Vendredi, une sèche missive du Préfet des Hauts-de-Seine arrive aux « oubliés de Saint-Paul » : la sommation de quitter immédiatement les locaux paroissiaux où ils dorment depuis le mois d'avril, en attente de la régularisation de leur situation administrative ; l'engagement à examiner avec bienveillance tous les dossiers à cette condition. On savait déjà que la procédure d'expulsion « en urgence » enclenchée par l'évêque de Nanterre était sur le point d'aboutir, et que le Préfet se disait prêt à envoyer les forces de l'ordre pour qu'elle soit appliquée sans délai.
Pas question évidemment d'envisager d'opposer la moindre violence à celle de l'Etat du pays où ils ne demandent qu'à travailler et à vivre dans la dignité : les sans papiers décident, dès le lendemain, d'évacuer les locaux, et d'attendre que leurs dossiers soient examinés comme le Préfet s'y est engagé. Le problème, c'est que la plupart d'entre eux n'ont plus d'autre foyer disponible que le local qu'ils occupaient, puis dans lequel ils étaient restés comme « invités » de la communauté paroissiale. Sans papiers, comment se loger en respectant les lois de la République ? Parmi eux, il y a plusieurs enfants, dont certains sont élèves d'écoles de Nanterre ou d'Asnières. Aussi, dès midi , sous la pluie, des abris de fortune commencent à envahir la petite pelouse coincée entre l'église et son parking, sous la surveillance des services de renseignement de la police.
Alertés depuis la veille, les responsables des associations, des syndicats, des partis de gauche, des citoyens, des élu-e-s, qui constituent le comité de soutien et qui parrainent personnellement depuis une semaine chacun des « oubliés de Saint-Paul », arrivent rapidement sur les lieux. Une conférence de presse improvisée se tient, le service public de la radio et de la télévision enregistre.
Une délégation se forme, qui demande à rencontrer d'urgence le Préfet : pas question de rester à la rue, cette nuit. Des sans abris sont morts de froid ces jours derniers. « On a obéi au préfet : à la préfecture d'assumer ses responsabilité, d'organiser notre hébergement dans des conditions décentes avant la nuit, de préciser les modalités et le délai d'examen des dossiers », déclarent à l'unisson délégués et soutiens. Mais manifestement le Préfet n'a rien prévu de tel, il n'est pas là, et il n'est « pas question de recevoir une délégation dans ces conditions », transmet un policier. Seule « perche tendue », selon lui : faire appel au 115. Or chacun sait que ce service est débordé par l'assistance aux SDF, et surtout que ce type d'hébergement n'est pas adapté à la situation, surtout pour les enfants !
Heureusement, Dominique, le curé de la paroisse, déclare que dans ces conditions, il ne peut en conscience fermer les portes des locaux paroissiaux, tandis que l'évêché de son côté se déclare surpris : la procédure visant à l'expulsion des « oubliés de Saint-Paul » ne serait pas encore terminée…
Cependant, si cette nouvelle preuve de charitable hospitalité n'est pas dédaignée pour les enfants, les hommes, fiers et respectueux des décisions des autorités de la République et de celles de l'Eglise, décident de dormir sous les tentes et les bâches, au milieu des maigres bagages qui jonchent l'herbe mouillée.
Une situation insupportable qui ne peut pas durer. Toute marque de soutien sur place, tout message faisant appel au pouvoir qu'a le préfet de régulariser ces sans papiers « pour des raisons humanitaires », sont plus précieuses et urgentes que jamais.
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