Le 30 août 2009, c'est à dire bien avant de recevoir le prix Goncourt pour son roman Trois femmes puissantes, Marie Ndiaye répondait aux questions de la revue les Inrockuptibles. Dans ce texte passionnant, quelques lignes ont soulevé la fureur de la droite au pouvoir, exprimée par Eric Raoult. Ce dernier invente un devoir de réserve pour les écrivains ayant reçu le prix Goncourt. Après la main mise sur les médias, voici maintenant que les sarkozystes rêvent d'un retour à la bonne vieille censure pour les écrivains ! On peut être d'accord ou pas avec les propos de Marie Ndiaye, mais une chose est sûre : ils expriment ce que beaucoup de monde pense encore trop bas, et pas seulement parmi les Français "issus de l'immigration" (comme on dit, comme s'il en existait d'autres, des Français).
Voici les mots qui fâchent :
Les Inrockuptibles : Vous sentez-vous bien dans la France de Sarkozy ?
Marie Ndiaye : Je trouve cette France-là monstrueuse. Le fait que nous (avec son compagnon, l'écrivain Jean-Yves Cendrey, et leurs trois enfants – ndlr) ayons choisi de vivre à Berlin depuis deux ans est loin d'être étranger à ça. Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy, même si j'ai bien conscience que dire ça peut paraître snob. Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité… Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux. Je me souviens d'une phrase de Marguerite Duras, qui est au fond un peu bête, mais que j'aime même si je ne la reprendrais pas à mon compte, elle avait dit : "La droite, c'est la mort." Pour moi, ces gens-là, ils représentent une forme de mort, d'abêtissement de la réflexion, un refus d'une différence possible. Et même si Angela Merkel est une femme de droite, elle n'a rien à voir avec la droite de Sarkozy : elle a une morale que la droite française n'a plus.
Franchement, Eric Raoult n'aurait-il pas mieux fait de se taire, plutôt que d'attirer l'attention sur ces paroles d'une des écrivain(e)s parmi les plus talentueuses et courageuses ? Cela ne confirme-t-il pas l'"abêtissement de la réflexion" qu'elle dénonce ?
pour lire l'intégralité de l'interview et du dossier des Inrockuptibles, cliquer sur le titre du billet
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire