Dans une manifestation de solidarité avec le peuple grec, Paris, mai 2010 |
J’ai eu honte pour la France en entendant Sarkozy qui prétend imposer les termes du référendum obtenu de haute lutte par le peuple grec. Accepter la règle du système qui nous mène tous dans le mur, ou quitter l’Euro - voire quitter l’Union européenne, se sont empressés d’ajouter des adulateurs du veau d’or. On connaissait déjà « La France (des habitués du Fouquet’s), on l’aime ou on la quitte », maintenant c’est « On aime l’Europe (du traité de Lisbonne), ou on la quitte ». Les Grecs et les métèques dehors ! La fille Le Pen, qui veut casser l’Euro et casser l’Europe, doit jubiler.
Jusqu’où sont-ils prêts à aller pour imposer la règle d’or des profits des spéculateurs ? La violence du discours m’a rappelé l’ambiance du coup d’Etat des années soixante-dix au Chili. Le Club de Chicago (1) avait soutenu le coup d’Etat de Pinochet, et conseillé le dictateur, champion de la soumission du pays à la loi du marché capitaliste libre de toute règle démocratique et de toute résistance. Mais Papandréou n’est pas le Président Allende : apparemment, à Cannes, il a docilement accepté le marché de dupe. Pas la peine de remplir les stades, les salles de torture, ni de bombarder sa résidence, d'ailleurs un retour au régime des colonels en Grèce, ça ne serait pas politiquement correct. Mais depuis les années de « La stratégie du choc, la montée du capitalisme du désastre »(2), avons-nous changé d’époque ?
Tels le père et la mère Ubu, Sarkozy et Merkel semblent inconscients de la monstruosité de leurs propos. Sans honte, ils avouent que selon leur conception de la construction européenne, le peuple grec, pas plus que les peuples italien, espagnol ou français n’ont d’autre choix que celui de l’austérité, de la misère, de la mise à l’encan des biens communs. Mais c’est la dictature des marchés financiers, d’une poignée de profiteurs, que les Grecs refusent, pas la monnaie commune européenne. Pour sauver la Grèce, sauver l’Europe, sauver l’Euro, leur référendum, s’il était fidèle à ce qui monte des luttes, des manifestations des grévistes, des Indigné-e-s, ce pourrait être une occasion de changer l’Europe, comme aurait pu l’être la victoire du non en France et dans d’autres pays en 2005 (malheureusement, le traité de Lisbonne, imposé au mépris de la démocratie, reprend l’essentiel du traité contre lequel une majorité de Français avait voté, et nous en voyons aujourd’hui les conséquences)
Pour cela, il faudrait lever les tabous sur des solutions dont ne veulent pas les défenseurs d’un système à bout de souffle qui ne sert qu’à garantir les gigantesques profits immédiats réalisés en ruinant les pays et les peuples. Cela concerne par exemple le rôle de la Banque Centrale Européenne, et toutes les mesures possibles pour reprendre le pouvoir aux marchés financiers et aux banques (voir le chapitre deux de l’Humain d’abord, livre programme du Front de gauche).
(1) Au départ, le Club de Chicago n’était pas un club de gangsters, mais un cercle universitaire d’économistes de l’Université de Chicago, qui défend un libéralisme intégral, la « main invisible du marché » étant censé assurer la croissance et le bien être. Parmi ces « libéraux », beaucoup ont conseillé des Présidents des Etats-Unis et des dictatures sanglantes sur tous les continents.
(2) La stratégie du choc, la montée d’un capitalisme du désastre , de Naomi Klein, 2007, 2008 pour la traduction française (BABEL, ISN ACTES SUD 978-2-7427-9306-8)
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