Dès 8h ce matin, plusieurs dizaines de travailleurs sans
papiers commençaient à se rassembler devant la Préfecture des Hauts-de-Seine,
accompagnés de dirigeants de l’Union départementale des syndicats CGT, de
militantes associatives de la LDH, de Droits-devant, et de responsables de la
fédération du PCF venus les soutenir.
Deux délégations demandaient à être reçues. L’une venait s’assurer
que les renouvellements des autorisations provisoires ou des cartes de séjour d’une
dizaine de salariés étrangers d’entreprises de Nanterre, qui ont activement
participé aux mouvements de grève de 2009 et 2010, se feraient sans problème. L’autre voulait
mettre les choses au point avec les responsables du service des étrangers, et
elle a dû attendre deux heures et demi dans un froid glacial, en s’échauffant à
crier des slogans pour exiger le respect des accords passés, que rythmaient d’assourdissants
coups de trompette, avant que la rencontre puisse enfin avoir lieu.
L’éviction, la
semaine dernière, des travailleurs sans papiers du Centre national d’histoire
de l’immigration, où ils s’étaient invités depuis plusieurs mois, a illustré le
durcissement du gouvernement, qui voudrait revenir sur les engagements pris alors
que plus de 6000 salariés étaient en grève et occupaient des entreprises pour
exiger la régularisation de leur situation administrative. Environ 700 d’entre
eux ont eu gain de cause, sur les 1600 dont les dossiers ont été déposés dans
les préfectures, ce qui est loin de faire le compte !
Dans les Hauts-de-Seine,
si 75 ont obtenu des cartes de séjour d’un an renouvelables, si 30 autres
dossiers « complets » n’attendent plus que la signature de M. le
Préfet, qui décidera, dans les jours à venir, soit de régulariser, soit d’envoyer une Obligation de
Quitter le Territoire Français, le
service des étrangers se dit « débordé » par les 136 cas restant à
instruire. Jusqu’à présent, les OQTF ne sont tombées que pour des femmes
travaillant dans l’aide à la personne, défendues pour la plupart par le réseau Femmes
égalité, qui a organisé un premier rassemblement, samedi dernier, place de la
République à Paris. La préfecture des Hauts-de-Seine a confirmé à la délégation
ses exigences d’années de présence en France pour ces femmes, ce qui ne figure pas dans l’accord national. De telles exigences, en recul sur les promesses
arrachées pendant le temps fort des grèves, risquent d’entraîner des refus aussi pour d’autres
catégories de travailleurs. Des visites médicales, ultimes formalités
indispensables pour être régularisés, ont été annulées : seulement par
manque de personnel, comme le prétend la Préfecture ? Si la volonté était
de permettre la régularisation par le travail, pourquoi continuer à remettre des
récépissés donnant le droit de chercher un emploi, mais ne donnant pas le droit de travailler,
documents tellement absurdes que le Ministère lui-même a fini par demander leur
retrait ? Le seul acquis obtenu par la délégation est le report du 15 mars
au 15 avril de la date limite imposée aux travailleurs sans papiers pour
compléter les derniers dossiers en cours d’examen.
Les préfectures prétendent obéir aux ordres du Ministère et
suivre les directives à la lettre. En réalité, chacune interprète à sa guise
textes et directives écrites et orales. Un des objectifs principaux du mouvement
des travailleurs sans papiers est d’en finir avec l’arbitraire préfectoral. Or,
tout se passe comme si, sitôt la grève arrêtée, l’Administration s’empressait
de reconstituer, au niveau des départements, toutes les embûches possibles pour
retarder, pour limiter le nombre des régularisations, pour continuer à donner
priorité aux objectifs assignés d’expulsion de dizaines de milliers de prétendus « clandestins » du
territoire français.
Le bras de fer engagé par les travailleurs sans papiers en
lutte, et les 11 syndicats ou associations qui les aident à s’organiser, contre
un gouvernement qui fait de la xénophobie un pilier de ses campagnes
idéologiques et politiques, est donc loin d’être achevé. La CGT 92 va demander à être reçue par le
préfet lui-même. Après une tournée des préfectures pour lister tous les
obstacles rencontrés, de nouvelles initiatives nationales s’annoncent, en
direction du Ministère de Brice Hortefeux.
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