L’entrée
du foyer COALLIA, au 29 rue Nationale, à Boulogne-Billancourt, porte les
marques du sinistre. Dans la nuit de jeudi 15 à vendredi 16 décembre, l’incendie
criminel a coûté la vie à Oussi Traoré, travailleur malien d’une quarantaine
d’années, a fait quatre blessés graves, et au moins neuf autres victimes,
souffrant de brûlures ou d’intoxication par la fumée.
Sur
la façade, une banderole défraîchie rappelle que les résidents sont en grève
des loyers, depuis plus de six mois : mais le gestionnaire continue à
faire la sourde oreille à leurs revendications, qui touchent à des questions de
sécurité…
Une
odeur âcre saisit encore la gorge, quand on passe entre les murs calcinés. La
porte bleue du gardien, flambant neuve, a été remplacée très vite :
sécurité, sans doute, oblige…
C’est au-dessus de l’extincteur, visiblement tout
récemment accroché, dans l’angle, au fond, qu’était depuis peu une caméra de
surveillance. Un délégué m’explique qu’elle a été enlevée quelques jours avant
l’incendie.
C’est un des faits troublants, et il y en a d’autres. Pourquoi la
porte d’entrée, ouverte jour et nuit à tout venant, était-elle bloquée cette
nuit-là ? Pourquoi le gardien avait-t-il enlevé toutes ses affaires du
bureau deux ou trois jours avant ? Pourquoi l’alarme n’a-t-elle pas
fonctionné ? Pourquoi les pompiers ont-ils mis longtemps à arriver – une heure,
affirment des témoins ?
Chercher à qui le crime profite
La demande est unanime
qu’un juge d’instruction soit nommé rapidement, pour que les avocats aient accès au
dossier, pour que l’enquête soit menée sérieusement. Les résidents, les
délégués, les citoyens qui viennent régulièrement au foyer, par exemple pour
donner des cours de français, démentent catégoriquement le communiqué
calomnieux du Ministère de l’Intérieur, qui, quelques heures seulement après le
drame, décrivait ce lieu comme un repère de trafiquants, où rixes et violences
seraient fréquentes. L’accusation, venue de la même source, présentant un des
résidents blessés comme l’auteur de l’incendie, soulève l’indignation.
« Il faut chercher à qui le crime profite », répète-t-on sans cesse,
et son ou ses auteurs, ses éventuels commanditaires, doivent être démasqués et
jugés. L’hypothèse d’un crime raciste, que le Ministère de l’Intérieur s’est
empressé d’écarter, n’a pourtant rien d’invraisemblable, dans le contexte de
montée de haine et de violences xénophobes et racistes, anti-immigrés et
antimusulmans.
En
attendant, la colère est vive, et elle cible le maire, qui n’est même pas
venu présenter ses condoléances ; les autorités municipales et
préfectorales qui étaient récemment venus visiter le foyer sans daigner
rencontrer les délégués ; le ministère et les médias qui ont relayé sa
déclaration odieuse, de nature à alimenter le racisme et la xénophobie ; les
promoteurs immobiliers pour qui le foyer fait tâche dans un quartier sur où se construisent des immeubles de standing …Mais
c’est surtout COALLIA qui est montré du doigt par tout le monde.
Pourrir la vie des résidents pour les faire partir
Depuis
que l’entreprise tentaculaire a fait main basse sur le foyer, en 2011, rien ne
va plus. Les délégués, porteurs des revendications des résidents, sont
méprisés. Pourtant la loi oblige à tenir des réunions avec eux, surtout quand
il s’agit de travaux urgents touchant à la santé et à la sécurité. Mais on met
beaucoup de temps à réparer l’électricité, et même à colmater une fuite de gaz,
ou à assurer la fermeture de la porte d’entrée... Quant à assainir les murs, à se
débarrasser de cafards et de rongeurs, ou à remettre en marche les ascenseurs,
si nécessaires pour les retraités les plus âgés, on attend toujours, depuis des
mois, des années. Ces très graves négligences, outre le mépris du bien-être des
résidents qu’elles dénotent, constituent, surtout après l’incendie meurtrier,
pour certaines d’entre elles, des mises
en danger de la vie d’autrui.
Elles ont motivé une grève des loyers, observée
par tous les résidents, depuis plus de six mois : une durée anormalement
longue, car dans ce genre de conflit le gestionnaire accepte habituellement de
négocier beaucoup plus rapidement. Une manifestation avait trouvé porte
également close à la mairie…
Après la fermeture par la police, au début de
l’été, de la cuisine collective, que les délégués demandaient en vain de mettre
« aux normes », sous prétexte, expliquent des résidents, qu’on y
aurait trouvé des « sacs de riz dont la date de consommation affichée
était dépassée de quelques jours », c’est maintenant la salle de prière,
d’autres espaces de vie collective qui sont dans le collimateur. Et puis il y a
les descentes de police, la chasse obsessionnelle aux
« sans-papiers » jusque dans les couloirs, faute de pouvoir légalement
violer le domicile privé qu’est la chambre. D’évidence on veut pourrir la vie
de ces travailleurs immigrés, en majorité maliens ou sénégalais, dont certains
habitent là depuis trente ou cinquante ans, après une carrière d’ouvriers dans
l’ancienne usine Renault-Billancourt.
Le
but semble évident : les faire partir, et transformer – comme dans de
nombreux autres endroits dans la région parisienne – ce foyer pour travailleurs
migrants, dont tout le monde s’accorde à dire qu’il a besoin d’une
réhabilitation, en « résidence sociale », conçue pour entasser des
personnes en situation précaire, faute de construction sociale pour les plus
démunis. Le maire a dit et écrit qu’il fallait démolir le foyer, et les élus
municipaux restent très flous quant à savoir où il pourrait être reconstruit et
à qui il serait destiné. Une politique nationale, qui en définitive ne répond
de manière satisfaisante aux besoins de personne, dénoncée par le Collectif
pour l’avenir des foyers (COPAF), mais qui assure à des gestionnaires comme
COALLIA des rentrées juteuses d’argent public.
Un élan grandissant de solidarité
C’est donc pour exiger
justice pour Oussi Traoré, pour exprimer solidarité avec toutes les victimes et
soutien à toutes les personnes vivant dans le foyer, pour exiger que COALLIA
négocie avec les délégués des résidents en lutte, et réalise les travaux
d’urgence, pour déjouer les plans de tous ceux qui voudraient détruire le foyer
et chasser les immigrés qui y sont logés, que plusieurs centaines de personnes
ont répondu, dès dimanche, à un premier appel à la mobilisation lancé par le
COPAF.
L’affluence était telle que la réunion, commencée dans la grande salle
commune, a dû se poursuivre dehors, dans la vaste cour.
Elle
s’est terminée par un appel commun à une manifestation, qui s’annonce déjà
puissante, le mardi 10 janvier (rendez-vous dès 17h au foyer, pour se diriger
vers la mairie puis la sous-préfecture)
Ecouter les prises de parole :
Pierre Gaborit, c.m. socialiste |
Me Pascal Winter |
4.
COPAF
Geneviève Pétauton, présidente du COPAF |
Jean-Baptiste Eyraud |
Mamadou Baradji, délégué régional des résidents COALLIA |
Vincent Guibert, c.m. PS |
Annie Lahmer, Conseillère régionale EELV |
Daniéle Simonnet, Conseillèr de Paris, PG |
Benoit Martin, secrétaire générale de l'UD CGT Paris |
Isabelle Goïtia, PCF |
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