législative. L’électorat de droite s’est beaucoup
mieux mobilisé que celui de gauche, mais sa progression par rapport à la législative
de 2012 n’a rien d’une vague bleue, car le score de l’UMP était faible à Nanterre. Toutefois,
même grossi par l’abstention, son score de 27,36 % des exprimés, entre 14% et
42 % dans les quartiers, installe Camille Bedin dans le paysage politique
nanterrien.
Le MODEM Creuzet fait un peu
mieux que Bayrou à la présidentielle (104,8 % de ses voix). S’il quadruple les
voix d’un candidat centriste à la législative, qui avait fait moins de 3 %, ce
n’est guère significatif. Mais une partie de l’électorat centriste (très
hétéroclite) a retrouvé son candidat traditionnel, le temps des municipales.
LO double ses 180 voix des
présidentielles, le NPA y parvient presque (177% des 334 voix de Poutou). Le
cas du POI est atypique : c’est en s’alliant avec des élus sortants de la
majorité municipale et des militants du PG en congé de parti sur une liste
« Union pour la résistance à Nanterre » qu’il multiplie par 9 son
score de 49 voix aux législatives. A noter que ces listes, qui se réclament
d’une opposition de gauche à la politique gouvernemental ainsi qu’à la majorité
municipale, totalisent à elle trois 1352 voix (6,5 % des suffrages exprimés)
Le FN était absent à Nanterre.
Ses 3546 électeurs (10,69 % des exprimés) à la présidentielle, ses 2232
électeurs (9,72 %) à la législative
ont-ils voté, et pour qui ?
Quelques éléments de
comparaison
A Suresnes, le FN obtient
1562 voix (82,29 % de ses voix à la présidentielles, et 113, 71 % par rapport à
la législative). Pas vraiment une vague bleu-marine, mais le taux d’abstention
(42,62 %) lui permet d’obtenir 2 élus. Réélu au premier tour, l’UMP Dupuy,
malgré une liste de droite dissidente qui obtient 563 voix, réalise 107,49 %
des voix de Sarkozy, qui était majoritaire à la présidentielle dans la ville.
La liste d’union conduite par le PS réalise 52,25 % des voix PS, FdG, EELV à la
présidentielle.
A Colombes, passée à
droite au deuxième tour, la liste d’union conduite par le maire socialiste
avait réalisé au premier tour 44 % des voix PS, FdG, EELV à la présidentielle.
Une liste d’opposition de gauche avait obtenu 809 voix.
Quartier du Parc sud :
abstention massive à gauche,
la droite cherche à y faire un nid
Le bureau 34
(Robespierre) était
habituellement le plus proche de la
moyenne de la ville. Le taux de participation n’a été que de 46,23 % (47,89 % à
la législative, 78,26 % à la présidentielle).
Nanterre pour tous (213
voix ; 54,76 % des exprimés) ne réalise que 44,28 % du total des voix PS, FdG,
EELV à la présidentielle, et 68,93 % des voix FdG, PS, EELV, PRG aux
législatives. L’UMP (90 voix, 23,14 %) réalise 130, 43 % des voix Sarkozy et
triple presque ses voix aux législatives. Le MODEM (54 voix, 13,8 %), réalise
163,6 % des voix de Bayrou à la présidentielle. Le NPA obtient 12 voix (8 à la
présidentielle, 0 à la législative), LO : 11 voix (7 à la présidentielle),
UPRN : 9 voix.
Le bureau 35 (Decour)
a été le plus abstentionniste de la ville (35,54 % de votants ; 43,39 % à
la législative ; 72,39 % à la présidentielle).
Nanterre pour tous, avec 204 voix
(60,71 des exprimés) ne réalise que 40,8 % par rapport aux présidentielles, et
65,17 % par rapport aux législatives.
L’UMP (65 voix ; 19,36 %)
fait 74,47 % des voix de Sarkozy, et 147,7 % des voix UMP aux législatives.
Le MODEM (36 voix ; 10,71 %)
triple presque les voix de Bayrou.
Le NPA recueille 13 voix : une de plus qu’à la
présidentielle, et LO avec 12 voix en gagne 3. UPRN a 6 voix (aucune voix POI
ni NPA à la législative)
Le bureau 44 (Picasso)
(votants : 44,31% ; 49,17% à la législative ; 78,15 à la
présidentielle) est le bureau du Parc sud où l’UMP fait un de ses plus forts
scores (22,28 %, 84 voix) : 152,72 % des voix de Sarkozy, et 262,5 % des
voix UMP à la législative.
Nanterre pour tous (194
voix ; 51,46 %) ne fait que 38,44 % par rapport à la présidentielle, et
58,78% par rapport aux législatives.
Le MODEM (55 voix ; 14,59 %)
réalise 148, 64 % des voix de Bayrou à la présidentielle.
Le NPA a 15 voix (3 à la
législative), LO : 5 (2 à la présidentielle) ; UPRN : 24 voix
(aucune voix POI à la législative)
Le bureau 46 (Gorki)
(37,41% de votants ; 43,44% à la législative ; 74,16 % à la
présidentielle) est celui du Parc sud où Nanterre pour tous fait son meilleur
score (64,24%, 221 voix), réalisant 44,46 % par rapport à la
présidentielle ; 63,68 % par rapport à la législative.
L’UMP (66 voix ; 19,19
%) : 108,1 % des voix de Sarkozy ; 165 % par rapport aux
législatives.
Le MODEM (34 voix ; 9,88
%) : 68 % des voix Bayrou à la présidentielle.
NPA : 11 voix (9 à la
présidentielle, 0 à la législative) ; LO : 5 voix (7 à la
législative) ; UPRN : 7 voix (1 voix POI à la législative)
La comparaison avec des bureaux
d’autres quartiers de la ville est révélatrice
Le bureau 21 (France Bloch)
a le taux de participation le plus fort : 63,85 % (législative :
66,09 % ; présidentielle : 81,72 %)
Nanterre pour tous (239 voix ; 50,10 %) réalise 72,64 %
par rapport à la présidentielle ; 77,34 % par rapport à la législative.
L’UMP (142 voix ; 29,77 %) réalise 92,2 % des voix
Sarkozy ; 117,3 % par rapport à la législative.
Le MODEM (70 voix ; 14,68 %) réalise 175 % des voix
Bayrou.
NPA : 9 voix (+ 1 par rapport à la présidentielle, +8
par rapport à la législative) ; LO : 6 (+2 par rapport à la
présidentielle) ; UPRN : 11 (1 voix POI à la législative)
Le bureau 31 (Romain Rolland)
est celui où la droite fait son score le plus élevé (le bureau 14, où votent
les militaires de la caserne dite de la Garde républicaine n’est pas pris en
compte ici)
57,70 % de votants (60,77 à la législative ; 80,62 % à
la présidentielle)
Nanterre pour tous (206 voix ; 36,98 %) réalise 62,04 %
des voix par rapport à la présidentielle ; 73,57 % par rapport à la
législative.
UMP (234 voix ; 42,01 %) : 95,5 % des voix
Sarkozy ; 125,8 % par rapport à législative.
MODEM (99 voix ; 17,77 %) : 123 % des voix Bayrou.
NPA : 10 voix (8 à la présidentielle, 1 à la
législative) ; LO : 0 (2 à la présidentielle) ; UPRN : 8
voix (0 POI à la présidentielle)
Dans ces bureaux, l’abstention de l’électorat de gauche est
moins forte, et l’UMP, contrairement aux bureaux populaires du quartier du Parc
sud, ne retrouve par le nombre de voix de Sarkozy à la présidentielle.
Dans le quartier populaire du
Parc Sud, où Hollande avait eu des scores de 70% au deuxième tour des
présidentielles, l’abstention est massive, jusqu’à 14 points plus forte que la
moyenne de la ville. Bien que les scores Nanterre pour tous en pourcentage des
exprimés soient rassurants, donnant l’impression d’une marge de sécurité
suffisante pour les élus, l’abstention massive est le symptôme d’une très
profonde crise de la politique et de la démocratie.
Si la progression de la droite en
pourcentage des exprimés est pour une part un effet de l’abstention, l’UMP commence
à regagner cependant des voix. Le MODEM, après une éclipse aux législatives,
retrouve lui aussi un petit électorat populaire sur la base d’un populisme
soft. Deux ans après le rejet massif du sarkozysme, c’est cependant l’UMP qui
apparait à l’offensive. L’absence du FN, pour le moment, n’empêche pas
l’idéologie de la droite extrême d’avoir une certaine audience, sur les thèmes
de l’assistanat, du trop de logement social, de la défiance vis à vis de
l’école publique...L’UMP s’adapte au terrain, évitant toute stigmatisation
« ethnique », cherchant des connivences avec des intégrismes
religieux.
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