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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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Nanterre en colère

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mardi 25 mars 2014

Journée d'élection à Nanterre


Résultat des élections municipales à Nanterre. par picasso92

La journée d'un assesseur...

Dimanche 23 mars, 7h20. La traversée du Parc Malraux me ravigote ; j’ai bien fait de mettre ma veste d’hiver, il fait frisquet. Des joggers me dépassent, je les envie, il faudrait vraiment que je m’y remette. Et puis cette lumière, ce ciel, sur la pièce d’eau, ces silhouettes de palmipèdes qui bectent la pelouse… j’imagine une énième balade photo.

 Mais pas aujourd’hui, n’y pensons plus, je suis envoyé en mission d’assesseur titulaire, mandaté par la liste « Nanterre pour tous », au 41 ème bureau, école Pablo Neruda. C’est la première fois que j’y vais, dans ce bureau de vote s’entend, pas à cette école : j’y ai distribué des centaines et des centaines de tracts, en campagne électorale ou pas, aux parents et aux enseignants. Et j’en ai rencontré certains, de ces parents d’élèves, dans les manif pour défendre l’école publique.

Pour le bureau de vote, moi j’avais mes habitudes, avec Naïma : j’étais son vice-président et on connaissait beaucoup de monde, salle Jacques Decour, puis école Robespierre. Aux présidentielles, j’étais pas peu fier d’avoir rempli trois tables de dépouillement  sur quatre avec des jeunes, mes anciens élèves, qui votaient pour la première fois. On avait pris l’habitude d’offrir un coup à boire après la proclamation des résultats, assesseurs et scrutateurs nous disaient « vivement la prochaine élection ». Mais cette fois, pas de chance : Naïma est malade, et puis elle ne sera plus conseillère municipale. Pour qu’on en ait encore une, de conseillère municipale communiste dans le quartier, il faudrait que la liste soit élue avec 58 % des voix, mieux qu’en 2008, et vu le contexte, ça m’étonnerait qu’elle soit élue, Valérie, en 44 ème position sur la liste ! C’est vrai qu’on aura des nouveaux, des jeunes élus, gauche citoyenne, socialistes, EE les Verts …Mais c’est pas pareil. Il faudra pourtant apprendre à travailler ensemble, j’en ai déjà vu quelques-uns pendant la campagne.

Ainsi ruminais-je en marchant, appréhendant de longues heures d’ennui.

7h35 : m’y voilà, je vais encore être le premier. Tout est fermé, ça commence bien ! Heureusement, la gardienne est matinale : « Le bureau de vote ? il faut faire le tour par le parking… ». J’ai vraiment l’air d’un béjaune, à moins d’un kilomètre et demi de ma tour Aillaud.

7h40 : Bureau 41, je ne suis pas le premier. L’équipe des territoriaux a déjà tout installé, tout placardé. « Oh, c’est vous, monsieur Landrain ! » s’exclame une jeune femme. Une de mes anciennes élèves, je ne l’avais pas reconnue tout de suite. Elle est maintenant cadre communal. Elle garde un bon souvenir du collège Galois. Et elle a fait un délicieux gâteau au chocolat. Bon, finalement la journée ne s’annonce pas si mal.

 Il y a aussi un monsieur de mon âge, qui se présentera plus tard comme assesseur d’une des listes de droite, sur laquelle il est aussi candidat, même qu’il s’étonne que les gens ne le reconnaissent pas. Pour l’instant, il est installé à côté de l’urne, visiblement attiré par le cahier d’émargement qui est grand ouvert. C’est défendu, bien sûr, mais je n’ai pas besoin de le lui rappeler, il le sait aussi bien que moi, il s’en éloigne dès que je m’approche. Pas la peine d’en rajouter, je ne vais pas plomber l’ambiance avant 8 h !

7h50 : tout le monde est là, la présidente, trois assesseurs, et même le vice-président, envoyé derechef chercher ce qui manque : de quoi grignoter (des fruits, c’est mieux pour la santé). Le café et le thé, le jus d’orange, les gâteaux,  l’équipe des fonctionnaires territoriaux  y a déjà pensé pour nous : merci, ils sont vraiment sympa les salariés de la mairie ! Il faut déplacer les deux tables qui font office de bureau de vote ainsi que l’urne, d’environ un mètre en avant, « parce que c’est mieux comme ça ».  L’urne est vide ? on la ferme, une clef à un assesseur, une clef dans la poche de la présidente.

8h : on n’a plus qu’à attendre les électeurs. Je prends le premier tour au cahier d’émargements. Catastrophe ! je ne trouve pas la réglette réglementaire à fenêtre qui indique à l’électeur la case dans laquelle il doit signer ! Recherche fébrile. « J’appelle les services techniques – Non, on cherche, on va la trouver…- Oh ! elle est restée collée sur la paroi de l’urne ! – On n’a plus le droit de l’ouvrir ! – Faut que les services techniques en apportent une autre ! – Mais non, on peut la récupérer, suffit que le bureau soit d’accord, surtout qu’il y a un seul bulletin dans l’urne …- Mais on n’a pas le droit quand même - On peut faire sans réglette – Non, « ils » risquent de se tromper de case…». Finalement, l’affaire de la réglette est résolue.

Deuxième problème technique  peu après : « - Numéro 1025 ! – Mais ça s’arrête à 926 ! c’est quel nom ? – Ah non, moi je dis le numéro, vous dites le nom  et le prénom – Oui, mais y’a rien après 926… ». Mystère rapidement résolu : les nouveaux inscrits dans ce bureau ont été rajoutés par ordre alphabétique, mais sans changer bien sûr les numéros de ceux qui étaient déjà inscrits. Résultat, tout est décalé, on est obligé de tourner des pages et des pages sans pouvoir anticiper rapidement la bonne page à ouvrir, comme un assesseur normalement rentable dans sa cadence de travail bénévole et citoyenne se doit d’y parvenir. De plus les numéros sont souvent à moitié masqués parce que la reliure est mal foutue. Alors ça donne : « - 939 ! – C’est un nouveau, faut le nom ! – Bon, 939 : DUR…D comme Dupont, U comme Ursule, R comme René… ». Page tournée,  page tournée, page tournée…- Ah voilà : Durand Gisèle ! – C’est bien le 939 ? –…Oui – Vous pouvez voter – A voté ! ». Emargement. « Heureusement, il n’y a pas encore beaucoup de monde », commente la présidente. Et  heureusement qu’on n’est pas des « machines à voter » : quand il y a des problèmes techniques, les citoyens bénévoles de bonne volonté sont plus efficaces pour les résoudre, même s’ils ne sont pas aussi rapides, que les machines à voter, pensé-je en moi-même.

11 h : Il n’y a pas encore eu foule pour venir voter. Personne qui s’impatiente quand on met plus de 45 secondes à trouver la bonne page et le bon numéro. Mais ça commence à devenir pénible, au bout de trois heures, ce cahier. Heureusement, ma suppléante, socialiste, arrive, comme convenu.
bureau 46, préau Gorki maternelle, 11h30

Deux heures devant moi. J’accompagne ma fille, dont c’est le premier vote, parce que je veux photographier son geste citoyen et l’immortaliser dans les réseaux sociaux (on ne sait jamais, ça peut décider d’autres jeunes à voter : « c’est facile, c’est classe et c’est utile »). Je suis interpellé  par un ancien élève, qui me crie « bonjour » et ajoute « vous étiez un bon prof ». Je ne sais jamais si c’est ironique. Je lui dis de ne pas oublier d’aller voter. « Je n’ai pas le droit, ils m’ont refusé, je voulais être français, ils n’ont pas voulu, alors je voterai jamais ! ». J’apprends que de plus, bien qu’il ait fait ses études, depuis le collège, ici, et qu’il ait un travail, la préfecture chicane pour lui remettre une carte de séjour. Je lui explique que je milite pour les droits des étrangers, je lui donne les coordonnées d’une permanence du réseau Migration-citoyenneté du PCF où nous pourrions l’aider dans ses démarches. Après, juste le temps d’un repas et d’écouter les nouvelles : 23 % de votants à midi, comme en 2008. Mais précise un journaliste, dans les grandes villes, c’est beaucoup moins.

13 h : Retour au bureau de vote. Le pourcentage de votants à midi, c’était en effet beaucoup moins que la moyenne nationale : 17 %.  Cette fois,  c’est un autre assesseur qui s’est collé au cahier. Chacun son tour d’avoir l’air trop lent à trouver les pages et les numéros ! Moi, je choisis une place tranquille en bout de table, je tamponne les cartes, et je me charge du cahier supplémentaire où sont inscrits les résidents étrangers communautaires. Il n’y en a que 9. C’est donc tranquille, je suis sûr de tenir sans dépenser trop d’énergie jusqu’au retour de ma suppléante qui m’a promis de me relever  de 18h à 19h.

Toujours aussi peu d’électeurs. Mais parmi eux, beaucoup de nouveaux inscrits, qui viennent d’aménager dans des nouveaux logements le long des Terrasses. Pendant quelques pauses, pour fumer dans la cour, plusieurs me font part de leur satisfaction d’habiter là grâce à la politique de logement de la ville. Je ne doute pas que les résultats de ce bureau seront « bons ». A partir de 16 heures, les électeurs sont en moyenne plus jeunes, beaucoup votent pour la première fois. L’un a eu 18 ans il y a une semaine.

Les conversations vont bon train entre membres du bureau. Sur le vote des résidents étrangers communautaires « qui veulent s’inscrire mais ne viennent pas voter ». Je fais le pari qu’ils seront en proportion aussi nombreux que leurs voisins français (je gagne ce pari : à 20h, 4 sur 9 sont venus !). Mais bien sûr, je n’avance pas d’un pouce avec ces UMP et UDI sur l’idée que tous les résidents étrangers devraient avoir le même droit, quelle que soit leur nationalité. Sur le quartier, sur ses habitants, sur les cités, tout se dit et son contraire : ça tombe bien, je raconte nos initiatives à P’Arc en Ciel, le centre social et culturel, et la performance créée  à Paris par des artistes venus d’autres pays d’Europe, qui ont travaillé à partir d’une visite et d’ateliers avec des habitants, et le débat auquel nous avons participé ensuite avec des écrivains, géographes, anthropologues, défendant pour notre part l’idée que notre quartier n’est pas un « ghetto », mais une « banlieue-monde »…Et puis sur la lancée de la mondialisation, j’évoque « Une nuit à la Présidence », que j’ai vu la veille aux Amandiers. Un assesseur de droite d’origine camerounaise enrichit la conversation.

 Mais on n’échappe pas toujours aux agaçantes platitudes habituelles, aux jérémiades sur le manque de civisme supposé des autres, qui ne viennent pas voter,  ou bien sur des tricheurs potentiels, « pourtant connus », qui seraient toujours inscrits dans ce bureau de vote bien qu’ils aient déménagé et votent ailleurs (« Si vous êtes sûr de ce que vous avancez, signalez-le donc à la commission de révision des listes électorales ! » est la réplique appropriée dans ce cas). Alors les conversations retombent, l’ennui gagne…

 Arrivera-t-on seulement à 400 votants, sur les 1032 inscrits ?

 Je parviens à lire quelques pages du dernier roman de Patrick Chamoiseau : Hypérion Victimaire, Martiniquais épouvantable. Et même, à la demande générale, deux phrases particulièrement horrifiques à haute voix : ça change des angoisses sur les résultats des élections !

18h15 : retour de ma suppléante, qui a fait en famille une longue promenade, et n’a donc pas écouté les infos. La présidente, qui était partie se reposer, non plus. Je me dépêche d’aller écouter une radio : abstention massive, déconfiture du PS, percée du FN…qu’en sera-t-il à Nanterre ?  Aura-t-on un deuxième tour ?

19h30. Ma suppléante, qui avait pris goût au cahier, et est restée finalement un petit peu plus que prévu, nous quitte. J’ai envie de lui dire que s’il y a un deuxième tour, ce sera elle la titulaire, et que je la remplacerai pendant trois heures, mais finalement je me contente de le penser sans y croire vraiment, au deuxième tour.  Les estimations nationales circulent depuis un moment. Les discussions se sont peu à peu politisées à nouveau. On installe les tables pour le dépouillement.

19h45. Une poignée de « derniers électeurs » se croient en retard. Les seize scrutateurs que nous avons recrutés un à un toute la journée commencent à prendre place. On leur explique comment faire le dépouillement.

20h. Le scrutin est clos. Je laisse aux autres le soin de compter les émargements, je crois que je développe grave une phobie de ce cahier. Je préfère mettre les enveloppes vidées de l’urne par paquets de 10, puis vérifier que le compte est bon : 444, pile- poil le nombre d’enveloppes distribuées. Mais bien sûr, ça ne pouvait pas manquer : 440 émargements ! Et hop, tout le cahier à recompter : classique, ils avaient oublié une page !

20h30 : Les scrutateurs se mettent à l’ouvrage. Quelques enveloppes vides, quelques bulletins nuls, allez, la présidente met le chiffre correspondant au motif de nullité, et tous les membres du bureau les signe, en rouge ! «  Seulement l’enveloppe…- Mais non, les bulletins nuls aussi ! – Mais l’enveloppe ça suffit – Mais non je t’assure, et si on trouve un bulletin déchiré en morceaux, c’est tous les morceaux qu’il faut signer… »  Ouf, un administratif qui a eu une bonne séance de formation vient à mon secours.

Les premiers cents se dessinent… « Vous n’aurez pas de deuxième tour, si ça se confirme comme ça », me dit, bon joueur, un des assesseurs de droite. Un bulletin et une circulaire Bedin dans la même enveloppe ? Allez, on va pas pinailler, déchirez la circulaire et le bulletin est bon ! Bâtonnets comptés, totaux vérifiés (« d’accord, je trouve pareil », « ça fait bien cent ! », « attention, ne vous trompez pas de case pour écrire le résultat au stylo, sinon, faut refaire toute la feuille»…)

  21h15, le coup de feu est passé, les calculettes des administratifs ont fait leur office. J’ai griffonné sur un bout de papier les chiffres au fur et à mesure que les scrutateurs les avait écrits, et calculé à la hâte totaux et pourcentages On trouve la même chose : plus de 58 % de bulletins Nanterre pour tous, dans ce bureau !

Nanterre, 41 ème bureau (préau de l’école primaire Pablo Neruda)

Electeurs inscrits : 1032

Votants : 444 (43 %)

Blancs et nuls : 19

Exprimés : 425

Liste 1 (NPA) : 13 voix (3 %)

Liste 2 (LO) : 8 voix (1,8 %)

Liste 3 (URPN) : 16 voix (3,7 %)

Liste 4 (Nanterre pour tous) : 250 voix (58,8 %)

Liste 5 (Des actes…) : 52 (12,2 %)

Liste 6 (Nanterre pour chacun) : 86 ( 20,23 %)

La présidente proclame les résultats. Je les téléphone aussitôt au camarade qui « centralise » pour les communistes de Nanterre.

Attention, aucun membre du bureau ne part avant d’avoir tout signé. Merci à la secrétaire, qui a tout bien préparé. Normal, c’était, comme d’habitude, une des fonctionnaires territoriales de service.

21h30 : ça y est, je peux aller voir tous les résultats à la mairie, et puis à la fédération du PCF !

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