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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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Nanterre en colère

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En 2017, changeons la politique !

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dimanche 29 mai 2011

Les Bastilles restent à prendre


« Democratia real ya
Réelle démocratie maintenant »

  La banderole , accrochée en haut de l’escalier de l’Opéra Bastille, sous l’affiche du spectacle Le Crépuscule des dieux, est illustrée des drapeaux espagnol et français, et d’une fleur de tournesol. El sol, le soleil, est bien au rendez-vous, les centaines de jeunes assis sur les marches et sur le trottoir dès 14h résistent bravement à ses morsures. Mais à 16h30, la preuve reste à faire que les copiés-collés des modes d’action et des mots d’ordre de la Puerta del Sol sont mobilisateurs en France.
Taboue, la politique ?
  Peut-être les débats annoncés dans la soirée auront-ils permis  de progresser vers des axes communs de lutte. Pour ce que j’ai  entendu,  des courtes prises de parole, c’est un travail immense. Peut-être avancera-t-il à partir des cahiers de doléances, sur lesquels, chacun, en jouant un peu des coudes, pouvait s’exprimer ? Un tabou paradoxal, apparemment consensuel, paralysait les langues quant aux suites et au débouchés de ce dimanche : d’une part, « notre mouvement est fondamentalement politique », d’autre part, il est interdit à quiconque de « se réclamer de ses convictions et engagements politiques ». Au point qu’un jeune militant anarchiste s’est fait copieusement huer quand il a voulu expliquer le sens de son « communisme libertaire ». Tout rejet absolu  et sans discernement des dirigeants politiques, toujours désignés uniquement comme PS et UMP, et des dirigeants syndicaux, attirait  au contraire l’approbation  de la foule. Quelques pistes ont cependant pu être amorcées, comme l’appel à la mobilisation contre le chômage et la précarité, lancé par une animatrice de La Pelle et la Pioche, de retour du Portugal, ou comme l’annonce d’ateliers citoyens présentés en chanson par des militants d’ATTAC.
Place aux rêves
  Quelques pancartes affichaient la nostalgie de mai 68, et en effet une certaine force du verbe montrait  que l’imagination, loin d’être au pouvoir, n’en est pas moins  créatrice dans les cœurs. L’autocollant Place aux rêves, réalisé par Pascal Colrat, appelait  justement à croire à la réalité de  nos désirs pour les accomplir. La chanson hommage à Che Guevara ouvrait le happening improvisé, mais la tonalité générale, si elle se voulait révolutionnaire, était très bon enfant, avec animations pour les petits et accueil-réparation des vieux vélos au stand « Vélorution ».  Un moment, le pacifisme aurait pu être entaché. La non directivité des organisateurs a fait qu’une partie de la foule a cru comprendre que nous étions là pour « prendre la place de la Bastille », et a coupé un bref instant une partie de la circulation. Mais il a suffit qu’une douzaine de gendarmes se montrent pour que la plupart des jeunes résistants à la mondialisation capitaliste restent  sagement assis sur les marches, et qu’après que quelques cars de la gendarmerie eurent  sécurisé les plus hardis, assis sur la chaussée, tout rentre dans l’ordre. D’ailleurs, jeunes et moins jeunes « sans culotte », étions-nous assez nombreux pour gêner durablement la circulation fluide des automobiles sur un quart de la place de la Bastille ? Je laisse aux organisateurs le soin de compter les manifestants, et sans doute à la Préfecture de police de  minimiser leur nombre. Pour  comparer  avec les  rassemblements de soutien aux travailleurs sans papiers occupant le même endroit, nous étions, je crois, certains samedis, plus nombreux.
I would prefer not to
Toute comparaison avec le début du mouvement contre le CPE, ou l’engagement de jeunes lycéens et étudiants contre la réforme des retraite et pour le droit à l’éducation, et  encore moins avec des révoltes de banlieue, ne saurait être pertinente.  Pas ici de révolte contre telle réforme néo libérale ou telle provocation sarkozienne particulière, mais une contestation multiforme et globale, qui se veut européenne , voire planétaire,  d’un ordre du monde qui nous mène dans le mur. « Ce n’est pas une révolte, sire, non, c’est une révolution » : le mot prêté à un proche de Louis XVI était-il d’actualité cet après midi place de la Bastille? Plus que le souffle de notre mythique grande Révolution, ou le souvenir du mai 68 de mes 18 ans, c’est le personnage Barnaby, de Melleville, et son inoubliable analyse par Gilles Deleuze, que j’avais en tête en rentrant à Nanterre.  Ce personnage d’employé de bureau qui oppose ces simples mots à son chef : « I would prefer not to » -Je préfèrerais ne pas…- cette expression de la résistance pacifique la plus absolue, la plus radicale à un système dont on ne veut plus être un rouage, et qui affole tout le monde. Construire une perspective révolutionnaire dans notre 21ème siècle,  encore plus kafkaîen  que le précédent : une telle ambition passe sans doute par une aptitude, que nous n’avons pas encore, à saisir des aspirations et des espoirs contemporains  dont l’expression pacifiquement et radicalement nihiliste ne nous est guère familière.


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