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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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Nanterre en colère

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En 2017, changeons la politique !

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mercredi 19 octobre 2016

De la maltraitance des arrivants



Initiative hebdomadaire de soutiens bénévoles, avec le Secours catholique, le
MRAP,  au petit matin, devant la Plate-forme de Pré-Accueil départementale,

rue Ernest Renan, à Nanterre, au petit matin, chaque lundi.

(Note rédigée en octobre 2016, en vue de la rencontre européenne Solidacities, organisée le 18 octobre au siège du Parlement européen à Bruxelles à l’initiative du groupe GUE/NGL)

Partant de la situation dans les Hauts-de-Seine, je voudrais alerter sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, sur le sort des déboutés devenus sans papiers, et sur celui des réfugiés, dans la banlieue parisienne.

La solidarité, autour d’hébergements d’urgence improvisés

Depuis l’été 2015, au fur et à mesure des démantèlements de campements et squats dans les 13ème, 18éme, 19ème arrondissements de Paris, plusieurs centaines de migrants voulant demander l’asile en France sont amenés dans plusieurs villes du département par les services de la Préfecture de police, dans des hébergements d’urgence improvisés, dont la gestion a été confiée sous contrat à des sociétés habilitées par l’Etat : ADOMA,  AURORE… A Gennevilliers, à Colombes, dans des foyers pour travailleurs migrants désaffectés, dont la démolition ou la réaffectation était programmée ; à Nanterre, situation particulière, au CHAPSA du CASH (1), dans des locaux gérés par le Préfet de police, normalement destinés à accueillir pour une nuitée des personnes SDF de Paris ; à Boulogne-Billancourt, dans un ancien foyer pour salariés de La Poste ; à Clichy-le-Garenne ; à Clamart…. Ensuite à Bourg-la-Reine, où onze chambres ont été aménagées dans une pouponnière désaffectée, appartenant à la ville de Paris, pour accueillir depuis le mois de mai des femmes isolées, enceintes ou avec de jeunes enfants. Enfin, des bâtiments mis à disposition par le Conseil départemental, à Suresnes et à Villeneuve-la-Garenne, se remplissent.

Nous n’avons pas à ce jour dans le département de ces violentes manifestations de rejet xénophobe, orchestrées par des élus et des partis de droite et d’extrême droite, comme à Louveciennes, dans les Yvelines…ou à Béziers.  Sans doute parce que les propriétaires des villas cossues de Neuilly-sur-Seine ou les châtelains des coteaux de Saint-Cloud ne se sentent pas concernés. En effet, les arrivants sont placés surtout dans des quartiers populaires où la population immigrée est déjà importante, dans des villes dont la plupart ont fait partie de la ceinture ouvrière et rouge de la capitale : même dans celles où, depuis, l’étiquette politique des élus a changé, ainsi que la composition sociologique des habitants, il en reste quand même encore quelques valeurs de solidarité dans une partie de la population.

Dès l’été 2015 la solidarité a donc commencé à se construire. Pour simplifier, trois modes d’organisation sont apparus dans l’urgence :

-          A Gennevilliers, la Municipalité à majorité PCF-Front de gauche, anime un comité de soutien, qui regroupe une dizaine d’associations, de nombreux bénévoles, pleinement soutenus par le CCAS, les centres de santé…en relation avec les travailleurs sociaux du foyer ADOMA. A noter l’implication de l’HAMAP. A remarquer au passage, à l’autre bout du département, à Bourg-la-Reine, ville beaucoup plus « bourgeoise » l’aide d’une association, active elle aussi dans les circuits courts et solidaires pour une alimentation de qualité …

-          A Nanterre, ville gérée par une municipalité d’union de la gauche, où la tradition communiste est forte, un collectif d’une vingtaine d’organisations, constitué d’abord pour 95 hébergés au CASH en août 2015, a son autonomie, en relation avec la Municipalité, qui soutient ses initiatives et en développe d’autres, avec la participation du CCAS. Le Secours catholique est l’association la plus active dans l’humanitaire, et c’est le principal interlocuteur local des institutions. Le réseau de solidarité associe celui, voisin, de Colombes, qui n’a pas le soutien de sa Municipalité de droite.
 Le réseau des 6 (7 avec celui de Colombes) centres sociaux et culturels, avec ses salariés et ses bénévoles, est impliqué, associant les demandeurs d’asile, en hébergement d’urgence ou en CADA, à leurs activités. A Nanterre le nombre total de demandeurs d’asile est estimé à ce jour à plus de 300.

-          A Boulogne-Billancourt, le maire de droite qui disait vouloir accueillir des chrétiens mais pas des musulmans, s’est vu imposer par le préfet 138 arrivants, sans préférence confessionnelle, dans sa ville.   La société gestionnaire s’est très vite ouverte à plusieurs dizaines de citoyens bénévoles, engagés ou pas dans des organisations associatives, syndicales ou politiques, sans aide municipale. 

Dans d’autres villes, comme Bagneux ou Malakoff, la présence des arrivants est plus diffuse, dans des hôtels sociaux, ou chez des connaissances, chez des habitants volontaires : l’aide des élus, des services de la ville, d’associations, est plus individualisé, et pas plus facile.

Partout, les besoins sont énormes : apprentissage du français, aide aux démarches administratives et de santé, vêtements, déplacements, activités sportives et culturelles, achat de nourriture et confection de repas… Avant l’enregistrement de la demande d’asile, le pécule de quatre euros par jour, versé à ceux qui sont dans des hébergements d’urgence dédiés, ne permet pas de survivre : seuls la solidarité, le travail bénévole des militant-e-s associatifs, l’engagement de quelques municipalités, permettent de tenir.

Parvenir au Guichet Unique de la préfecture et de l’OFII, c’est un long parcours, éprouvant et humiliant.

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Comme toutes les préfectures, celle des Hauts-de-Seine a passé contrat avec un prestataire de services, en l’occurrence l’entreprise privée FACEM, pour ouvrir le seul point pour le Pré-accueil (PPA) du département, sur la base au départ, en 2015, de 7-9 pré-enregistrements par jour. Aujourd’hui, c’est une vingtaine en moyenne, mais cela dépend de la capacité au jour le jour de la préfecture, qui donne le rythme, et elle ne disposait début 2016 que de trois équivalents plein temps, à raison de six dossiers par fonctionnaire et par jour : la note du Préfet de Région, en avril 2016 (2), préconisait de créer un quatrième poste. Chaque lundi matin, entre 90 et 130 personnes attendent, dans une petite rue d’un quartier d’entreprises et d’habitations de Nanterre, l’ouverture à 9 heures du pré-accueil. Environ la moitié ont passé la nuit sur le trottoir, sans sanitaires, sans abris. Et quand arrivent les soutiens, avec boissons chaudes et tartines, à 7h, la file est déjà quasiment prête. Seuls les 10 ou les 30 premiers, on ne sait pas, seront reçus. Les autres devront revenir dans les mêmes conditions, le mardi, le mercredi, le jeudi…voire la semaine d’après. Certains, complètement démunis, campent plusieurs jours dans le quartier ; des habitants, des commerçants se plaignent ; une association propose d’organiser des tournées de soupe avec des jeunes du quartier.

Mais la situation à la préfecture de Nanterre, n’est pas, on le sait, la pire. A Paris, par exemple, c’est un mois et demie d’attente, selon la Préfecture, 4 mois, selon la CIMADE, avant d’accéder au PPA.

La délégation du pré-accueil à un prestataire extérieur, c’est une ruse, pour éloigner des préfectures tout incident, toute tension, que les salariés du pré accueil sont chargés de tenter d’amortir. C’est une ruse pour tenir – en apparence – le délai de trois jours auquel l’Etat est engagé légalement pour que le demandeur soit reçu au Guichet Unique : les jours, les semaines, les mois avant d’obtenir un numéro au pré accueil ne comptent pas ! Et pas possible d’accéder à la moindre aide sociale, sans en passer par là ! De plus, l’engorgement des Guichets Uniques, l’embolie du dispositif d’accueil, provoque une difficulté à suivre les dossiers des publics en cours de procédure, pour leur domiciliation administrative, leur suivi social, leur accès aux aides… malgré, dit le Préfet de région, des moyens exceptionnels mis par les préfectures et l’OFII, qui ne sauraient se prolonger sans risques de dégrader d’autres missions (renouvellements, attestations, demandes de réexamen…).

La situation ne peut qu’empirer : c’est ce que révélait déjà en avril la directive régionale d’orientation sur l’asile en Île de France (2).  Ses prévisions étaient de 100 000 demandeurs d’asile en France en 2016, dont 40% en Île de France (+ 20% sur 2015). Dans les Hauts-de-Seine, la capacité d’accueil contractuelle annuelle de la FACEM est de 1595 premiers accueils par an ; en 2015, il y avait 2650 demandeurs d’asile (1360 en 2014). La capacité à anticiper pour 2016 était de 3500 (par comparaison, il fallait anticiper 14 000 pré accueils à Paris, en 2016, contre 9159 en 2015.). Outre qu’il est plus que douteux que les préconisations aient été suivies d’effet concernant les créations de postes dans les préfectures, toutes les prévisions, à peine écrites, étaient déjà dépassées, et pas seulement parce qu’elles ne prenaient pas en compte les conséquences du démantèlement annoncé pour fin octobre du bidonville de Calais !

La saturation du dispositif d’hébergement

Le dispositif d’hébergement d’urgence de droit commun est saturé. Les centres d’hébergement spécifiques aux migrants aussi. Or les démantèlements de « campements de rue » se succèdent. En avril, le besoin estimé par le préfet de région était de 3000 places, en 56 centres répartis dans 8 départements. Dans les Hauts-de-Seine, où 900 sont hébergés, il faut trouver une centaine de places supplémentaires. Saluons l’ouverture annoncée par la ville de Paris pour la mi-octobre des 400 puis 600 places à terme dans le site d’accueil, orientation et hébergement transitoire du 18 éme arrondissement, et celle, prévue en décembre, des 400 places, dont 200 pour des femmes isolées, à Ivry, en partenariat avec la municipalité. Mais on est encore loin du compte.

Fin 2015, il y avait 8855 places en CADA et hôtels (HUDA), soit une place pour 4 demandeurs d’asile (qui étaient parvenus au guichet Unique des préfectures). Dans les Hauts-de-Seine, 452 pour 2650 demandeurs d’asile à la même date. En avril 2016, 1200 personnes orientables en CADA étaient maintenues, faute de place, dans des centres d’hébergement d’urgence dédiés aux migrants en Île de France. Selon la CIMADE, elles étaient 7000 en août 2016. Les préconisations du préfet de région en avril étaient d’atteindre « l’objectif d’au moins 750 propositions de nouvelles places pour 2016 », et d’orienter le plus grand nombre hors Île de France : 300 à 400 par mois. Encore faudrait-il, sur le plan national, que des constructions suivent… Et le risque est que des demandeurs d’asile qui peuvent avoir choisi la région parisienne parce qu’ils y ont de la famille ou des proches, refusent de partir en province, perdant de ce fait les droits et prestations liés à leur hébergement en CADA.

Le malaise des travailleurs de la demande d’asile

« Je voudrais créer du lien avec des associations qui seront plus à même que moi de pouvoir répondre à la demande des personnes que je reçois. Les principaux besoins exprimés sont manger, se vêtir et un lieu où dormir... Tout passe par le 115 qui lui aussi est débordé...  Comment trouver des solutions ? Comment avancer ensemble dans l'intérêt des demandeurs d'asile reçus... » écrivait une travailleuse sociale il y a une dizaine de jours à un réseau associatif des Hauts-de-Seine.

Une autre, salariée dans une CADA, nous envoyait un article publié sur le site de France info le 11 octobre (3) avec ce commentaire : « ils ne sont pas dans les Hauts de Seine, mais ils disent ce qu’on ressent tous » : on y lit en titre : « Tout est fait pour décourager les gens » : le malaise des travailleurs de la demande d’asile. Rythmes infernaux, manque de moyens, violences…en Île de France les travailleurs du secteur de la demande d’asile ont créé un collectif pour protester contre leurs conditions de travail. » Une grève, des manifestations sont déjà à son actif. « On essaye de démotiver les gens, de les faire abandonner leur demande d’asile », y témoignent plusieurs travailleurs dans des plate-forme de pré-accueil : c’est surtout la perte de sens de leur métier qui provoque souffrance au travail, burn-out, ruptures conventionnelles, turn-over très élevé.

C’est à tous les niveaux du système que des situations sont inextricables à cause du manque de moyens, de temps, pour l’accueil, le suivi, l’aide à construire des dossiers. Elles le sont aussi à cause de lois, règlements et directives contraires aux droits humains.

Incertitude et angoisse pour le sort des « dublinés »

La situation d’une vingtaine de demandeurs d’asile, majoritairement soudanais, bloqués de l’été 2015 au printemps 2016 au CASH de Nanterre parce que leurs empreintes digitales avaient été prises en Italie, a particulièrement mobilisé les soutiens. Le préfet a répondu le 15 mars à une interpellation écrite faite deux mois avant par la Sénatrice Brigitte Gonthier- Maurin : « ils ne peuvent effectuer leur demande d’asile sur le territoire français. Lorsque les autorités des pays d’entrée sont saisies, elles disposent de 6 mois pour accepter ou refuser le demandeur d’asile, ce délai ne démarrant qu’à l’acceptation du pays de première entrée. A défaut et à l’issue de ces six mois, nous sommes tenus d’accueillir leur demande d’asile ». Ensuite, il nous a été répondu oralement que l’absence de réponse valait acceptation de la part du pays de première entrée dans l’espace Schengen. Malgré tout, accompagnés en préfecture, la plupart de ces dublinés, présents depuis 8 mois, ont finalement pu déposer leur demande d’asile.

Mais aujourd’hui, le nombre de victimes des accords de Dublin a considérablement augmenté, à Paris (plus de 60 % des demandeurs dès fin 2015), et parmi les évacués des campements parisiens qui arrivent dans les Hauts-de-Seine. La directive régionale d’orientation sur l’asile d’avril 2016 ne fait pas mention du délai de six mois. Elle ne fait état que de la remise d’une attestation de demande d’asile valable un mois, puis renouvelable par périodes de quatre mois, « jusqu’au départ effectif de l’intéressé vers l’Etat membre responsable ». Pour l’entretien « Dublin » individuel avec le demandeur d’asile, le recours mutualisé des préfectures à un service d’interprètes agréés travaillant par téléphone est préconisé, par mesure d’économie. Les départs contrôlés et sous escorte (pourtant très couteux) doivent être préférés aux départs volontaires. La volonté de libérer des places dans les centres d’hébergement d’urgence en poussant à partir les dublinés par tous les moyens – y compris en les piégeant pour les mettre en faute par rapport à des législations, règlements et directives très complexes qui ne leur sont pas toujours bien expliqués - ne peut être contrecarrée que par des suivis personnalisés et des batailles locales acharnées.

Bien sûr, une mobilisation est à construire, en France et en Europe, pour en finir avec les dispositions des accords de Dublin qui empêchent de demander l’asile dans le pays de son choix, en violation de la convention de Genève.

Les déboutés, sans domicile et sans papiers

L’OFPRA et la CNDA avaient traité en 2015 : 79126 demandes d’asile, et rendu des décisions favorables pour 31% d’entre elles.
On le sait, ce taux est très variable selon les nationalités des demandeurs, de plus de 75 % pour les Syriens à moins de 15 % en moyenne pour les nationalités africaines.
Pour les 9 premiers mois de 2016, l’OFPRA a enregistré 62 282 demandes d’asile, (dont 46 828 premières demandes, 5977 réexamens et 9457 mineurs accompagnés) (4)
Sur le total général,
Afrique : 24 207, dont 4221 Soudan ; 2786 RDC ; 2039 Guinée ; 1453 Nigéria ; 1289 Mali ; 1119 Erythrée
Asie : 19368, dont 4484 Afghanistan, 3987 Syrie ; 2356 Bangladesh ; 2056 Irak ; 2049 Sri Lanka
Europe : 13 845, dont 2310 Kosovo ; 1908 Russie.
Amérique : 5226, dont 4460 Haïtiens.

 Dans les Hauts-de-Seine, beaucoup de nationalités sont représentées parmi les demandeurs d’asile, mais la majorité de ceux qui sont dans les centres d’hébergement d’urgence, et une très forte proportion de celles et de ceux qui sont dans les CADA ont des nationalités africaines. La probabilité pour que le plus grand nombre soit débouté est très forte.

La directive régionale d’orientation sur l’asile d’avril 2016 est claire : l’OQTF doit être signifiée le plus vite possible, avec une offre d’aide au retour (vers où ?), en même temps que la mise à la porte du CADA, et la reconduite à la frontière doit être effective. Une note aux préfets, signée du Ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, reçue le 19 septembre 2016 (5) est encore plus pressante : il s’agit de libérer, dans la perspective du démantèlement du bidonville de Calais, 9220 places d’hébergement qui seraient occupées par des personnes en « présence indue ». « Engagement systématique d’une procédure d’expulsion accélérée » à l’encontre des déboutés, « très grande fermeté », « plein usage des mesures restrictives et de privations de liberté », menace d’une « minoration budgétaire de la dotation des CADA en cas de non-respect de ces objectifs » : telles sont les consignes ! Mais qui peut croire que ceux qui ont demandé la protection de la France accepteraient de retourner pour quelques centaines d’euros dans des pays qu’ils ont fui ? Ou que la France peut réellement reconduire de force des dizaines de milliers de personnes dans des contrées à feu et à sang, ou dans des Etat tiers où les droits de la personne humaine, et en particulier ceux des migrant-e-s, sont violés ?

Des cas de grande détresse humaine en découlent. Par exemple, celui de cette victime de violences terribles en RDC, et de ce fait gravement malade, mère d’un enfant scolarisé en CE1 à Nanterre, mise à la porte du CADA, sans domicile et sans revenus, un mois après le rejet de son recours par la CNDA. Elle a des chances d’obtenir un titre de séjour pour soins médicaux, et même un espoir que le préfet révise la décision si elle parvint à prouver qu’elle recherche activement deux autres de ses enfants qu’elle n’a pas pu emmener dans sa fuite, et son mari, arrêté lui aussi par la police de RDC. En attendant, le 115 lui avait d’abord trouvé une chambre d’hôtel dans une lointaine banlieue, à 2 heures de transports de l’école ; l’intervention des élus municipaux a permis qu’une place soit trouvée à Nanterre. Toute la communauté éducative, des associations se mobilisent. Ce n’est qu’un exemple, parmi sans doute plusieurs dizaines, connus ou inconnus, et beaucoup plus à venir…

Pour la plupart des déboutés, les possibilités d’obtenir un titre de séjour sont faibles. La circulaire du 28 novembre 2012, évoquée dans la directive régionale d’avril 2016, est totalement inadaptée à ces personnes. Elle n’invite les préfets à accorder des admissions exceptionnelles au séjour qu’à condition d’avoir un emploi en CDI payé au moins au SMIC, de prouver 5 ans de présence sur le territoire, et pour les parents d’élèves, 3 ans de scolarité de leur enfant en France.

Le préfet de région se préoccupe d’estimations selon lesquelles 40% des personnes présentes dans les 22 500 places pérennes du dispositif d’hébergement d’urgence de droit commun en Île-de-France seraient des ressortissants étrangers. Sa préconisation : confier à un opérateur, doté de 15 équivalent temps plein, d’un budget de 500 000 euros pour commencer, le contrôle de la régularité du séjour des personnes hébergée par le 115…Le pire est devant nous !  

Les réfugiés, dans une société en crise

La sortie du CADA est souvent traumatisante aussi pour celles et ceux qui ont obtenu de l’OFPRA ou de la CNDA un statut de réfugié-e-s. L’injonction à quitter l’hébergement laisse peu de délai, et les directives ministérielle du 19 septembre concernent aussi les réfugiés. La liste d’attente des demandeurs de logements sociaux est de plusieurs milliers dans toutes les villes, et on ne peut obtenir un logement qu’avec des revenus suffisants pour payer loyer et charges. Or, on connaît la situation du marché de l’emploi, le chômage de masse. A cela s’ajoutent souvent une maîtrise insuffisante du français, le fait de ne pas avoir eu le droit de travailler – souvent pendant des années - en tant que demandeur d’asile, et presque toujours les discriminations, celles des employeurs, et les discriminations institutionnelles qui interdisent des professions aux non nationaux, que ce soit dans la santé, le droit ou l’enseignement. Pourtant, une très grande proportion des réfugiés exerçaient des métiers hautement qualifiés. « J’étais orthodontiste, à Pôle emploi on me propose des heures de ménage », explique une réfugiée syrienne, qui élève seule ses quatre enfants scolarisés, hébergée dans les Hauts-de-Seine, à une élue de sa ville.
L’été 2015, une note ministérielle, accompagnée d’un livret aux maires, promettait une aide de l’Etat aux communes qui logeraient des réfugiés. Des villes des Hauts-de-Seine ont réservé des logements, malgré le manque général de logements sociaux. Depuis elles attendent toujours les réfugiés à loger. Et malheur au maire qui prend l’initiative de loger une famille de réfugiés non envoyée par l’autorité étatique : pas question alors d’aide de l’Etat !

Les quelques centaines de places gérées sous l’autorité de l’OFII dans des dispositifs dédiés aux réfugiés dans des centres provisoires d’hébergement en Île-de-France sont évidemment loin de répondre aux besoins.
Le logement social hors Île-de-France dans des zones ne connaissant pas de tension particulière du marché du logement, comme le préconise le Préfet de région ? Sans doute des expériences réussies dans certaines villes ou villages…Cependant, rares sont ces zones où l’emploi, les services publics, ne sont pas sinistrés.

La crise, quelle crise ?

Je déteste les expressions « crise des réfugiés », « crise des migrants ».

Les souffrances, la maltraitance des arrivants – demandeurs d’asile, réfugiés, migrants, homme, femmes et enfants – c’est un des pires symptômes de la crise de notre société, de notre civilisation, en France et en Europe.

On ne portera jamais assez haut l’indignation devant la maltraitance criminelle des victimes des guerres, des pillages, dont nos gouvernants, avec les prédateurs du capitalisme mondialisé que leurs politiques favorisent, avec les dictateurs qu’ils soutiennent, sont responsables.

L’Île-de-France, avec près de 12 millions d’habitants, serait incapable d’accueillir dignement quelques dizaines de milliers de demandes d’asile ?  le département des Hauts-de-Seine, avec ses 1,5 millions d’habitants, d’en traiter humainement quelques milliers ?

Voilà qui en dit long aussi sur l’incapacité, ou le refus, des actuels gouvernants de mener une politique qui réponde aux besoins des plus démunis et du plus grand nombre des habitants, que ce soit pour le logement, pour l’emploi ou pour la protection sociale. Et cela dans un pays, dans une région, où tant de richesses sont produites, - en partie par des travailleurs immigrés -, s’accumulent et circulent, dans un département considéré comme bénéficiant d’une situation économique et sociale privilégiée dans la métropole parisienne !
Les mesures prises par la nouvelle majorité et la nouvelle présidence de droite de la Région, par exemple la suppression des tarifs réduits dans les transports pour les migrants sans titre de séjour, aggravent les difficultés au quotidien.

Je déteste les discours qui font le tri entre les réfugiés et les migrants.

Bien sûr il faut exiger l’application de la Convention de Genève, pour toutes les personnes qui relèvent des critères pour obtenir le statut de réfugié.  Leur droit est bafoué par l’Etat Français comme par les autres Etats qui déterminent la politique de l’Union Européenne.
Ne faudrait-il pas établir aussi des statuts de réfugiés économiques, de réfugiés environnementaux ?

La différence entre un demandeur d’asile et un migrant économique, ou pour des raisons familiales, privées, relève du droit international, de directives européennes et des législations nationales. Mais ce n’est pas une différence de légitimité, de bien fondé, de la migration et de la demande de régularisation administrative du séjour. Les raisons peuvent en être aussi vitales pour le migrant qui n’est pas demandeur d’asile ou a été débouté de sa demande, pour ses proches restés au pays… Des migrants vivent, travaillent, étudient en France depuis des années, et une accumulation de lois, de décrets, de circulaires, en fait des sans-papiers. Leurs logiques xénophobes, suspicieuses et répressives, l’obsession du chiffre de reconduites à la frontière, imprègnent également la loi de juillet 2015 sur le droit d’asile, les circulaires qui en découlent, les pratiques de l’administration d’Etat, ainsi que la tonalité de discours électoraux. Comment cela ne pèserait-il pas aussi sur les décisions de l’OFPRA et de la CNDA ?

Il y a des déboutés du droit d’asile parmi les travailleurs sans papiers qui se sont mis en grève en 2009 dans la région parisienne, en 2013 dans les Hauts-de-Seine, et aujourd’hui à Paris et dans les Yvelines. Egalement parmi les familles défendues par le Réseau Education Sans Frontières. Des membres des collectifs de sans- papiers, comme SP92, en sont aussi. On trouve souvent les mêmes organisations, les mêmes citoyens, pour soutenir les demandeurs d’asile et soutenir les luttes des autres immigrants et immigrés.

L’accueil des nouveaux arrivants et l’action pour les droits des arrivés depuis des années, c’est le même engagement, expliquait en substance à la Fête de l’Humanité une salariée d’une association gestionnaire d’une CADA, à l’occasion d’un débat et d’un parrainage de sans-papiers des Hauts-de-Seine qui ont reçu des OQTF, car beaucoup de demandeurs d’asile deviennent des sans-papiers, après des semaines, voire des mois à la rue, puis des mois, voire des années de procédures. Ses propos, son appel à travailler, à agir ensemble, seront ma conclusion.

(2)  Directive régionale d’orientation sur l’asile, Région Île de France. Préfecture de police de Paris/ Préfet de la Région Île-de-France. Avril 2016. Document non disponible sur le WEB.
(4)  OFPRA. La demande de protection internationale par nationalité. Données provisoires au 7.10.2016.
(5)  L’Humanité du 10 octobre 2016




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