La revendication du droit de vote appelle au débat sur la démocratie et le sens, l'utilité de la politique.

La votation citoyenne s’est achevée ce dimanche sur le marché du centre ville. A 13 heures, en présence du maire, Patrick Jarry, nous pouvions annoncer que 824 de nos concitoyens avaient profité de l’occasion pour exprimer leur volonté que les résidents étrangers non originaires d’autres pays de l’Union européenne puissent enfin avoir le droit de vote et être éligibles, au moins pour les élections locales. 15 avaient mis un bulletin non dans les urnes.(1) Ce n’est pas un référendum, cela ne peut pas prétendre exprimer la revendication de tous les Nanterriens, mais peu de pétitions rassemblent en quelques jours autant de signatures que nos « listes d’émargement ». D’ailleurs, le message adressé par le préfet des Hauts-de-Seine au maire de Nanterre, le mettant en demeure de justifier ce qui dans la loi l’a autorisé à permettre que le conseil municipal vote un vœu qui engage la ville à soutenir la votation, montre que l’initiative n’avait rien d’anodine pour les autorités de l’Etat. La même tentative d'intimidation, approuvée par l'UMP, n'a pas empêché qu'une votation citoyenne se déroule aussi à Fontenay-aux-Roses, malgré la décision du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.. Le préfet du Val-de-Marne quant à lui décrète la nullité de l’initiative politique des plus courageuse prise par mon ami Pierre Gosnat, maire communiste d’Ivry : il a organisé un vrai référendum local ce dimanche, ouvrant les listes électorales et les enrichissant d’une liste additive où les résidents étrangers étaient invités à s’inscrire. C’est la seule commune à avoir répondu à la lettre à l’appel du collectif national Votation citoyenne.

Des évolutions encourageantes de l’opinion perceptibles sur le terrain

J’ai pris ma part à la campagne nanterrienne de votation toute la semaine, en particulier dans mon quartier Pablo Picasso, avec le soutien du centre social et culturel Parc’en ciel, où 105 personnes, de nationalités diverses, sont venues s’exprimer, 103 pour voter oui. Pour être de ceux qui ont fait toutes les campagnes sur ce thème dans le même quartier depuis une bonne vingtaine d’années, j’ai pu mesurer d’encourageantes évolutions dans les réactions des habitants que nous avons sollicités.

Le fait que depuis 2001 les personnes ayant gardé leur nationalité, peuvent voter et être élues conseillers municipaux, pourvu qu’elles soient citoyennes d’un pays de la communauté européenne, alors que d’autres, par exemple les travailleurs algériens à la retraite, présents en France depuis des décennies, n’en ont pas le droit, est vécu comme une injustice à connotation raciste. La demi-mesure en matière de citoyenneté est parfois critiquée, et l’aspiration à une vraie citoyenneté de résidence, même si elle nécessite peut-être d’y aller par étapes, est assez forte parmi ceux –de nationalité française ou étrangère- qui votent oui. Très peu d’opposants au droit de vote des étrangers, contrairement aux votations précédentes, nous ont fait sentir leur hostilité. Anecdote significative : sur le marché Pablo Picasso, en présence de la conseillère générale communiste, Nadine Garcia, qui participait activement à notre votation, la suppléante du candidat UMP qui va l’affronter en mars a dit que nous avions à moitié raison : les vieux immigrés devraient pouvoir voter, même si elle pense que pour les « autres », il leur serait facile de devenir Français.

Le sens et l’efficacité de la politique en question

Les habitants engagés dans la vie citoyenne, dans les expériences diverses de démocratie participatives, nous félicitent souvent de mener cette campagne. En revanche, j’ai ressenti la profondeur de la crise de la politique, de la citoyenneté, chaque fois qu’on s’est adressé plus largement à ceux et à celles qui se sentent méprisés, mis en marge, rejetés par « les politiques », au point de ne plus croire que le droit de vote serve à quelque chose. De ce point de vue, l’atelier pour un programme populaire partagé qui s’ouvre jeudi à Nanterre, avec les dirigeants nationaux du Front de gauche et d’associations, des chercheurs, sur le thème d’une sixième république, a du grain à moudre, et ne doit surtout pas passer à côté des aspirations et des désespoirs des habitants des cités populaires.

Pour ne pas encore se faire encore avoir en 2012...

Nous avons eu vendredi une table ronde particulièrement riche avec Bernard Delemotte et Mohamed Bensaïd, tous deux membres du collectif national « votation citoyenne ». La forme votation citoyenne, reprise d’année en année, ne peut plus faire de l’audimat. Peu de maires se lancent dans un référendum local, non pas par manque de courage politique, mais en raison de son coût et du peu de participation des électeurs, relativement à l’enjeu. Comment inscrire l’exigence du droit de vote dans la durée, pour qu’au-delà d’une possible victoire de la gauche en 2012, être sûrs que cette fois, un nouveau président, un nouveau gouvernement ne passeront pas une nouvelle fois cette revendication aux oubliettes, car l’expérience montre qu’il ne suffit pas de l’inscrire dans les programmes électoraux de partis ? Quelle nouvelle forme d’action inventer pour que dès 2011 la question du droit de vote fasse la une des journaux ? Quelques pistes ont été suggérées, comme un appel public des maires, qui considèrent , certainement dans leur majorité, que l’extension du vote à tous les habitants serait un plus pour la démocratie locale et pour le mieux vivre ensemble dans tous les quartiers.

Au printemps, on peut trouver dans d’autres quartiers, d’autres villes, qui ne participent pas à la votation, des formes nouvelles d’intervention sur le droit de vote en s’appuyant sur les réseaux associatifs, sociaux et culturels de proximité. A Nanterre, les associations qui préparent la semaine d’éducation contre le racisme vont en discuter dès ce lundi 6 décembre. Dans le quartier Pablo Picasso, au centre Parc’en ciel, dès jeudi, un « café citoyen », en début d’après midi, sera consacré au bilan de la votation citoyenne, à Nanterre et ailleurs, aux suites à imaginer ensemble pour faire reculer toutes les discriminations, avec la participation de Geneviève Pastor, présidente du comité local du MRAP.

(1) Avec ceux des centres sociaux et culturels parvenus depuis dimanche, le résultat définitif de la votation à Nanterre est : 938 votants, 920 oui, 18 non

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et sur le lien : LDH pour en voir d'autres...

Résultats du référendum d'Ivry sur Seine :

Inscrits : 28 345

votants : 3422

exprimés : 3366 (12,61% des inscrits)

oui : 2071 (61, 51 % des exprimés)