(Note rédigée en octobre
2016, en vue de la rencontre européenne Solidacities, organisée le 18 octobre au
siège du Parlement européen à Bruxelles à l’initiative du groupe GUE/NGL)
Partant
de la situation dans les Hauts-de-Seine, je voudrais alerter sur les conditions
d’accueil des demandeurs d’asile, sur le sort des déboutés devenus sans
papiers, et sur celui des réfugiés, dans la banlieue parisienne.
La solidarité, autour d’hébergements d’urgence improvisés
Depuis l’été 2015, au fur et à
mesure des démantèlements de campements et squats dans les 13ème,
18éme, 19ème arrondissements de Paris, plusieurs centaines de
migrants voulant demander l’asile en France sont amenés dans plusieurs villes du
département par les services de la Préfecture de police, dans des hébergements
d’urgence improvisés, dont la gestion a été confiée sous contrat à des sociétés
habilitées par l’Etat : ADOMA, AURORE… A Gennevilliers, à Colombes,
dans des foyers pour travailleurs migrants désaffectés, dont la démolition ou
la réaffectation était programmée ; à Nanterre, situation particulière, au
CHAPSA du CASH (1), dans des locaux gérés par le Préfet de police, normalement destinés
à accueillir pour une nuitée des personnes SDF de Paris ; à
Boulogne-Billancourt, dans un ancien foyer pour salariés de La Poste ; à
Clichy-le-Garenne ; à Clamart…. Ensuite à Bourg-la-Reine, où onze chambres
ont été aménagées dans une pouponnière désaffectée, appartenant à la ville de
Paris, pour accueillir depuis le mois de mai des femmes isolées, enceintes ou
avec de jeunes enfants. Enfin, des bâtiments mis à disposition par le Conseil
départemental, à Suresnes et à Villeneuve-la-Garenne, se remplissent.
Nous n’avons pas à ce jour
dans le département de ces violentes manifestations de rejet xénophobe,
orchestrées par des élus et des partis de droite et d’extrême droite, comme à
Louveciennes, dans les Yvelines…ou à Béziers. Sans doute parce que les propriétaires des
villas cossues de Neuilly-sur-Seine ou les châtelains des coteaux de
Saint-Cloud ne se sentent pas concernés. En effet, les arrivants sont placés surtout
dans des quartiers populaires où la population immigrée est déjà importante, dans
des villes dont la plupart ont fait partie de la ceinture ouvrière et rouge de
la capitale : même dans celles où, depuis, l’étiquette politique des élus
a changé, ainsi que la composition sociologique des habitants, il en reste
quand même encore quelques valeurs de solidarité dans une partie de la
population.
Dès l’été 2015 la solidarité a
donc commencé à se construire. Pour simplifier, trois modes
d’organisation sont apparus dans l’urgence :
-
A Gennevilliers, la Municipalité à majorité
PCF-Front de gauche, anime un comité de soutien, qui regroupe une dizaine
d’associations, de nombreux bénévoles, pleinement soutenus par le CCAS, les
centres de santé…en relation avec les travailleurs sociaux du foyer ADOMA. A
noter l’implication de l’HAMAP. A remarquer au passage, à l’autre bout du
département, à Bourg-la-Reine, ville beaucoup plus « bourgeoise » l’aide
d’une association, active elle aussi dans les circuits courts et solidaires
pour une alimentation de qualité …
-
A Nanterre, ville gérée par une municipalité d’union
de la gauche, où la tradition communiste est forte, un collectif d’une
vingtaine d’organisations, constitué d’abord pour 95 hébergés au CASH en août
2015, a son autonomie, en relation avec la Municipalité, qui soutient ses
initiatives et en développe d’autres, avec la participation du CCAS. Le Secours
catholique est l’association la plus active dans l’humanitaire, et c’est le
principal interlocuteur local des institutions. Le réseau de solidarité associe
celui, voisin, de Colombes, qui n’a pas le soutien de sa Municipalité de
droite.
Le réseau des 6 (7 avec celui de Colombes)
centres sociaux et culturels, avec ses salariés et ses bénévoles, est impliqué,
associant les demandeurs d’asile, en hébergement d’urgence ou en CADA, à leurs
activités. A Nanterre le nombre total de demandeurs d’asile est estimé à ce
jour à plus de 300.
-
A Boulogne-Billancourt, le maire de droite qui
disait vouloir accueillir des chrétiens mais pas des musulmans, s’est vu
imposer par le préfet 138 arrivants, sans préférence confessionnelle, dans sa
ville. La société gestionnaire s’est
très vite ouverte à plusieurs dizaines de citoyens bénévoles, engagés ou pas
dans des organisations associatives, syndicales ou politiques, sans aide
municipale.
Dans d’autres villes, comme
Bagneux ou Malakoff, la présence des arrivants est plus diffuse, dans des
hôtels sociaux, ou chez des connaissances, chez des habitants
volontaires : l’aide des élus, des services de la ville, d’associations,
est plus individualisé, et pas plus facile.
Partout,
les besoins sont énormes : apprentissage du français, aide aux démarches
administratives et de santé, vêtements, déplacements, activités sportives et
culturelles, achat de nourriture et confection de repas… Avant
l’enregistrement de la demande d’asile, le pécule de quatre euros par jour,
versé à ceux qui sont dans des hébergements d’urgence dédiés, ne permet pas de
survivre : seuls la solidarité, le travail bénévole des militant-e-s
associatifs, l’engagement de quelques municipalités, permettent de tenir.
Parvenir au Guichet Unique de la préfecture et de l’OFII, c’est un
long parcours, éprouvant et humiliant.
Lire
la suite
Comme toutes les préfectures,
celle des Hauts-de-Seine a passé contrat avec un prestataire de services, en
l’occurrence l’entreprise privée FACEM, pour ouvrir le seul point pour le Pré-accueil
(PPA) du département, sur la base au départ, en 2015, de 7-9 pré-enregistrements
par jour. Aujourd’hui, c’est une vingtaine en moyenne, mais cela dépend de la
capacité au jour le jour de la préfecture, qui donne le rythme, et elle ne
disposait début 2016 que de trois équivalents plein temps, à raison de six
dossiers par fonctionnaire et par jour : la note du Préfet de Région, en
avril 2016 (2), préconisait de créer un quatrième poste. Chaque lundi matin, entre
90 et 130 personnes attendent, dans une petite rue d’un quartier d’entreprises
et d’habitations de Nanterre, l’ouverture à 9 heures du pré-accueil. Environ la
moitié ont passé la nuit sur le trottoir, sans sanitaires, sans abris. Et quand
arrivent les soutiens, avec boissons chaudes et tartines, à 7h, la file est
déjà quasiment prête. Seuls les 10 ou les 30 premiers, on ne sait pas, seront
reçus. Les autres devront revenir dans les mêmes conditions, le mardi, le
mercredi, le jeudi…voire la semaine d’après. Certains, complètement démunis,
campent plusieurs jours dans le quartier ; des habitants, des commerçants
se plaignent ; une association propose d’organiser des tournées de soupe
avec des jeunes du quartier.
Mais la situation à la
préfecture de Nanterre, n’est pas, on le sait, la pire. A Paris, par exemple,
c’est un mois et demie d’attente, selon la Préfecture, 4 mois, selon la CIMADE,
avant d’accéder au PPA.
La délégation du pré-accueil à
un prestataire extérieur, c’est une ruse, pour éloigner des préfectures tout
incident, toute tension, que les salariés du pré accueil sont chargés de tenter
d’amortir. C’est une ruse pour tenir – en apparence – le délai de trois jours
auquel l’Etat est engagé légalement pour que le demandeur soit reçu au Guichet
Unique : les jours, les semaines, les mois avant d’obtenir un numéro au
pré accueil ne comptent pas ! Et pas possible d’accéder à la moindre aide
sociale, sans en passer par là ! De plus, l’engorgement des Guichets
Uniques, l’embolie du dispositif d’accueil, provoque une difficulté à suivre
les dossiers des publics en cours de procédure, pour leur domiciliation
administrative, leur suivi social, leur accès aux aides… malgré, dit le Préfet
de région, des moyens exceptionnels mis par les préfectures et l’OFII, qui ne
sauraient se prolonger sans risques de dégrader d’autres missions
(renouvellements, attestations, demandes de réexamen…).
La situation ne peut
qu’empirer : c’est ce que révélait déjà en avril la directive régionale
d’orientation sur l’asile en Île de France (2). Ses prévisions étaient de 100 000
demandeurs d’asile en France en 2016, dont 40% en Île de France (+ 20% sur
2015). Dans les Hauts-de-Seine, la capacité d’accueil contractuelle annuelle de
la FACEM est de 1595 premiers accueils par an ; en 2015, il y avait 2650
demandeurs d’asile (1360 en 2014). La capacité à anticiper pour 2016 était de 3500 (par comparaison, il fallait
anticiper 14 000 pré accueils à Paris, en 2016, contre 9159 en 2015.). Outre
qu’il est plus que douteux que les préconisations aient été suivies d’effet
concernant les créations de postes dans les préfectures, toutes les prévisions,
à peine écrites, étaient déjà dépassées, et pas seulement parce qu’elles ne
prenaient pas en compte les conséquences du démantèlement annoncé pour fin
octobre du bidonville de Calais !
La saturation du dispositif d’hébergement
Le dispositif d’hébergement
d’urgence de droit commun est saturé. Les centres d’hébergement spécifiques aux
migrants aussi. Or les démantèlements de « campements de rue » se
succèdent. En avril, le besoin estimé par le préfet de région était de 3000
places, en 56 centres répartis dans 8 départements. Dans les Hauts-de-Seine, où
900 sont hébergés, il faut trouver une centaine de places supplémentaires. Saluons
l’ouverture annoncée par la ville de Paris pour la mi-octobre des 400 puis 600
places à terme dans le site d’accueil, orientation et hébergement transitoire
du 18 éme arrondissement, et celle, prévue en décembre, des 400 places, dont
200 pour des femmes isolées, à Ivry, en partenariat avec la municipalité. Mais
on est encore loin du compte.
Fin 2015, il y avait 8855
places en CADA et hôtels (HUDA), soit une place pour 4 demandeurs d’asile (qui
étaient parvenus au guichet Unique des préfectures). Dans les Hauts-de-Seine,
452 pour 2650 demandeurs d’asile à la même date. En avril 2016, 1200 personnes
orientables en CADA étaient maintenues, faute de place, dans des centres
d’hébergement d’urgence dédiés aux migrants en Île de France. Selon la CIMADE,
elles étaient 7000 en août 2016. Les préconisations du préfet de région en
avril étaient d’atteindre « l’objectif d’au moins 750 propositions de
nouvelles places pour 2016 », et d’orienter le plus grand nombre hors Île
de France : 300 à 400 par mois. Encore faudrait-il, sur le plan national,
que des constructions suivent… Et le risque est que des demandeurs d’asile qui
peuvent avoir choisi la région parisienne parce qu’ils y ont de la famille ou
des proches, refusent de partir en province, perdant de ce fait les droits et
prestations liés à leur hébergement en CADA.
Le malaise des travailleurs de la demande d’asile
« Je voudrais créer du lien avec des associations qui seront plus à
même que moi de pouvoir répondre à la demande des personnes que je reçois. Les
principaux besoins exprimés sont manger, se vêtir et un lieu où dormir... Tout
passe par le 115 qui lui aussi est débordé... Comment trouver des
solutions ? Comment avancer ensemble dans l'intérêt des demandeurs d'asile
reçus... » écrivait une travailleuse sociale il y a une dizaine de jours à un réseau
associatif des Hauts-de-Seine.
Une autre, salariée dans une CADA, nous
envoyait un article publié sur le site de France info le 11 octobre (3) avec ce
commentaire : « ils ne sont pas dans les Hauts de Seine, mais ils
disent ce qu’on ressent tous » : on y lit en titre : « Tout est fait pour décourager les
gens » : le malaise des travailleurs de la demande d’asile. Rythmes
infernaux, manque de moyens, violences…en Île de France les travailleurs du
secteur de la demande d’asile ont créé un collectif pour protester contre leurs
conditions de travail. » Une grève, des manifestations sont déjà à son
actif. « On essaye de démotiver les
gens, de les faire abandonner leur demande d’asile », y témoignent
plusieurs travailleurs dans des plate-forme de pré-accueil : c’est surtout
la perte de sens de leur métier qui provoque souffrance au travail, burn-out,
ruptures conventionnelles, turn-over très élevé.
C’est à tous les niveaux du système que
des situations sont inextricables à cause du manque de moyens, de temps, pour
l’accueil, le suivi, l’aide à construire des dossiers. Elles le sont aussi à
cause de lois, règlements et directives contraires aux droits humains.
Incertitude et angoisse pour le sort des « dublinés »
La situation d’une vingtaine
de demandeurs d’asile, majoritairement soudanais, bloqués de l’été 2015 au
printemps 2016 au CASH de Nanterre parce que leurs empreintes digitales avaient
été prises en Italie, a particulièrement mobilisé les soutiens. Le préfet a
répondu le 15 mars à une interpellation écrite faite deux mois avant par la
Sénatrice Brigitte Gonthier- Maurin :
« ils ne peuvent effectuer leur demande d’asile sur le territoire
français. Lorsque les autorités des pays d’entrée sont saisies, elles disposent
de 6 mois pour accepter ou refuser le demandeur d’asile, ce délai ne démarrant
qu’à l’acceptation du pays de première entrée. A défaut et à l’issue de ces six
mois, nous sommes tenus d’accueillir leur demande d’asile ». Ensuite,
il nous a été répondu oralement que l’absence de réponse valait acceptation de
la part du pays de première entrée dans l’espace Schengen. Malgré tout,
accompagnés en préfecture, la plupart de ces dublinés, présents depuis 8 mois,
ont finalement pu déposer leur demande d’asile.
Mais aujourd’hui, le nombre de
victimes des accords de Dublin a considérablement augmenté, à Paris (plus de 60
% des demandeurs dès fin 2015), et parmi les évacués des campements parisiens
qui arrivent dans les Hauts-de-Seine. La directive régionale d’orientation sur
l’asile d’avril 2016 ne fait pas mention du délai de six mois. Elle ne fait
état que de la remise d’une attestation de demande d’asile valable un mois,
puis renouvelable par périodes de quatre mois, « jusqu’au départ effectif
de l’intéressé vers l’Etat membre responsable ». Pour l’entretien
« Dublin » individuel avec le demandeur d’asile, le recours mutualisé
des préfectures à un service d’interprètes agréés travaillant par téléphone est
préconisé, par mesure d’économie. Les départs contrôlés et sous escorte
(pourtant très couteux) doivent être préférés aux départs volontaires. La
volonté de libérer des places dans les centres d’hébergement d’urgence en
poussant à partir les dublinés par tous les moyens – y compris en les piégeant
pour les mettre en faute par rapport à des législations, règlements et
directives très complexes qui ne leur sont pas toujours bien expliqués - ne peut être
contrecarrée que par des suivis personnalisés et des batailles locales
acharnées.
Bien sûr, une mobilisation est
à construire, en France et en Europe, pour en finir avec les dispositions des
accords de Dublin qui empêchent de demander l’asile dans le pays de son choix,
en violation de la convention de Genève.
Les déboutés, sans domicile et sans papiers
L’OFPRA
et la CNDA avaient traité en 2015 : 79126 demandes d’asile, et
rendu des décisions favorables pour 31%
d’entre elles.
On le sait, ce taux est très
variable selon les nationalités des demandeurs, de plus de 75 % pour les
Syriens à moins de 15 % en moyenne pour les nationalités africaines.
Pour
les 9 premiers mois de 2016, l’OFPRA a enregistré 62 282 demandes d’asile, (dont 46 828 premières
demandes, 5977 réexamens et 9457 mineurs accompagnés) (4)
Sur le total général,
Afrique :
24 207, dont 4221
Soudan ; 2786 RDC ; 2039 Guinée ; 1453 Nigéria ; 1289
Mali ; 1119 Erythrée
Asie : 19368, dont 4484 Afghanistan, 3987 Syrie ; 2356 Bangladesh ; 2056 Irak ; 2049 Sri
Lanka
Europe : 13 845,
dont 2310 Kosovo ; 1908 Russie.
Amérique : 5226, dont 4460 Haïtiens.
Dans les Hauts-de-Seine, beaucoup de
nationalités sont représentées parmi les demandeurs d’asile, mais la majorité de
ceux qui sont dans les centres d’hébergement d’urgence, et une très forte
proportion de celles et de ceux qui sont dans les CADA ont des nationalités
africaines. La probabilité pour que le plus grand nombre soit débouté est très
forte.
La directive régionale
d’orientation sur l’asile d’avril 2016 est claire : l’OQTF doit être
signifiée le plus vite possible, avec une offre d’aide au retour (vers
où ?), en même temps que la mise à la porte du CADA, et la reconduite à la
frontière doit être effective. Une note aux préfets, signée du Ministre de
l’Intérieur Bernard Cazeneuve, reçue le 19 septembre 2016 (5) est encore plus
pressante : il s’agit de libérer, dans la perspective du démantèlement du
bidonville de Calais, 9220 places d’hébergement qui seraient occupées par des personnes
en « présence indue ». « Engagement systématique d’une procédure
d’expulsion accélérée » à l’encontre des déboutés, « très grande
fermeté », « plein usage des mesures restrictives et de privations de
liberté », menace d’une « minoration budgétaire de la dotation des
CADA en cas de non-respect de ces objectifs » : telles sont les
consignes ! Mais qui peut croire que ceux qui ont demandé la protection de
la France accepteraient de retourner pour quelques centaines d’euros dans des
pays qu’ils ont fui ? Ou que la France peut réellement reconduire de force
des dizaines de milliers de personnes dans des contrées à feu et à sang, ou
dans des Etat tiers où les droits de la personne humaine, et en particulier
ceux des migrant-e-s, sont violés ?
Des cas de grande détresse
humaine en découlent. Par exemple, celui de cette victime de violences
terribles en RDC, et de ce fait gravement malade, mère d’un enfant scolarisé en
CE1 à Nanterre, mise à la porte du CADA, sans domicile et sans revenus, un mois
après le rejet de son recours par la CNDA. Elle a des chances d’obtenir un
titre de séjour pour soins médicaux, et même un espoir que le préfet révise la
décision si elle parvint à prouver qu’elle recherche activement deux autres de
ses enfants qu’elle n’a pas pu emmener dans sa fuite, et son mari, arrêté lui
aussi par la police de RDC. En attendant, le 115 lui avait d’abord trouvé une
chambre d’hôtel dans une lointaine banlieue, à 2 heures de transports de
l’école ; l’intervention des élus municipaux a permis qu’une place soit
trouvée à Nanterre. Toute la communauté éducative, des associations se mobilisent.
Ce n’est qu’un exemple, parmi sans doute plusieurs dizaines, connus ou
inconnus, et beaucoup plus à venir…
Pour la plupart des déboutés,
les possibilités d’obtenir un titre de séjour sont faibles. La circulaire du 28
novembre 2012, évoquée dans la directive régionale d’avril 2016, est totalement
inadaptée à ces personnes. Elle n’invite les préfets à accorder des admissions
exceptionnelles au séjour qu’à condition d’avoir un emploi en CDI payé au moins
au SMIC, de prouver 5 ans de présence sur le territoire, et pour les parents
d’élèves, 3 ans de scolarité de leur enfant en France.
Le préfet de région se
préoccupe d’estimations selon lesquelles 40% des personnes présentes dans les
22 500 places pérennes du dispositif d’hébergement d’urgence de droit
commun en Île-de-France seraient des ressortissants étrangers. Sa
préconisation : confier à un opérateur, doté de 15 équivalent temps plein,
d’un budget de 500 000 euros pour commencer, le contrôle de la régularité du
séjour des personnes hébergée par le 115…Le pire est devant nous !
Les réfugiés, dans une société en crise
La sortie du CADA est souvent
traumatisante aussi pour celles et ceux qui ont obtenu de l’OFPRA ou de la CNDA
un statut de réfugié-e-s. L’injonction à quitter l’hébergement laisse peu de
délai, et les directives ministérielle du 19 septembre concernent aussi les
réfugiés. La liste d’attente des demandeurs de logements sociaux est de
plusieurs milliers dans toutes les villes, et on ne peut obtenir un logement
qu’avec des revenus suffisants pour payer loyer et charges. Or, on connaît la
situation du marché de l’emploi, le chômage de masse. A cela s’ajoutent souvent
une maîtrise insuffisante du français, le fait de ne pas avoir eu le droit de
travailler – souvent pendant des années - en tant que demandeur d’asile, et presque
toujours les discriminations, celles des employeurs, et les discriminations
institutionnelles qui interdisent des professions aux non nationaux, que ce
soit dans la santé, le droit ou l’enseignement. Pourtant, une très grande
proportion des réfugiés exerçaient des métiers hautement qualifiés. « J’étais orthodontiste, à Pôle emploi
on me propose des heures de ménage », explique une réfugiée syrienne,
qui élève seule ses quatre enfants scolarisés, hébergée dans les
Hauts-de-Seine, à une élue de sa ville.
L’été 2015, une note
ministérielle, accompagnée d’un livret aux maires, promettait une aide de
l’Etat aux communes qui logeraient des réfugiés. Des villes des Hauts-de-Seine ont
réservé des logements, malgré le manque général de logements sociaux. Depuis
elles attendent toujours les réfugiés à loger. Et malheur au maire qui prend
l’initiative de loger une famille de réfugiés non envoyée par l’autorité
étatique : pas question alors d’aide de l’Etat !
Les quelques centaines de
places gérées sous l’autorité de l’OFII dans des dispositifs dédiés aux
réfugiés dans des centres provisoires d’hébergement en Île-de-France sont
évidemment loin de répondre aux besoins.
Le logement social hors
Île-de-France dans des zones ne connaissant pas de tension particulière du
marché du logement, comme le préconise le Préfet de région ? Sans doute des
expériences réussies dans certaines villes ou villages…Cependant, rares sont
ces zones où l’emploi, les services publics, ne sont pas sinistrés.
La crise, quelle crise ?
Je
déteste les expressions « crise des réfugiés », « crise des
migrants ».
Les souffrances, la
maltraitance des arrivants – demandeurs d’asile, réfugiés, migrants, homme,
femmes et enfants – c’est un des pires symptômes de la crise de notre société,
de notre civilisation, en France et en Europe.
On ne portera jamais assez
haut l’indignation devant la maltraitance criminelle des victimes des guerres,
des pillages, dont nos gouvernants, avec les prédateurs du capitalisme
mondialisé que leurs politiques favorisent, avec les dictateurs qu’ils
soutiennent, sont responsables.
L’Île-de-France, avec près de
12 millions d’habitants, serait incapable d’accueillir dignement quelques
dizaines de milliers de demandes d’asile ? le département des
Hauts-de-Seine, avec ses 1,5 millions d’habitants, d’en traiter humainement quelques milliers
?
Voilà qui en dit long aussi
sur l’incapacité, ou le refus, des actuels gouvernants de mener une politique qui
réponde aux besoins des plus démunis et du plus grand nombre des habitants, que
ce soit pour le logement, pour l’emploi ou pour la protection sociale. Et cela
dans un pays, dans une région, où tant de richesses sont produites, - en partie
par des travailleurs immigrés -, s’accumulent et circulent, dans un
département considéré comme bénéficiant d’une situation économique et sociale privilégiée
dans la métropole parisienne !
Les mesures prises par la
nouvelle majorité et la nouvelle présidence de droite de la Région, par exemple
la suppression des tarifs réduits dans les transports pour les migrants sans
titre de séjour, aggravent les difficultés au quotidien.
Je
déteste les discours qui font le tri entre les réfugiés et les migrants.
Bien sûr il faut exiger
l’application de la Convention de Genève, pour toutes les personnes qui relèvent
des critères pour obtenir le statut de réfugié. Leur droit est bafoué par l’Etat Français
comme par les autres Etats qui déterminent la politique de l’Union Européenne.
Ne faudrait-il pas établir
aussi des statuts de réfugiés économiques, de réfugiés environnementaux ?
La différence entre un
demandeur d’asile et un migrant économique, ou pour des raisons familiales,
privées, relève du droit international, de directives européennes et des
législations nationales. Mais ce n’est pas une différence de légitimité, de
bien fondé, de la migration et de la demande de régularisation administrative
du séjour. Les raisons peuvent en être aussi vitales pour le migrant qui n’est
pas demandeur d’asile ou a été débouté de sa demande, pour ses proches restés
au pays… Des migrants vivent, travaillent, étudient en France depuis des
années, et une accumulation de lois, de décrets, de circulaires, en fait des
sans-papiers. Leurs logiques xénophobes, suspicieuses et répressives,
l’obsession du chiffre de reconduites à la frontière, imprègnent également la
loi de juillet 2015 sur le droit d’asile, les circulaires qui en découlent, les
pratiques de l’administration d’Etat, ainsi que la tonalité de discours
électoraux. Comment cela ne pèserait-il pas aussi sur les décisions de l’OFPRA
et de la CNDA ?
Il y a des déboutés du droit
d’asile parmi les travailleurs sans papiers qui se sont mis en grève en 2009
dans la région parisienne, en 2013 dans les Hauts-de-Seine, et aujourd’hui à
Paris et dans les Yvelines. Egalement parmi les familles défendues par le
Réseau Education Sans Frontières. Des membres des collectifs de sans- papiers,
comme SP92, en sont aussi. On trouve souvent les mêmes organisations, les mêmes
citoyens, pour soutenir les demandeurs d’asile et soutenir les luttes des autres
immigrants et immigrés.
L’accueil
des nouveaux arrivants et l’action pour les droits des arrivés depuis des
années, c’est le même engagement,
expliquait en substance à la Fête de l’Humanité une salariée d’une association
gestionnaire d’une CADA, à l’occasion d’un débat et d’un parrainage de
sans-papiers des Hauts-de-Seine qui ont reçu des OQTF, car beaucoup de
demandeurs d’asile deviennent des sans-papiers, après des semaines, voire des
mois à la rue, puis des mois, voire des années de procédures. Ses propos, son appel à travailler, à agir
ensemble, seront ma conclusion.
(2) Directive
régionale d’orientation sur l’asile, Région Île de France. Préfecture de police
de Paris/ Préfet de la Région Île-de-France. Avril 2016. Document non
disponible sur le WEB.
(4) OFPRA.
La demande de protection internationale par nationalité. Données provisoires au
7.10.2016.
(5) L’Humanité
du 10 octobre 2016
-
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire