Photo par Klaus Lefebvre d'une représentation au Festival d'Avignon (site de France culture) |
Depuis le 20 octobre, date de la première, les représentations de Sur le concept du visage du fils de Dieu de Romeo Castellucci au Théâtre de la Ville donnent lieu à des événements graves. Un groupe organisé d’individus qualifiés d’intégristes chrétiens, se réclamant en partie de l’Action française, a tenté d’empêcher l’accès au Théâtre de la Ville en bloquant les portes, en agressant le public, en le menaçant, en l’aspergeant d’huile de vidange, de gaz lacrymogènes et en lui jetant œufs et boules puantes, tandis que leurs complices, militants du Renouveau Français, entrés dans la salle, ont interrompu la représentation dès le début en occupant la scène et en déployant leur mot d’ordre : «La christianophobie, ça suffit ». L’AGRIF avait demandé par voie de justice l’interdiction du spectacle et avait été déboutée de sa demande par le Tribunal de Grande Instance le 18 octobre 2011. La police doit donc intervenir chaque jour à l’entrée du théâtre, et nous nous sommes vus dans l’obligation de l’appeler à l’intérieur de la salle à plusieurs reprises pour qu’elle évacue ceux qui occupaient la scène, ce qui s’est fait sans heurts, parce que nous avons veillé à éviter des affrontements entre ces envahisseurs et le public outré de tels agissements. Le personnel du théâtre s’est montré résolu et efficace en ces pénibles circonstances, et, malgré les nombreux incidents et interruptions, les représentations ont pu, jusqu’à présent, avoir lieu. Que ces groupes d’individus violents et organisés, qui se réclament de la religion contre une soi-disant « christianophobie », obéissent à des mouvements religieux ou politiques, demande une enquête ; pour nous, en tout cas, ces comportements relèvent à l’évidence du fanatisme, cet ennemi des Lumières et de la liberté contre lequel, à de glorieuses époques, la France a su si bien lutter. Le théâtre a d’ailleurs très souvent été pour ces luttes, un lieu décisif. On ne peut en rester là. De tels agissements sont graves, ils prennent une tournure nouvelle, nettement fascisante. Ces groupes d’individus s’empressent en outre de décréter blasphématoires, de façon automatique, des spectacles qui ne sont dirigés ni contre les croyants, ni contre le christianisme. Des critiques de journaux importants, qui ne font pas mystère de leur foi chrétienne, ont d’ailleurs loué sans réserve ce spectacle lors de sa présentation en Avignon. Nous vous invitons aussi à lire les déclarations de Romeo Castellucci, publiées dans le programme distribué chaque soir au public, pour comprendre ses intentions et son propos d’artiste. Nous n’entendons pas céder à ces menaces odieuses, et ce spectacle sera maintenu malgré toutes les tentatives d’intimidation. Nous invitons le public à y assister, en toute liberté. Le spectacle, coproduit par le Théâtre de la Ville, y est présenté jusqu’au 30 octobre ; puis il sera repris, dans le cadre de notre partenariat, au Centquatre du 2 au 6 novembre. Il est d’ailleurs à noter que ce spectacle a été présenté sans troubles en Allemagne, en Belgique, en Norvège, en Grande-Bretagne, en Espagne, en Russie, aux Pays-Bas, en Grèce, en Suisse, en Pologne et en Italie, et que c’est en France qu’ont lieu ces manifestations d’intolérance. Nous créons donc un comité de soutien s’adressant à toutes les personnes de bonne volonté – et cette expression est ici particulièrement bienvenue – pour défendre au-delà même du spectacle de Romeo Castellucci, la liberté d’expression, la liberté des artistes et la liberté de pensée, contre ce nouveau fanatisme. Emmanuel Demarcy-Mota, directeur et l’équipe du Théâtre de la Ville. Premiers signataires : Patrice Chéreau, metteur en scène Stéphane Hessel Bob Wilson, metteur en scène
Michel
Piccoli, comédien
Sylvie Testud, comédienne Jérôme Prigent, vicaire de St-Eustache Sasha Waltz, chorégraphe, Berlin Arnaud Desplechin, cinéaste Luc Bondy, metteur en scène, Jean-Michel Ribes, auteur, metteur en scène, directeur de théâtre Bulle Ogier, comédienne Barbet Schroeder, cinéaste Juliette Binoche, comédienne Elodie Bouchez, comédienne Claude Régy, metteur en scène Christophe Girard, président du Centquatre Joseph Melillo, directeur de la Brooklyn Academy of Music, New York Stéphane Lissner, directeur de la Scala, Milan Dominique Mercy, directeur du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch Brigitte Jaques Wajeman, metteur en scène Jean-Claude Milner, philosophe Pascal Bonitzer, cinéaste Jacques-Alain Miller, psychanalyste Judith Miller, philosophe Marc Olivier Dupin, compositeur Peter de Caluwe, directeur général de la Monnaie, Bruxelles Christian Longchamp, adjoint artistique & directeur de la dramaturgie, la Monnaie, Bruxelles Jean-Luc Choplin, directeur du Théâtre du Châtelet Yorgos Loukos, directeur du Festival d’Athènes Simon McBurney, metteur en scène, Grande-Bretagne José Manuel Goncalves, directeur du Centquatre François Le Pillouer, président du SYNDEAC Lloyd Newson, chorégraphe, Grande-Bretagne Anne Delbée, écrivain et metteur en scène Jack Ralite, ancien ministre Ushio Amagatsu, chorégraphe, Japon Georges Banu, président d’honneur de l’association internationale des critiques de théâtre Monique Veaute, présidente de la Fondation RomaEuropa Fabrizio Grifasi, directeur de RomaEuropa Claus Peymann, directeur du Berliner Ensemble … Les soutiens peuvent être envoyés par e-mail à l’adresse suivante : comite-de-soutien-castellucci@theatredelaville.com Indiquer dans le corps du mail vos nom, prénom, profession suivis de la mention "Je signe". |
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