« Democratia real ya
Réelle démocratie maintenant »
La banderole ,
accrochée en haut de l’escalier de l’Opéra Bastille, sous l’affiche du
spectacle Le Crépuscule des dieux, est illustrée des drapeaux espagnol et
français, et d’une fleur de tournesol. El sol, le soleil, est bien au
rendez-vous, les centaines de jeunes assis sur les marches et sur le trottoir dès
14h résistent bravement à ses morsures. Mais à 16h30, la preuve reste à faire
que les copiés-collés des modes d’action et des mots d’ordre de la Puerta del Sol
sont mobilisateurs en France.
Taboue, la politique ?
Peut-être les débats
annoncés dans la soirée auront-ils permis de progresser vers des axes communs de lutte.
Pour ce que j’ai entendu, des
courtes prises de parole, c’est un travail immense. Peut-être avancera-t-il à
partir des cahiers de doléances, sur lesquels, chacun, en jouant un peu des
coudes, pouvait s’exprimer ? Un tabou paradoxal, apparemment consensuel, paralysait
les langues quant aux suites et au débouchés de ce dimanche : d’une part, « notre
mouvement est fondamentalement politique », d’autre part, il est interdit
à quiconque de « se réclamer de ses convictions et engagements politiques ».
Au point qu’un jeune militant anarchiste s’est fait copieusement huer quand il
a voulu expliquer le sens de son « communisme libertaire ». Tout
rejet absolu et sans discernement des dirigeants
politiques, toujours désignés uniquement comme PS et UMP, et des dirigeants
syndicaux, attirait au contraire l’approbation
de la foule. Quelques pistes ont
cependant pu être amorcées, comme l’appel à la mobilisation contre le chômage
et la précarité, lancé par une animatrice de La Pelle et la Pioche, de retour
du Portugal, ou comme l’annonce d’ateliers citoyens présentés en chanson par
des militants d’ATTAC.
Place aux rêves
Quelques pancartes affichaient la nostalgie de
mai 68, et en effet une certaine force du verbe montrait que l’imagination, loin d’être au pouvoir, n’en
est pas moins créatrice dans les cœurs. L’autocollant
Place aux rêves, réalisé par Pascal Colrat, appelait justement à croire à la réalité de nos désirs pour les accomplir. La chanson
hommage à Che Guevara ouvrait le happening improvisé, mais la tonalité
générale, si elle se voulait révolutionnaire, était très bon enfant, avec
animations pour les petits et accueil-réparation des vieux vélos au stand « Vélorution ». Un moment, le pacifisme aurait pu être
entaché. La non directivité des organisateurs a fait qu’une partie de la
foule a cru comprendre que nous étions là pour « prendre la place de la Bastille »,
et a coupé un bref instant une partie de la circulation. Mais il a suffit qu’une
douzaine de gendarmes se montrent pour que la plupart des jeunes résistants à
la mondialisation capitaliste restent sagement assis sur les marches, et qu’après
que quelques cars de la gendarmerie eurent sécurisé les plus hardis, assis sur la
chaussée, tout rentre dans l’ordre. D’ailleurs, jeunes et moins jeunes « sans
culotte », étions-nous assez nombreux pour gêner durablement la circulation
fluide des automobiles sur un quart de la place de la Bastille ? Je laisse
aux organisateurs le soin de compter les manifestants, et sans doute à la Préfecture
de police de minimiser leur nombre. Pour comparer
avec les rassemblements de soutien aux travailleurs sans
papiers occupant le même endroit, nous étions, je crois, certains samedis, plus
nombreux.
I would prefer not to
Toute comparaison avec le début du mouvement contre le CPE,
ou l’engagement de jeunes lycéens et étudiants contre la réforme des retraite
et pour le droit à l’éducation, et encore
moins avec des révoltes de banlieue, ne saurait être pertinente. Pas ici de révolte contre telle réforme néo
libérale ou telle provocation sarkozienne particulière, mais une contestation
multiforme et globale, qui se veut européenne , voire planétaire, d’un ordre du monde qui nous mène dans le mur.
« Ce n’est pas une révolte, sire, non, c’est une révolution » :
le mot prêté à un proche de Louis XVI était-il d’actualité cet après midi
place de la Bastille? Plus que le souffle de notre mythique grande Révolution, ou
le souvenir du mai 68 de mes 18 ans, c’est le personnage Barnaby, de
Melleville, et son inoubliable analyse par Gilles Deleuze, que j’avais en tête en
rentrant à Nanterre. Ce personnage d’employé
de bureau qui oppose ces simples mots à son chef : « I would prefer
not to » -Je préfèrerais ne pas…- cette expression de la résistance
pacifique la plus absolue, la plus radicale à un système dont on ne veut plus
être un rouage, et qui affole tout le monde. Construire une perspective
révolutionnaire dans notre 21ème siècle, encore plus kafkaîen que le précédent : une telle ambition
passe sans doute par une aptitude, que nous n’avons pas encore, à saisir des
aspirations et des espoirs contemporains dont l’expression pacifiquement et
radicalement nihiliste ne nous est guère familière.
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