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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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Nanterre en colère

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dimanche 23 août 2009

"Tous ensemble pour la régularisation de tous les sans papiers" : comment transformer le slogan en possibilité ?

Comme chaque année, sans papiers des collectifs de la région parisienne et leurs soutiens ont manifesté en commémoration de l’occupation en 1996 de l’ église Saint-Ambroise, puis celle de l’église Saint-Bernard, laquelle s’est terminée par une violente expulsion opérée à l’aube du 23 août par les forces de l’ordre. La poursuite de l’action avec le collectif des sans papiers de Saint-Bernard, l’essaimage de collectifs « autonomes » de sans papiers et de réseaux de soutiens qui s’en est suivi, a permis la régularisation de plusieurs milliers de migrants.

Mais, si l’arrivée de la gauche au gouvernement avait contribué à arracher un nombre important de régularisations, jamais la revendication de régularisation de tous les sans papiers n’a abouti. Elle implique en effet un changement radical de perspective : une liberté de circulation et d’installation, un altermondialisme cohérent impliquant de réelles coopérations « nord-sud »…des bouleversements que peu de forces de gauche intègrent réellement à leur programme et à leur pratique politique.
 Pire : ces dernières années un durcissement des lois relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, y compris les demandeurs d’asile, multiplie les situations d’étrangers en situation irrégulière, tandis que la mondialisation capitaliste augmente et diversifie les causes des migrations. Les sans papiers sont plus que jamais en danger, le président de la république et son gouvernement faisant du nombre d’expulsions de « clandestins » un objectif d’Etat.

Chaque année le rendez-vous parisien devant Saint-Bernard est donc un moment symbolique : celui d’un retour aux fondamentaux de la cause des sans papiers, celui d’appréhender les axes de mobilisation à venir. Comment apprécier ce 23 août 2009 ? Cela nécessite de se rappeler quelques repères.
La première grande contre- offensive contre la politique de Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, a été la mobilisation contre l’expulsion et pour la régularisation des jeunes et des familles d’enfants scolarisés, avec la création du Réseau Education Sans Frontières, dont l’efficacité continue de se vérifier aujourd’hui. Puis, l’an dernier, les grèves et les occupations d’entreprises par des travailleurs sans papiers, portées à bout de bras par la CGT principalement, avaient encore changé la donne. Elles ont permis d’obtenir des succès, et ont montré à l’opinion que les « sans papiers » sont des salariés sans droits, indispensables à la création de richesses dans le pays et à notre vie quotidienne, dont la situation révoltante d’ « esclaves modernes » pèse sur les salaires et les conditions de travail des autres salariés (ce que des chercheurs militants, comme Emmanuel Terray, appellent « délocalisation à l’intérieur du pays » de productions et de services).

Cependant, les collectifs de sans papiers dont les formes d’action et d’organisation peinaient déjà depuis des années à trouver un second souffle, minés par des rivalités de personnes, coupés des luttes de classe dans les entreprises, se trouvaient encore une fois marginalisés dans ce nouveau front de lutte, certains n’hésitant pas à dénoncer l’action de la CGT comme allant dans le sens de l’ « immigration choisie » prônée par Sarkozy. Les cartes de séjour d’un an au titre de salariés obtenues par l’action syndicale ne sont pas liées aux droits de la personne, mais au statut de salarié. Leur renouvellement peut être plus difficile, et surtout la bataille s’en trouve déplacée sur le terrain du droit du travail, des luttes sociales pour l’emploi…De plus, la lutte syndicale ne pouvaient pas être efficace pour un très grand nombre de sans papiers isolés dans leurs entreprises, ou vivant de petits boulots, ou malades… donc dans l’incapacité se mettre en grève. Les régularisations obtenues pour des femmes travaillant dans l’aide à la personne sont précieuses, mais trop rares. Les préfectures qui appliquent à la lettre la loi RESEDA qui vise-entre autre- à restreindre l’immigration familiale, refusent, par exemple, des dossiers de régularisation de parents d’enfants scolarisés parce que les emplois déclarés n’entrent pas dans la liste très restreinte de ceux qui sont officiellement ouverts aux étrangers hors communauté européenne.

Toutes ces réalités expliquent sans doute, au-delà des polémiques qui affaiblissent actuellement toutes les mobilisations (à l’exception peut-être du RESF), les situations pour le moins déconcertantes vécues depuis plus d’un an. Par exemple l’action lancée par le CSP92 en avril 2008, occupant les locaux paroissiaux de l’église Saint-Paul de Nanterre, créant les conditions d’une grève de la faim, reprenant explicitement la même action qu’en 1997, mais dans un rapport de force hélas très différent. Si quelques dizaines de régularisation (comme salariés !) sont à mettre à l’actif de cette aventure, il a fallu ensuite la mobilisation sans précédent d’un réseau de soutiens, de la Municipalité, des élu-e-s de gauche du département, pour obtenir la régularisation d’une quarantaine, à ce jour, des 58 personnes laissées sur la touche dès le mois de juillet 2008, complètement démunies, à la fin de ce qui se voulait une lutte jusqu’au bout pour la régularisation de 450 occupants déclarés.

Beaucoup plus graves sont les conséquences de l’occupation de la Bourse du travail de Paris à l’initiative du CSP75, après la manifestation du 1er mai 2008, marquée par les impressionnants cortèges CGT de travailleurs sans papiers en grève. Présentée comme devant faire pression sur la préfecture et sur la CGT, alors en négociation pour la régularisation de centaines de salariés sans papiers en grève, afin qu’un millier d’autres dossiers soient pris en compte, l’initiative, désavouée par la quasi-totalité des soutiens « traditionnels », était vouée à l’échec. Elle provoquait une situation des plus difficiles pour ceux qui dans le mouvement syndical voulaient travailler pour que les actions de grève pour la régularisation des sans papiers s’étendent dans les entreprises. L’occupation a néanmoins duré plus d’un an, et s’est terminée fin juin 2009 par l’expulsion des occupants par un service d’ordre syndical.

Depuis quelques semaines, le CSP75 occupe des locaux désaffectés appartenant à la Caisse d’Assurance Maladie, 14 rue Baudelique, dans le 18éme arrondissement, dont il veut faire le « Ministère de la régularisation », appelant tous les collectifs de sans papiers, toutes les associations, syndicats et partis de gauche à l’y rejoindre, alors qu’une centaine de sans papiers s’estimant lésés par son fonctionnement continue de camper sur le trottoir près de la Bourse du travail. Les tribunaux ont ordonné l’expulsion des occupants de l’immeuble, demandée par la CAM, avant la fin septembre.

C’est au 14 rue Baudelique que s’est préparée la manifestation de ce 22 juillet, de manière « efficace et démocratique » selon des militants qui y étaient, et c’est là qu’un communiqué commun appelait à se rassembler (1). Une nouvelle réunion est convoquée dès dimanche 23 à 11 heures. Samedi, un certain nombre de collectifs étaient du défilé (voir la galerie photos). Le « 9 ème collectif »a quitté la manif pour tenter en solo l’occupation de la basilique du Sacré Cœur. Quelques autres collectifs répondant à l’appel d’ALIF étaient partis de République, et ont manifesté leur désintérêt pour les prises de parole organisées par le CSP75. Pour les organisations syndicales, seuls SUD et des militants CGT critiques à l’égard de leurs fédérations et confédération s’étaient mobilisés. Côté politiques, le NPA était très actif, ainsi que des mouvements anarchistes, et les Verts étaient présents. Le GISTI, la FASTI constituent le noyau associatif, avec le MRAP et la LDH qui étaient visibles dans la manifestation. Bien sûr, il faut ajouter quelques soutiens qui, comme moi, quelles que soient les difficultés du mouvement des sans papiers, ne manqueraient pour rien au monde la commémoration de l’occupation de Saint-Bernard, et tenaient à soutenir de leur présence les sans papiers en lutte dans leur département (en l’occurrence le collectif des oubliés de Saint-Paul). Reste que vacances et universités d’été ne suffisent pas à expliquer des absences remarquées.

Force est donc de constater que la nécessaire unité du mouvement des sans papiers, la mobilisation des organisations de soutien, ne se construit pas par un simple mot d’ordre, et que beaucoup reste à faire pour faire le poids face à l’offensive sarkozienne. La belle initiative des militants de la Seine Saint-Denis à la Basilique il y a quelques jours montre qu’il est possible d’agir efficacement sur le terrain en ce sens. La fête de l’Humanité peut favoriser les rencontres et le débat. C’est ce que nous ferons par exemple dans le stand de Malakoff, sur la lancée d’une victoire encourageante : le retour du lycéen Taoufik, qui avait été expulsé au Maroc, et qui vient d’obtenir son baccalauréat. Une chose est certaine : nous avons besoin de réfléchir ensemble, avec toutes les organisations qui luttent pour la régularisation des sans papiers, avec les sans papiers eux-mêmes. Les communistes ont un rôle irremplaçable à jouer pour qu’un front de gauche, populaire et citoyen, soit porteur d’une alternative politique, d’un projet de société, qui rendent possible et crédible le juste mot d’ordre de régularisation de tous sans papiers.

(1) Organisations signataires : CSP 75, CGT nettoiement, Coordination nationale des sans papiers (CNSP), Coordination 93 de lutte pour les sans papiers, Collectif de sans-papiers St-Juste 17e, les Oubliés de Saint-Paul de Nanterre, Collectif des sans papiers turcs et kurdes, CGT OPH de Paris, VP. Partisan, OUVA LA CGT, Haut conseil des Maliens de France, Comité de soutien de la MECI, MRAP, les VERTS, ATTAC, Solidaires, le NPA, la FASE, Association culturelle des travailleurs immigrés turcs (ACTIT), les Quartiers solidaires de Belleville, Alternative Libertaire, CGT FAC, Ligue de l’enseignement, FASTI, LDH-18è, ULCGT-18è, GISTI, SUD RAIL, CSP59, Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), Droits Devant !!, Association des Maliens Expulsés (AME), KDR, CNT Education 75, Artistes indépendants, Comité Actions Logement (CAL), Regroupement des Travailleurs Sénégalais en France (RETSEF), Coordination des Associations des Sénégalais de l'extérieur (CASE), Rassemblement de la Diaspora Africaine (RDA), Initiatives et Actions Citoyennes pour la Démocratie et le Développement (IACDD), Les Alternatifs.

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