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lundi 7 novembre 2011

Lettre du Comité de défense de l'hôpital au Président de la Cour des comptes

Le Comité de défense et de modernisation de l'hôpital Max Fourestier de Nanterre a écrit au Président de la Cour des comptes pour alerter sur les conséquences catastrophiques du projet de l'Agence Régionale de Santé qui, pour les auteurs, constitue une "spirale de déclin" pour l'établissement qui verrait aggraver son déficit budgétaire en même temps que seraient fermés des services et supprimés des postes de personnels. Le Comité avance des propositions alternatives, permettant notamment d'optimiser les équipements neufs du service de chirugie de Max Fourestier, l'hôpital Louis Mourier de Colombes développant quant à lui un pôle mére-enfant doté d'un service de chirurgie infantile.
Le comité, a été créé en juin à l'initiative de Jacqueline Fraysse, députée de Nanterre et Suresnes. Il est présidé par Marie Pezé, connue pour ses activités et ses recherches sur la souffrance au travail, qu'elle a développées pendant des années au CASH de Nanterre. Nadine Garcia, Conseillère générale, des élu-e-s de la majorité municipale de Nanterre, les personnels de Max Fourestier et leurs organisations syndicale (CGT, CFDT,SUD), des citoyens usagers de l'hôpital multiplient les initiatives pour faire signer leur pétition. Un rassemblement aura lieu mercredi 16 novembre, jour où le Conseil d'administration est convoqué, à 10h30 devant l'hôpital Max Fourestier.

Monsieur Didier Migaud
Premier président de la Cour des comptes

13 rue Cambon 75100 Paris Cedex 01



Monsieur le président,



La loi « hôpital, patients, santé, territoires » votée en juillet 2009, dite loi Bachelot, prévoyait une réforme d’envergure des Hôpitaux à travers la création d’une instance unique de gestion transversale : les Agences Régionales de Santé (ARS).

Cette loi a eu jusqu’à présent pour principales conséquences des « frappes chirurgicales » dans les budgets des hôpitaux dans les effectifs des personnels soignants, donc la dégradation du travail de soins et la précarisation de l’accès aux soins pour les usagers.

Partout les mêmes recettes donnent les mêmes résultats: A l’hôpital Louis Mourier de Colombes, le service de médecine nucléaire a été fermé - alors qu’il était tout neuf - et le service d’IVG ne doit son maintien qu’à la mobilisation citoyenne, comme d’ailleurs les services de rythmologie et de radiothérapie de l’hôpital d’Argenteuil; à l’hôpital Beaujon de Clichy le service des urgences est menacé de fermeture dans le cadre du regroupement avec Louis Mourier et Bichat; à Foch la chirurgie orthopédique et cardiaque ont été fermées; à Boulogne, une centaine de postes, c’est à dire un quart du personnel, manque au centre de gérontologie des Abondances (1) ; quant à Ambroise Paré, le service de chirurgie digestive et cancérologique, d’abord transféré à l’hôpital européen Pompidou, revient à Boulogne amputé de 80% de son activité.

On pourrait hélas poursuivre cette liste avec la fermeture de 250 lits à Charles Foix d’IVRY, idem à Clémenceau ou Joigny, sans parler de la suppression de centaines d’emploi à l’AP-HP en Ile-de- France, etc.

Comme partout en France, au prétexte de déficits budgétaires chroniques, l’ARS d’Île-de-France a donc initié un regroupement de certaines activités entre l’hôpital Max Fourestier de Nanterre et l’hôpital Louis Mourier de Colombes.

Sur le papier, et dans le langage stratégique d’une analyse purement quantitative de la situation, le regroupement de deux hôpitaux en difficulté (12 millions d’euros pour Max Fourestier, 14 pour Louis Mourier) serait susceptible d’en fabriquer un seul qui tiendrait mieux la route. Sur le papier seulement…

Mais écoutons d’abord le langage rêvé des gestionnaires.

Il s’agit pour l’ARS de « garantir à la fois le développement d’une offre hospitalière publique de qualité dans la boucle nord des Hauts-de-Seine, en renforçant significativement et concrètement la complémentarité des deux établissements, en particulier, avancer le plus loin possible dans le regroupement des plateaux techniques et de la permanence des soins, tout en veillant à maintenir une offre de soins de proximité et de qualité répondant aux besoins des populations des communes desservies, y compris pour les besoins de santé non programmés (…) L’agence Régionale de Santé d’Îlede- France s’engage à assurer la pérennité de la double mission médicosociale et hospitalière du CASH, prendre en compte l’intégration de l’hôpital Louis Mourier dans le groupe hospitalier Paris-Val de Seine et dans l’Université Paris Diderot, garantir le retour à l’équilibre économique des établissement » (2).

Revenons à la vraie vie, dans le travail réel, là où chacun d’entre nous doit faire avec les difficultés qui se présentent: des mois d’attente pour une consultation avec un spécialiste, le tiers payant à régler, des soins abîmés par le manque de moyens et d’effectifs de soignants, la montée de la violence entre soignants, entre patients et soignants, la population qui renonce aux soins faute de moyens, l’hôpital qui refuse de soigner les patients sans couverture sociale (3).

Si le triple objectif du protocole de l’ARS (réduire les inégalités de santé, promouvoir l’efficience, renforcer la qualité et la sécurité des soins) ne peut qu’emporter l’adhésion de tous, pouvons-nous être convaincus par les moyens pour y parvenir? En effet, le seul scenario actuellement à l’étude est celui du transfert de la chirurgie conventionnelle, de la totalité des lits du service de réanimation et du service des urgences, la nuit, de Nanterre vers l’hôpital Louis Mourier !

Mais alors pourquoi a-t-on construit au CASH de Nanterre un bloc de chirurgie flambant neuf inauguré en avril 2009 et ayant coûté 14 millions d’euros ? Car dans la vraie vie, la chirurgie même ambulatoire concerne des patients réels qui peuvent présenter de graves complications et ne peut s’exercer sans anesthésiste, sans réanimation, sans possibilité de chirurgie conventionnelle sauf à penser qu’un hôpital est une grande surface comme une autre.

Dans la vraie vie, tout cet argent aurait été dépensé pour rien ?

Comment l’hôpital Louis Mourier pourra-t-il faire face dans ses locaux, en plus de son activité actuelle, au transfert de près de 13 000 actes de chirurgie conventionnelle effectués par an à Nanterre, aux 36 000 passages annuels aux urgences (18% en moyenne la nuit entre 20h et 23h et 12% entre 24h et 7h), dont plus de 800 débouchent sur une hospitalisation? Sans parler de ces passages non comptabilisées parce que venant des structures sociales internes à l’établissement ou qui ne sont plus comptabilisés parce qu’effectivement, les deux postes des agents de caisse ont été supprimés aux urgences, laissant présager que tout est déjà plié depuis longtemps.

Que prévoit l’ARS pour la protection de la santé physique et mentale des salariés de la vraie vie des deux établissements, qui vont être soumis aux efforts d’augmentation de leur productivité, aux changements incessants de lieux géographiques, au morcellement et à la polyvalence de leurs compétences ?

Le récent rapport des médecins du travail sur l’état de santé des 10 000 salariés de l’hôpital de Nantes est à ce titre exemplaire et considéré comme un cas d’école. Souffrant lui aussi d’un déficit de 33 millions d’euros, c’est par les moyens habituels, purement comptables, que l’équilibre est désormais en vue (réduction d’effectifs, augmentation des actes, regroupement géographique), mais à quel prix! Les indicateurs objectifs de souffrance au travail y touchent toutes les catégories d’agents (visites spontanés, arrêt maladie, troubles psychologiques, atteintes somatiques, augmentations des restrictions de poste), sans oublier la dégradation de la qualité et du sens du travail.

Si les transferts prévus par l’ARS étaient réalisés à Max Fourestier, d’autres services, dont les soins sont – toujours dans la vraie vie – profondément complémentaires de l’existence de la réanimation et de la chirurgie conventionnelle, devront partir. Sans service de réanimation, le chef de service de pneumologie - en médecin responsable - ne pourra plus accueillir des patients insuffisants respiratoires. Même problématique pour la cardiologie. Et quel avenir pour la maternité de Max Fourestier dans un tel contexte ?

Il s’agit donc bien de dépecer lentement l’activité de l’hôpital pour le déclarer ensuite non compétitif Car les services transférés, notamment la chirurgie, sont ceux qui, dans le cadre de la tarification à l’activité mise en place par la loi Bachelot (T2A), rapportent le plus d’argent à l’hôpital. Leurs transferts signeraient donc l’organisation mécanique de la faillite, et à terme la fermeture de l’hôpital. Dans les entreprises privées, la disparition de pans entiers d’activités (avec le licenciement de nombreux salariés camouflé sous diverses formes linguistiques comme le célèbre Plan de sauvegarde de l’emploi) a toujours signifié à terme, l’asphyxie économique de la dite entreprise et la rhétorique finale : « vous voyez, on a bien essayé, mais l’entreprise ne tient plus la route… ».

L’ARS pense-t-elle vraiment que son langage gestionnaire virtuel peut convaincre les professionnels et les usagers de terrain? Si l’on prend l’exemple de la maternité des Lilas, on mesure l’écart entre le discours technocratique idéologique et le simple bon sens. Cette maternité, célèbre pour la qualité de ses 1700 accouchements annuels, en équilibre financier, veut s’agrandir, se voit proposer un terrain par la Mairie. Elle construit donc, acte et notifie son projet d’agrandissement, financé sans problèmes. Et en juin dernier, l’ARS bloque le projet dans le but d’imposer la mise en place d’une entité avec deux cliniques privées de Bagnolet, appuyée par un fond de pension australien.

Nous pensons que l’ARS fait preuve de l’habituel entêtement technocratique et du mépris des gestionnaires pour celles et ceux qui travaillent sur le terrain, et qui n’auraient pas d’avis intelligent à donner sur leur propre activité.

En effet, si les cadres supérieurs et les chefs de service de Max Fourestier ont été sollicités pour participer à des groupes de travail et de réflexion (sans toutefois les représentants du personnels et les élus), ils ont rapidement dénoncé dans une lettre commune, qu’on les plaçait devant des décisions déjà prises.

Nous, usagers, personnels de l’établissement, professionnels de santé libéraux ou des centres de santé, élus, membres d’associations, syndicats, partis politiques et citoyens savons que si un tel projet venait à se réaliser, il conduirait inéluctablement à l’effondrement de l’activité de l’hôpital de Nanterre, à son asphyxie financière et sa fermeture à terme, ainsi que celle de sa maternité.

Une ville préfecture comme Nanterre en pleine expansion, forte de 90 000 habitants, où travaillent chaque jour près de 95 000 personnes et qui accueille 30 000 étudiants, n’aurait donc plus d’hôpital de proximité?

Si l’ARS conduisait son projet à terme, l’hôpital de Nanterre se réduirait à n’être qu’un lieu de soins ambulatoires et d’accueil des urgences sociales. Quoique! Le Docteur Xavier Emanuelli, fondateur du SAMU Social au CASH de Nanterre en 1993, vient de démissionner pour dénoncer les réductions drastiques des moyens alloués à l’hébergement d’urgence. L’état semble donc signer son désengagement de la prise en charge des naufragés décrits par Patrick Declercq dans son livre (4).

Pris en tenaille par la tarification à l’activité (T2A) des services d’urgences refusent déjà d’accueillir certains patients malgré la gravité de leur état. Quel hôpital prendra en charge les personnes sans domicile fixe qui sont encore accueillies à Nanterre, traitées et accompagnées avec le professionnalisme qui caractérise les équipes soignantes du CHAPSA ? Les cliniques n’en voudront pas. Pas assez solvables pour les intéresser.

Le CASH de Nanterre, par sa quadruple mission a toujours été et demeure un observatoire privilégié des maux de notre société : chômage, travail à temps partiel, précarité, errances sociales… Il est le creuset original de nouvelles pratiques permettant d’y faire face: La chirurgie de la main française y a été fondée et enseignée, le Samu Social y a vu le jour, ainsi que les consultations sur la précarité et les consultations Souffrance et travail. L’hôpital Max Fourestier doit continuer à traiter les souffrances physiques et psychiques de tous les patients sans distinction ni discrimination. A l’heure où la crise s’aggrave et accroît les secteurs de la population touchés par la précarité, on veut démanteler ce lieu de soins uniques ?

Le CASH est un patrimoine humain qu’il faut sauvegarder, défendre et moderniser. Ce service public s’inscrit dans l’histoire de Nanterre, une ville solidaire qui a toujours su accueillir.

Les membres du comité de défense ne veulent pas du faux débat stratégiquement entretenu, entre ceux qui veilleraient à une utilisation rigoureuse de l’argent public et ceux qui, inconscients, dépenseraient à tout va. Nous avons l’habitude de gérer des budgets et des services. Nous savons que l’on ne dépense pas plus d’argent que celui dont on dispose, que l’argent public est précieux et les besoins nombreux. Nous ne sommes pas indifférents aux situations financières des hôpitaux.

L’ARS, dans une logique qui nous échappe, peut à la fois désigner le Nord du 92 comme un des territoires les plus fragiles puisque cumulant difficultés économiques, sociales et culturelles et projeter quand même des réductions drastiques dans le réseau de soins.

Nous proposons donc des voies de modernisation :

La municipalité de Nanterre est de bonne volonté et étudie les possibilités d’un réaménagement urbain du CASH (Centre d’accueil et de soins hospitalier) et de ses abords en créant une nouvelle voie et une entrée spécifique permettant d’ouvrir l’hôpital sur la ville.

Afin de construire un projet de soins clair pour les usagers de la région, une cohérence et une complémentarité forte entre les deux hôpitaux Louis Mourier et Max Fourestier, nous proposons une nouvelle répartition de l’offre de soinsarticulée autour de deux pôles de chirurgie :

- Louis Mourier, à Colombes, pourrait devenir un grand pôle Mère-enfant en complétant son activité actuelle avec l’implantation d’un service de chirurgie infantile. La chirurgie infantile n’est aujourd’hui pratiquée qu’à l’hôpital Necker et à l’hôpital Robert Debré, cruellement éloignés de notre secteur dont le taux de natalité est pourtant supérieur à la moyenne nationale, 16,3 % !

- Max Fourestier, à Nanterre, regrouperait les activités chirurgicales et médicales pour adultes.

Nous souhaitons également développer des consultations spécialisées dans le cadre de la coopération ville/hôpital afin de répondre au plus près des besoins de la population : renforcement des consultations d’ophtalmologie, de neurologie, de diabétologie, de rhumatologiques, de la prise en charge des addictions, de la douleur, de la précarité, etc.

Monsieur le président de la Cour des comptes, nous vous le disons avec toute la force de notre conviction et avec notre expérience professionnelle: Le projet de l’ARS, dont nous ne sommes pas dupes, s’inscrit dans la spirale du déclin progressif puis de la fermeture de l’hôpital de Nanterre.

Nous demandons l’abandon du protocole signé en mai 2011, le développement et la modernisation de notre hôpital.

Nous vous prions d’agréer, monsieur le président, l’expression de notre haute considération.



Le Comité de défense et de modernisation de l’hôpital de Nanterre.



(1) De l’aveu même de l’ARS dans un document de mars 2011.

(2) Protocole d’accord signé en mai 2011 entre l ‘ARS, la Préfecture de police de Paris et l’APHP

(3) Source : Lettre du réseau de santé du 92 adressée à la direction de l’hôpital Max Fourestier suite au refus de prise en charge d’un patient aux urgences faute de couverture sociale.

(4) Les Naufrages. Avec les clochards de Paris Ed.: Pocket, 2003.


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