![]() |
| 6 semaines après la fête de l'Humanité, je prends enfin le temps d'écrire ce billet |
Banlieue-monde, je t'ai délaissée. D'abord, il y a peu de temps,
mes infidélités se multipliaient, la plupart de mes billets, de mes
photos et vidéos, je les envoyais de préférence sur le blog du
Front de gauche à Nanterre. Depuis la fête de l'Huma (il y a six
semaines, un long temps mort au regard de la folle accélération du
tempo médiatique !), plus rien ou presque. J'ai perçu déjà
des petits reproches amicaux de la part de personnes dont je ne
soupçonnais pas que mes messages dans Banlieue-monde ou ailleurs
puissent leur manquer. Bien sûr, il y a facebook, avec mon millier
d' « amis » : c'est bien pour le jour le jour, mais
ce n'est pas vraiment fait pour arrêter le temps et penser, et puis
tout le monde ne fait pas confiance à facebook, où le risque de
voir piller nos données n'est pas imaginaire, même quand on fait
bien attention de n'y rien mettre de vraiment intime.
« A quoi ça sert d'avoir viré Sarkozy ? »
Alors, qu'est-ce qui explique que depuis plusieurs semaines je
n'ai plus alimenté Banlieue- monde ?
Un état de sidération devant la « violence des riches »,
devant cette « immense casse sociale », dont MichelPinçon et Monique Pinçon-Charlot viennent de publier une
« chronique », qui se conclut par la prédiction, sauf un
« changement radical », de « l'obscurité
de la nuit réactionnaire pour quelques siècles » ?
Un décourageant sentiment d'impuissance, face à la perte de toutes
valeurs de gauche, de tous repères, de tout sens de l'humain, de la
part d'un pouvoir entre les mains de socialistes (plus exactement de
« solfériniens », comme les appelle Jean-Luc Mélenchon),
qui dans tous les domaines emboîte le pas des gouvernements de
droite qui l'ont précédé ?
Soyons honnête, je ne suis pas
plus qu'un autre insensible au climat délétère qui rend si
difficile par exemple la mobilisation du mouvement social contre les
nouveaux coups portés aux retraites . Pas plus qu'aux
difficultés du Front de gauche, des organisations et des citoyens
qui le constituent, à retrouver la dynamique de la présidentielle,
à rendre crédibles et mobilisatrices nos propositions alternatives,
nos efforts pour que se rassemblent toutes les énergies de ceux, qui
à gauche, sont de plus en plus nombreux à exprimer des désaccords
avec les choix désastreux de la majorité gouvernementale.
En 1973, au Chili, il avait fallu l'horreur d'un coup d'Etat
militaire et d'une dictature féroce, organisés avec les Etats-Unis,
pour venir à bout de l'espoir qui débordait les frontières du pays
de Salvador Allende et de Pablo Neruda. En 2013, en France, aura-t-il
suffit d'un peu plus d'un an de reniement d'une social-démocratie
soumise aux diktats de la finance, aux lois prétendument naturelles
d'un capitalisme en crise qui nous mènent à l'échec, à la
catastrophe, pour que triomphe le There Is No Alternative de Margaret
Thatcher ?
L'adversaire, c'est la finance qui n'a pas de
noms, disait Hollande. Que n'avons-nous crié au mensonge à ce moment
là ! Les agents des marchés financiers, les représentants des
riches, il y en a plein parmi ses collaborateurs à l'Elysée, il y
en a plein dans son gouvernement !
« A quoi sert d'avoir chassé Sarkozy ? »
nous demandent régulièrement des hommes et des femmes qui ont voté
Front de gauche au printemps 2012, aux points de rencontre que,
militants communistes, nous organisons chaque semaine dans notre
quartier populaire de Nanterre. D'autres, moins solides dans leurs
valeurs et références à gauche, républicaines, vont plus loin :
le « tous pourris », l' « UMPS », le
« on n'est plus chez nous » du FN se banalisent, le brun
marine leur apparaît comme un recours possible, un truc nouveau à
essayer, une alternative à l'abstention aux élections. La dérive
d'une partie de la droite vers une alliance avec le FN, le discours
xénophobe et « sécuritaire »amalgamant délinquance et
immigration, stigmatisant et persécutant les Roms, de l'actuel
ministre de l'Intérieur comme de ses prédécesseurs, le rôle des
médias qui mettent de tels populistes en vedette, bien sûr que
leurs responsabilités sont lourdes. Mais il y a surtout une immense
déception, un immense désespoir, des souffrances, dont personne ne
sait aujourd'hui, sauf, comme on le demande encore et encore sans
plus trop y croire, si un changement de cap de la politique
gouvernementale avait lieu, dans quelle obscure nuit réactionnaire
tout cela risque fort de nous plonger.
AGO ERGO SUM
Prendre le temps d'écrire dans son
blog, n'est-ce pas voler du temps qu'on a le sentiment d'utiliser
mieux dans l'action, sur le terrain, sur tous les fronts, à s'en
étourdir ?
![]() |
| Le 15 octobre, avec des collègues de la FSU retraités |
Ne vaut-il pas mieux mobiliser jusqu'au bout contre la réforme des retraites, manifester, participer au moindre collectif unitaire ? Ne vaut-il pas mieux préparer dans le collectif Unis Contre une Immigration Jetable un appel commun pour réussir la manifestation parisienne du 18 décembre, journée internationale pour les droits des travailleurs migrants et de leurs familles ? Ne vaut-il pas mieux, avec les amis du MRAP de Nanterre, d'autres associations, des centres sociaux et culturels, réussir le 12 novembre un débat utile sur le thème "Sexisme, racisme...en finir avec toutes les discriminations !" ?
![]() |
Nous attendions leur mobilisation contre une réforme des retraites qui les prive
de ce droit, c'est contre l'expulsion de jeunes sans papiers que les jeunes descendent
dans la rue par milliers.
|
Non, rassurez-vous, vous voyez, je ne lâche rien, depuis la
rentrée. Plus la situation est difficile, plus j'ai envie de prendre
des initiatives sans attendre les consignes, plus je me lance à
corps perdu dans des initiatives prises par d'autres et que je trouve
justes et bonnes. Tel est mon ego. Cogito ergo sum,
mais surtout Ago ergo sum.
Cependant, tenir un blog, c'est sans doute aussi agir. Ce n'est pas
seulement penser agir, c'est aussi agir sur sa pensée, et c'est
l'agiter. D'ailleurs, faire un blog et y écrire longuement, c'est
tendance, pour faire de l'agitation avec des pensées à soi qu'on
pense utiles pour agir ensemble. La preuve, des dirigeants politiques
que j'estime d'autant plus qu'ils sont de mon bord et super actifs,
donc forcément débordés de travail, accablés de responsabilités,
s'y sont mis. Par exemple Jean-Luc Mélenchon depuis longtemps, et
plus récemment Pierre Laurent. Et je ne crois pas que ni l'un ni
l'autre n'exploite pour cela de ghostwrighters. Alors je me dis que
ce n'est peut-être pas une perte de temps, qu'un retraité militant
qui a un peu plus de temps libre qu'eux passe un partie de son
dimanche après midi à s'y remettre, à écrire dans son blog.




Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire