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Samedi 11 février, nous étions environ deux milliers à répondre à l'appel à nous rassembler à Bobigny, devant le tribunal, pour exiger vérité et justice pour Théo, pour toutes les victimes des violences policières.
A partir de 16h, et jusque vers 17h, le rassemblement, sous haute surveillance policière, s'est déroulé dans le calme. La jeunesse de Seine-Saint-Denis, dans sa diversité, constituait la majorité de la foule, dans laquelle se trouvaient aussi des mamans, des couples avec de très jeunes enfants, des membres, souvent nettement plus âgés, d'associations comme le MRAP ou la LDH, de syndicats, quelques élu-e-s et des militant-e-s du PCF, d'Ensemble, du PG, du PCOF...J'ai rencontré des habitantes de mon quartier de Nanterre, des camarades d'Ivry, de Bagneux, de Gennevilliers...
Quand des personnes, souvent très jeunes, extérieures au rassemblement, apparemment venues de cités de Bobigny, ont commencé à provoquer les policiers qui gardaient la passerelle d'accès au tribunal, la plupart des participants au rassemblement ont compris que la "marche blanche" "pacifique et respectueuse" annoncée ne pourrait pas avoir lieu, et ont commencé à partir. Vers 18h, je suis monté dans une rame de métro archi comble, à la gare Pablo Picasso, alors qu'à quelques centaines de mètres, bruits et fumées montaient : voilà hélas ce que les médias mettront à la une...
Comme le montre la vidéo ci-dessous, captée depuis le coeur du rassemblement où les prises de parole étaient bien audibles, la colère est vive, l'exigence que les policiers criminels et racistes soient chassés de la police et jugés comme des criminels, la revendication politique que la loi permette de réglementer - ou interdire ! - les contrôles au faciès, expliquée par le porte-parole du Mouvement de la jeunesse communiste (lire le communiqué du MJCF), sont, avec l'expression de la solidarité avec Théo et sa famille, avec toutes les victimes, les plus reprises. L'appel à ne pas tomber dans le piège des provocations et de la violence aveugle autodestructrice, mais à rejoindre et renforcer les associations qui agissent au quotidien est insistant. L'inquiétude est perceptible chez les orateurs.
Deux poids deux mesures ...
Des lourdes condamnations à des peines de prison viennent en effet de frapper des jeunes de quartiers de Seine-Saint-Denis, alors que la police fait corps pour défendre ceux des leurs qui sont accusés d'actes de torture et de viol. Et les tentatives de minimiser les actes racistes et criminels ne viennent pas seulement du syndicat très droitier "Alliance" : c'est un syndicaliste FO-police qui a considéré qu'appeler un jeune "bamboula" serait acceptable. Ni sa rétractation, ni la réprobation du Ministre de l'Intérieur, ni la visite très médiatisée du Président de la République au chevet de Théo, ne sauraient apaiser la colère : une quinzaine de jeunes sont morts suite à des brutalités policières ces dernières années, sans que justice soit faite, sans que rien ne soit fait pour empêcher les contrôles au faciès qui sont très souvent à l'origine des violences et des drames.
Le gouvernement continuateur de la politique Hollande-Valls continue à jouer avec le feu, tandis que l'extrême droite souffle sur la braise, espérant tirer profit politique d'un nouvel enflammement des banlieues. Le malaise dans la police s'est accru et les manifestations récentes de policiers sont nées, avec l'instrumentalisation des "forces de l'ordre" depuis le vote de l'état d'urgence, avec la répression du mouvement social qui est montée encore d'un cran lors des manifestations contre la loi de casse du code du travail...Mais la fronde des policiers -légitime quant aux conditions et au sens de leur travail-, est facilement récupérable par l'extrême droite. D'autant plus que l'idéologie portée par la plupart des "politiques" et des médias stigmatise une partie de la population - jeunes de banlieue, immigrés, musulmans...mais aussi salariés en lutte - et que l' "imposture sécuritaire" (1) banalise des décrets, lois et pratiques administratives qui passent outre les droits et libertés, au nom d'un état de guerre, ce qui provoque une montée du racisme et de la xénophobie.
Le lien de confiance avec la "police qui protège" est une nouvelle fois rompu dans des quartiers populaires, comme il l'a été au printemps chez les manifestants, "gazés", voire tabassés puis condamnés en comparution immédiate, chez les participants aux "Nuits debout", les citoyens poursuivis pour aide aux migrants... C'est ce qu'illustre le provocateur "tout le monde déteste la police", clamé hier par une foule où étaient brandies des pancartes exigeant une police républicaine et irréprochable.
Comment éviter que cette situation ô combien dangereuse ne débouche sur le pire ?
Les organisations - associations contre le racisme, syndicats, forces de la gauche d'alternative - devraient à mon avis repenser l'articulation entre les luttes de classe et les luttes des victimes du racisme et des discriminations institutionnelles, notamment des jeunes des quartiers populaires.
Quand on écoute des personnes "racisées" dire leur souffrance, leur révolte, on ne peut que se rendre compte combien la phobie du "communautarisme", qui imprègne textes et discours politiques "de gauche", empêche de penser et de mettre en pratique des luttes et de construire des perspectives communes dans notre société du XXI ème siècle. Hier, des personnes ont parlé au nom d'associations d'Africains, au nom de la Brigade contre la négrophobie, d'autres ont rappelé leur identité franco-algérienne...Aucun de leurs appels n'était exclusifs, tous ont salué au contraire la présence de nombreux citoyens qui ne vivent pas personnellement les contrôles au faciès et autres manifestations du racisme "ordinaire" et institutionnel.
Des initiatives comme la marche du 19 mars pour la dignité et la justice, qui clôturera aussi les semaines anticoloniales et antiracistes 2017, seront des moments forts pour construire du commun.
(1) lire le compte rendu de la conférence débat organisée le 9 décembre dernier à Nanterre par le comité local du MRAP, autour du livre de Vincent Sizaire : Sortir de l'imposture sécuritaire.
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