photos d'illustrations copieé sur le site
Mardi 28 juin, les Conseillers municipaux de Nanterre vont probablement voter majoritairement la révision simplifiée du Plan Local d’Urbanisme, permettant la construction du grand stade Arena sur le terrain de sports des Bouvets. Les protocoles Nanterre-Racing Arena seront présentés à la même séance. Depuis juin 2009, en plus des procédures obligatoires, plusieurs réunions publiques se sont tenues. Pour autant, l’unanimité est loin d’être réalisée.
Un manque de débat politique de fond
Les prises de position des groupes politiques au Conseil municipal le prouvent, de manière surprenante : accord des élu-e-s communistes - initiatives citoyennes et de l’UMP, hostilité des socialistes et des Verts-Europe-Ecologie, réserve prudente du MODEM. Ces clivages inhabituels s’expliquent à mon avis parce que la réflexion et le débat n’ont pas été poussés suffisamment sur le fond. Les enjeux en effet dépassent le niveau local, et la question de la main mise du privé sur les équipements sportifs et culturels qui vont se construire, sur l’essentiel des « spectacles » qui y seront « produits », sont au cœur de choix politiques cruciaux. Or, les organisations politiques de gauche, sur le plan national, à l’exception ancienne du PCF et très récente du Front de gauche en ce qui concerne la culture, sans encore de retombées locales, sont en manque de débats publics et de propositions alternatives au néolibéralisme sur ces sujets. C’est ce qui explique sans doute, au delà d’une certaine municipalisation du scrutin – soutien du/opposition au/ maire-, qu’au moment des élections cantonales, alors que beaucoup de thèmes ne relevant pas directement des compétences de l’Assemblée départementale ont fait l’objet de confrontations politiques, aucun candidat n’a souhaité faire de son accord, réel ou supposé, ou de son désaccord, avec le projet Arena un argument de campagne.
Des attentes diverses des Nanterriens
Les élu-e-s UMP paraissent en effet les seuls à prendre la mesure des enjeux : « Porté par des fonds privés, ce projet va trouver sa pérennité économique dans un aménagement de l’environnement porté par les collectivités territoriales » ; c’est « un projet majeur irriguant un territoire plus vaste que la seule ville de Nanterre » (1). Les arguments de la gauche locale, qu’ils soient pour ou contre, apparaissent, eux, difficilement porter plus loin que les limites de la ville, que «l’intérêt de Nanterre ». Certes, c’est ce qui ressort de la concertation à laquelle « près de six cents habitants »(début mai 2011) ont participé, dont le maire, Patrick Jarry, résume ainsi la diversité des attentes exprimées : « Attente d’un emploi pour de nombreux jeunes, attente d’une bonne gestion de l’environnement et de la sécurité pour les riverains les plus proches du site, attente de retombées favorables pour les commerçants du secteur, attente d’une image valorisante pour beaucoup de nos concitoyens. » Question riverains, Il y a encore beaucoup à écouter et à travailler avec les associations d’habitants du quartier du Parc –nord, dont la principale ne cache pas son opposition au projet et son récent désamour avec l’équipe municipale. Les 58 évènements par an de plus de 10 000 spectateurs annoncés changeront indéniablement la vie de ce quartier, qui vivra au rythme d’Arena, au moins en ce qui concerne la circulation, puisque situé dans un large « périmètre de sécurité et de protection » où des voies seront fermées et la vidéosurveillance renforcée.
Question emplois pour les Nanterriens, précise le directeur de la Maison de l’emploi et de la formation, « 100 000 heures de travail en insertion sont prévues(…) durant les 2 ans et demi de travaux. Concrètement, cela concerne tous les métiers du gros œuvre, du second œuvre et des finitions(…) Cela correspond à environ 55 emplois temps plein. Mais (…) beaucoup plus de personnes devraient être concernés : par exemple, sur les chantiers d’insertion, le temps de travail est de 20 à 26 h par semaine. » D’autre part, « Le Racing Arena s’est engagé à réserver aux Nanterriens 40% des emplois liés aux évènementiels(…) Ces postes seront à temps partiels et précaires. ».
Après le basket et le handball, le rugby ?
Les retombées positives semblent plus assurées et pérennes en ce qui concerne le sport. On peut être agacé ou enthousiasmé comme le « manager du Racing Métro », par l’esprit de compétition, le sport spectacle, ses clubs de supporters passionnés. Avec en 2014 l’obligation de vendre 30 000 places, de rentabiliser l’investissement des actionnaires de la multinationale bâtisseuses de stades. .. Mais l’entraîneur s’engage à « respecter deux axes : la formation et le haut niveau. ». Alors, le ballon ovale à la portée de tous les habitants, une nouvelle aubaine pour développer l’éducation physique et sportive, la pratique populaire du sport ? Le président du club de basket-ball ESN-JSFN est prudent : « Je demande à juger sur pièce. Que l’on me donne concrètement les arguments qui démontrent que ça peut être bon pour le sport nanterrien en général et le basket en particulier. » Le directeur sportif du club de handball n’a aucun doute. « La venue de l’Arena permettrait à chaque Nanterrien, quelle que soit sa classe sociale, de s’identifier à une infrastructure de rayonnement national voire international(…) L’arrivée de l’Arena peut à terme, conforter l’engouement populaire pour le sport spectacle. Je considère que comme pour les artistes du Théâtre des Amandiers nous produisons un spectacle ».
Vous avez dit, aussi, culture ?
Je ne sais pas ce que l’équipe du Théâtre des Amandiers, et tous les nombreux acteurs de la création culturelle à Nanterre penseront de la dernière phrase, si cette comparaison entre le sport spectacle et leur « production » d’évènements culturels leur plaira…Ce qui est sûr, c’est qu’à priori la « culture » servira surtout à rentabiliser le stade entre deux matches : « Pour les concerts et les spectacles organisés par des producteurs indépendants de la structure, il sera plus difficile de mettre en place des tarifs préférentiels (pour les Nanterriens) car ces producteurs définissent eux-mêmes leurs tarifs » . Pour ce qui est du non forcement garanti financièrement rentable, du risque inhérent à toute réelle création artistique et culturelle, du courage de soutenir ce qui ne rencontre pas immédiatement et pas toujours l’engouement d’un public formaté, du caractère forcément dérangeant, non conformiste, rêvolutionnaire de tout évènement culturel digne de ce nom, il est prévu peut-être quelques niches. « Par ailleurs, la société de production du stade développera notamment des créations originales auxquelles pourront participer des jeunes et des artistes locaux. La programmation des salles de conventions (en particulier d’une salle de 500 places assises) et des espaces de réceptions s’ouvrira à des évènements culturels à dimensions plus locales ou plus pointue ». Peut-être tout ne sera-t-il donc pas seulement des productions destinées à rendre les esprits disponibles pour les messages des sponsors. Ce que le nom de l’espace pourrait faire craindre. En effet le « naming » de l’Arena consistera à baptiser la structure du nom d’une banque ou d’une grande entreprise contre rémunération. Au mieux disant dans le cadre d’une concurrence libre et non faussée ?
Il ne faudrait pas que ça finisse comme les arènes romaines
Mais tout cela, je veux bien le croire, ne coûtera rien aux finances de la ville, dont les services techniques assureront entretien, bon fonctionnement et nettoyage du parvis et terrasses, ce qu’ils estiment coûter « 300 000 euros par an ». Les recettes fiscales sont, elles, estimées « entre 3 et 5 millions d’euros ». Beaucoup de sports, un peu de culture, quelques emplois, et tout ça, en plus, c’est une bonne affaire pour les finances publiques !
Alors, évidemment, difficile aux élus municipaux de chipoter, d’avoir l’air d’être des ringards qui ne sauraient que dire non et passer à côté de sacrées aubaines , alors que tant de villes pauvres en rêvent, à force de toujours diaboliser les investisseurs privés qui ne demandent qu’à rendre le sport et la culture aussi populaires que rentables.
Cependant, je ne voudrais pas que l’ « Arène multimodale la plus moderne d’Europe », qui accueillera un « complexe culturel multifonctionnel ( stade, concerts, conférences, évènements) de grande capacité et un ensemble de bureaux » finisse comme les arènes romaines. L’œuvre de l’équipe architecte de Christian de Portzamparc mérite sans doute mieux, aux yeux des générations futures, que ce mélange d’admiration et d’effroi que l’on éprouve en visitant les ruines du Colisée, ou même simplement les arènes de Nîmes, en pensant au déclin de l’Empire.
(1) Toutes les citations sont tirées du document « l’Arena à Nanterre ? » coédité par la mairie de Nanterre, Racing Arena, l’établissement public d’aménagement de la Défense Seine Arche, et distribué à la population en mai 2011.
Un autre point de vue : cliquer ici
L’enquête publique, portant seulement, comme il se doit « sur l’impact du projet sur l’environnement », dure jusqu’au 9 juillet. Vous avez jusqu’au 7 juillet pour voir l’exposition sur le projet Arena à la mairie de quartier, 215, terrasse de l’Arche.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire