Les photos qui illustrent ce billet ont été prises, sauf mention contraire, lors de la manifestation pour la sixième république le 18 mars 2017 |
Mon billet « Le débat s’amplifie à gauche : la dynamique # jlm2017 au coeur d’une possible alternative », du 1/02/2017, a été consulté 81 412 fois. C’est cinq fois plus que celui du 12 /11/2016, « Ma décision est prise », dans lequel j’annonçais que je m’engageais, prenant ma responsabilité de citoyen, dans la campagne pour la victoire de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, quel que serait le vote majoritaire des adhérents du PCF, parti où je milite depuis 1969.
En
relisant ce que j’écrivais il y a quelques semaines, je me dis que je n’ai sur le fond pas grand-chose de nouveau à
ajouter. Si ce n’est quelques bonnes choses. Et assurément aucun regret, si ce
n’est celui de n’avoir pas, comme d’autres l’avaient fait, pris cette décision
plus tôt. Alors les bonnes choses donc.
Les communistes dans la campagne
Tract édité en mars 2017 par le PCF |
Depuis la fin 2016, la majorité des adhérents au PCF, et
parmi les premiers son secrétaire national Pierre Laurent, ont fait le choix de
soutenir Jean-Luc Mélenchon. Avec une campagne « autonome », qui a certes
sa légitimité, mais qui ne rend pas toujours plus facile sur le terrain
essentiel des portes à portes et autres contacts de proximité la lisibilité de
l’engagement des communistes, ni pour eux-mêmes, ni pour leurs interlocuteurs.
En ce qui me concerne, c’est le programme « L’avenir
en commun » que je propose au débat, celui du candidat,
qui a été écrit à des milliers de mains - ou plutôt de cerveaux - d’insoumis
(parmi lesquels, certes pas assez, à mon avis, des communistes). C’est le
matériel du candidat que je distribue en priorité, non sans inviter à aller
voir aux adresses WEB mentionnées les sites qui permettent de suivre la campagne
et d’y participer. La brochure du PCF « La France en commun »,
synthèse de propositions, rédigée en beaucoup plus petit comité, permet, aux plus
politisés que ça intéresse, de mesurer le vaste champ des convergences sur
l’essentiel, et de pointer quelques nuances ou divergences, qui existent
d’ailleurs aussi dans les discussions entre communistes et dans tous les
courants de la gauche alternative. Ce qui était déjà lisible pour les plus
aguerris des militants entre les lignes du texte rassembleur qu’a été
« L’Humain d’abord », programme du Front de gauche et de son candidat
Jean-Luc Mélenchon en 2012. Et il en va
de même des matériels du « PCF-Front de gauche », où, fort
heureusement, au fur et à mesure que les communistes s’engagent plus nombreux
sur le terrain, et à leur demande, la photo et le nom de Mélenchon ont pris de
l’ampleur (1). Ce
qui compte, en cette toute dernière ligne droite, c’est de tenir « dix
mille » points de rencontre pour le vote Mélenchon, comme y a appelé début
avril la direction nationale du PCF, et d’oser le porte à porte, comme y invite
également la France Insoumise.
La
cohérence de la méthode et des finalités
La
deuxième bonne chose, c’est que la dynamique engagée ne se construit
pas sur un projet utopique ni dogmatique. Bien sûr, l’Avenir en commun est une
référence, sérieusement élaborée à partir de valeurs bien ancrées et de données
bien fondées, ce qu’a bien mis en évidence le 19 février la belle séance
publique de son « chiffrage »,
mariant joyeusement la raison et les affects.
Mais cela n’empêche pas, au
contraire, un enrichissement continu avec l’apport croissant de compétences et
d’engagements citoyens : les dizaines de livrets thématiques, en
téléchargement libre, en témoignent. Ainsi, sur des thèmes qui me tiennent à
cœur en raison de mes choix militants, « lutter contre le racisme, les
discriminations, construire l’égalité », et les migrations, - « Respecter
les migrants, régler les causes des migrations » -, incontestablement les
luttes sur le terrain, les analyses les plus récentes, sont de mieux en mieux
prises en compte … et le processus engagé n’est pas clos. Sur d’autres thèmes
au cœur des enjeux de notre temps, sur lesquels, comme la plupart des humains
du XXème siècle, fussent-ils communistes, j’avais accumulé une bonne couche d ’
ignorance ou de déni, j’ai beaucoup commencé à apprendre, avec d’autres et avec
plaisir. Il en est ainsi de l’écologie, ce dont j’ai essayé de rendre
humblement compte à propos du contre
- salon de l’agriculture au parc floral de la porte de
Vincennes.
L’utilisation à plein des moyens nouveaux de communication que
permet internet est un choix stratégique, pour contourner les discours et les
censures des médias, dont les plus influents sont possédés par des
milliardaires. Les vidéos en libre accès sur Youtube constituent une somme de
documents bien plus importante en nombre et en durée – sans parler du contenu -
que les émissions télévisées consacrées aux enjeux des élections de 2017. Plus
important encore, les sites et listes de diffusion sont au cœur des échanges
interactifs, des mobilisations, des engagements individuels dans l’organisation
de la France Insoumise, dans tous les aspects de la campagne. Non seulement
cette campagne en ligne ne réduit pas l’importance des contacts de proximité, les
diffusions de tracts, de brochures et de livres, les collages d’affiches, mais
elle les stimule. Il s’agit de rendre le
peuple acteur, (2) dans le cadre de la
présidentielle qui est au coeur de la constitution antidémocratique de la Vème
république. Participer à un meeting, c’est contribuer à créer un évènement qui
rassemble des milliers de personnes, et que des dizaines, des centaines de
milliers d’autres partageront, en direct ou en différé : quoi de plus valorisant,
de plus motivant pour en être ?
Certes, le personnage Mélenchon n’est pas
pour rien dans l’affluence record à ses meetings : il montre sa culture et ses talents d’orateur,
il se joue de la politique spectacle – avec ou sans hologramme-, il donne tout ce qu’il a pour gagner, et pour
subvertir la règle du jeu. Le bonhomme vient à son heure, mais il demande qu’on
crie résistance plutôt que son nom. Il répète qu’il ne serait rien sans les
collectifs qui produisent des savoirs et des idées neuves, sans les quelque
trois cent mille personnes mises en réseaux et en groupes de proximité. L’argument
malveillant que Mélenchon serait seul avec son égo fait donc long feu. C’est le
seul candidat qui répète qu’il se retirera dès lors que la Constituante aura
terminé son travail pour une sixième république qui abolira le système
oligarchique, donc, entre autres, la monarchie présidentielle. La manière de
construire le programme, de mener campagne, est cohérente avec les finalités
annoncées.
L’alternance au pouvoir entre néolibéraux pour que rien ne change, sinon en pire, n’est plus une fatalité
La troisième
bonne chose, c’est qu’en quelques semaines, les primaires,
présentées dans tous les médias, pendant des mois, comme des moments décisifs
pour que les citoyens le plus proches des « partis de gouvernement »,
pour un ou deux euros, décident d’avance qui à droite ou qui à gauche serait le
futur président, ont tourné à la farce.
Aux Etats-Unis, où ce système est en place depuis très
longtemps, afin de rendre impossible l’élection d’un président non adoubé par
les deux grands partis dominants et les lobbies et sponsors qui vont avec,
c’est un dénouement tragique qu’ont connu les primaires, avec l’élimination du
« socialiste » Sanders, conduisant ensuite à l’élection de Trump face
à sa candidate rivale du monde des affaires.
En France, la droite avait déjà importé la primaire. Il s’agissait pour les dirigeants du PS de faire passer la
primaire de leur parti pour celle de toute la gauche. A droite, tout avait bien commencé : le père la morale et père
la rigueur Fillon en est sorti vainqueur, porteur d’un projet des plus
agressifs contre le monde du travail. Mais le voilà englué dans des ennuis
judiciaires à propos de rentrées financières familiales qui seraient dues à la
rémunération par l’argent public de travail à son service de parlementaire, travail dont l’existence est
mise en doute. Au PS, tout était prêt pour que Hollande, ou Valls, enfile le
costume du candidat « démocrate » à l’américaine. Mais le premier a
déclaré forfait tellement sa popularité est faible, et le second a été
sèchement éliminé. La victoire de Hamon, sur la base de propos peu complaisants
quant au bilan d’un quinquennat catastrophique, et de propositions peu
cohérentes mais non conformes au dogme austéritaire qui est celui du PS au
pouvoir, a confirmé que les électeurs socialistes aspirent eux aussi,
majoritairement, à ce que ça change. Aussitôt, le candidat
Europe-écologie-les-verts s’est désisté en sa faveur, contre l’avis d’une forte
proportion des militants de son parti, sans que ce ralliement booste
durablement le score du candidat du PS dans les sondages. C’était en effet ne
pas mesurer l’ampleur de la crise du PS ni sentir venir son éclatement :
beaucoup de ses parlementaires, de ses ministres et de ses dirigeants préfèrent
faire campagne pour Macron, lui
aussi ancien ministre de Hollande, qui se présente en électron libre, « ni
gauche ni droite », sachant emballer de formules creuses et ambigües des
mesures néo-libérales anti sociales inspirées par sa proximité avec le MEDEF et
les milieux financiers. Le candidat officiel du PS n’est donc pas en mesure de
rassembler pour être un possible présidentiable, pas même dans son parti, dont
la primaire n’a fait que révéler et accélérer le démantèlement. Dans tous les
pays européens, la social-démocratie qui applique, comme en France, une
politique néolibérale, le plus souvent en alliance avec la droite, est en
déclin.
L’illusion des primaires, inadaptées à un pays où la
résignation à l’alternance entre deux partis néolibéraux dominants rencontre de
la résistance, s’est dissipée. Parmi les quatre candidats présentés, selon les
enquêtes d’opinion, comme pouvant être présents au deuxième tour, trois avaient
refusé de tomber dans le piège des primaires.
Et seulement deux d’entre eux, dont Jean-Luc Mélenchon, ne sont pas l’objet
d’enquêtes judiciaires pour détournement de fonds publics (dans la plupart des
pays d’Europe, Fillon et Le Pen ne pourraient pas, en raison de telles
affaires, continuer d’être candidats).
Les instituts de sondage, qui ont publié des résultats
trompeurs avant l’élection présidentielle aux Etats-Unis, et avant les
primaires de la droite et du PS en France, ne sont pas plus fiables pour les élections
des 23 avril et 7 mai. En tout cas, il est évident qu’alors que 40% des
électeurs sont encore indécis, les scores estimés aujourd’hui pour les
candidats ne sauraient constituer une prédiction des résultats des élections. Il
est donc aussi aberrant en politique qu’en mathématique d'additionner des poucentages, qui plus est virtuels, pour échafauder d’hypothétiques et irréalistes combinaisons politiciennes à
l’ancienne.
Ce qui est vrai, et c’est la meilleure des choses, c’est que depuis la marche pour la sixième
république et les derniers débats télévisés, la dynamique jlm2017 continue de
progresser rapidement : ce n’est
pas seulement une réalité que les sondages d’opinion enregistrent, elle est
perceptible dans les contacts de proximité, notamment avec des jeunes, et avec
toutes les générations. Nous rencontrons des abstentionnistes, dégoûtés de la
politique depuis leur vote de 2012 trahi par le PS au pouvoir, et qui sont
comme nous inquiets des scores annoncés du FN. Les résultats des élections
dépendent d’eux. A nous de les convaincre, dans ces toutes dernières semaines,
que voter cette fois sera utile, et que le vote utile, c’est le vote Mélenchon.
(1) Pour
quelques camarades qui traînent encore les pieds. Je comprends que la dynamique « Mélenchon
– France Insoumise » bouscule les habitus des partis politiques. Mais ce
n’est pas Mélenchon qui est à l’origine de la crise de la politique, de
l’affaiblissement des partis, et pour ce qui nous importe ici, singulièrement de
ceux qui se réclament de la gauche et de l’émancipation humaine, dont le PCF. Ils
n’ont pourtant perdu ni leur légitimité ni leur utilité, comme organisations
productrices de projets de sociétés, forcément discordants, de grilles de
lecture du monde, forcément plurielles, à partir de leurs histoires, de leurs
corpus culturels et idéologiques, comme acteurs d’éducation et de mobilisations
populaires, comme composantes essentielles de la vie démocratique, avec
notamment leurs candidats et leurs élus. Mais la montée continue de l’abstention
aux élections, l’échec en quelques années du Front-de-gauche dans sa version
cartel de partis, l’hémorragie des forces militantes organisées dans les partis,
ne peuvent pas s’expliquer seulement par les désastres du dernier quinquennat
du PS au pouvoir et des erreurs tactiques, des égocentrismes
« partidaires ». Pour ce qui est du PCF, nous en avions beaucoup discuté
- ce n’était pas la première fois - dans
la préparation de l’avant dernier congrès, et le chantier des analyses et des
réformes de fond (révolution, refondation, reconstruction…les mots et les
polémiques n’ont jamais manqué ces 25 dernières années pour dire l’ampleur de
la tâche) est encore pour l’essentiel devant nous. Cent ans après la Révolution
d’octobre, il est plus que temps de tirer tous les enseignements de l’Histoire,
- de toute l’Histoire- du XXème siècle,
et du présent de notre XXIème siècle, pour qu’une visée et une organisation que
nous appelons communistes (re)fassent sens et (re)donnent envie de s’engager en
politique à un nombre plus grand de nos concitoyens. Que le succès de Mélenchon relance et stimule cette « révolution
inachevée » au PCF, ce serait une autre bonne chose à annoncer.
(2) « Place au peuple » =
populisme ? Je comprends qu’une perspective révolutionnaire, fût-elle
citoyenne et démocratique, passant par l’expression du suffrage universel,
puisse effrayer, surtout ceux qui ont, ou qui croient, détenir des pouvoirs ou
des « rentes de situation » dans le système. D’autant que c’est du
haut en bas de la pyramide institutionnelle, et dans toute la société, que la
monarchie présidentielle, ainsi que les méthodes de management des entreprises
marchandes étendues aussi aux services publics, diffusent leurs modèles de
fonctionnement autoritaire et antidémocratique. Mais agiter l’épouvantail du
« populisme » à propos de Mélenchon, c’est se tromper- ou tromper-
sur l’individu et sur l’époque. C’est
surtout passer à côté de la nécessité, au XXIème siècle, que le(s) peuple(s) se
construisent de manière démocratique, inclusive, émancipatrice, solidaire,
pacifique, contre les discours et les politiques des pseudo
« élites » dominantes au service du capitalisme mondialisé. C’est
laisser le champ libre à l’extrême droite qui, à l’opposé des valeurs et du
programme de Mélenchon, développe une conception exclusive, identitaire,
xénophobe, inégalitaire, raciste, belliqueuse, de la cause du (des) peuple(s), divisé(s) et d’autant plus soumis aux puissances aliénantes des dominants, du
capitalisme mondialisé, et de ses(leurs) propres fantasmes.
Le mot populiste, tel qu’utilisé pour désigner
qui se réclame du peuple, ou des intérêts
du peuple, ou qui veut faire « place au peuple », ce qui est
forcément démagogique et dangereux aux yeux des ennemis de la démocratie, c’est
le langage de ceux qui veulent brouiller les cartes, dénigrer Mélenchon et
banaliser le FN, pour que rien ne change, sinon en pire.
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