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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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Nanterre en colère

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mercredi 20 août 2008

12 ans après Saint-Bernard : les travailleurs sans papiers reprennent le flambeau



Chaque année, depuis l'occupation des églises Saint-Ambroise puis Saint Bernard par des sans papiers organisés en collectifs, l'avant dernier week-end d'août est marqué par la rentrée des soutiens, à l'occasion de la commémoration de ces actions, qui ont été déterminantes pour l'engagement de beaucoup d'entre nous.

Cette année, nous avons rendez-vous samedi 23, à 14h, place de la République, et notre manifestation n'aura rien d'un défilé d'anciens combattants. La politique de la droite au gouvernement est plus absurde, violente et révoltante encore que celle des commanditaires des coups de hache qui avaient défoncé la porte de l'église Saint-Bernard pour en expulser les sans papiers. Au nom d'une mondialisation capitaliste qui assigne à résidence les pauvres dans des pays ruinés par les diktats des spéculateurs et les guerres, qui prétend faire le tri parmi les candidats à l'immigration pour n'accorder la liberté d'entrer qu'à une main d'œuvre choisie, l'Europe s'entoure de murs, entasse des hommes, des femmes et même des enfants dans des camps de rétention. Président de la République et ministres ordonnent aux préfets de faire du chiffre en expulsant chaque année des dizaines de milliers de personne, pour des histoires de papiers. Des révoltes, des incendies éclatent dans des centres de rétention où la brutalité carcérale s'exerce au quotidien ? Ce sont les associations de soutien aux sans papiers qui sont mises en accusation par le gouvernement !


Mais une brèche s'est ouverte, au printemps, avec les grèves et les occupations d'entreprises d'Ile de France par des salariés sans papiers organisés et soutenus principalement par la CGT. Prenant au mot un article de la loi Hortefeux qui visait à l'origine à permettre des régularisations selon les besoins et le bon vouloir patronal, créant un rapport de force qui empêche le gouvernement d'opposer aux revendications des décrets d'application discriminatoires, ces luttes permettent d'arracher des régularisations au titre du travail. La force principale de ce mouvement est sans doute l'impact qu'il a dans l'opinion. Ces sans papiers sont des travailleurs surexploités, des travailleurs sans droits, des travailleurs indispensables à des secteurs de l'économie tels que la restauration ou le bâtiment. Les délinquants, ce ne sont pas les « clandestins », ce sont des patrons qui violent le code du travail, leur impose un statut d'esclaves des temps modernes. Le seul moyen de faire cesser ce scandale, c'est de régulariser ces salariés, de leur permettre enfin de travailler et de vivre dans la dignité. C'est l'intérêt de tous les salariés, car tous sont victimes de la pression sur les salaires et les conditions de travail que permet la surexploitation de la main d'œuvre sans papiers. Ces idées, largement partagées, sont des plus subversives quant au bricolage idéologique sarkozien. Toute l'hypocrisie du gosse de riche de Neuilly est révélée : des rodomontades pour gagner et garder l'électorat d'extrême droite, un état policier pour maintenir par la peur des centaines de milliers de sans papiers à la merci du patronat, des déjeuners sur l'île de la jatte préparés par des cuisiniers sans papiers… Le spectre de mai 68 apparaît là où sans doute celui qui voulait tant le conjurer ne l'attendait pas. La régularisation des sans papiers n'est pas une vieille rengaine de droitsdelhommistes naïfs : c'est une question de classe, de lutte de classe ! La partie n'est pas gagnée pour autant , tous les salariés sans papiers en grève ne sont pas régularisés, beaucoup dépend des rapports de force locaux, de la solidarité et de l'impressionnant courage de ces salariés eux-mêmes, facteurs déterminants pour éviter les pièges tendus dans des négociations des plus ardues au niveau des préfectures. Quant à ceux et celles, qui, travailleurs isolés , malades ou licenciés, ne disposent pas de l'arme de la grève, leurs démarches imprudentes ont toutes les chances d'aboutir à une arrestation en vue de leur expulsion. Très peu de femmes travaillant dans l'aide à la personne ont été régularisées parmi celles qui ont engagé la lutte avec la CGT et des associations.

Les étudiants, les lycéens, les élèves des collèges et des écoles, jeunes majeurs sans papiers ou enfants de parents sans papiers, ont déjà, depuis au moins 2006, avec la fausse promesse de M.Sarkozy, de les régulariser avec une circulaire, un soutien dans l'opinion, mobilisée localement, sinon nationalement, par le Réseau Education Sans Frontières.

Beaucoup plus difficile est la situation des collectifs de sans papiers « traditionnels » en ce sens qu'ils perpétuent le mode d'organisation « autonome » qui a fait la force du mouvement initié par les occupants de Saint-Bernard. Si la marche de Lille à Paris lancée par le Collectif des Sans Papiers du Nord a connu de belles initiatives unitaires sur son passage, pour l'essentiel le mouvement des salariés sans papiers organisé par la CGT et celui des collectifs n'ont pas fusionné, n'ont pas fait front commun face aux préfets et au gouvernement, malgré les efforts de Droits Devant et du collectif Uni-e-s Contre une Immigration Jetable. Des divisions, des conflits ouverts, comme l'occupation de la Bourse du Travail par des collectifs parisiens, ont montré au contraire des faiblesses et des rivalités dont les autorités de l'Etat savent se servir au détriment des plus faibles, c'est-à-dire des moins soutenus par l'opinion. Regroupant des sans papiers aux situations très diverses, sans lieux communs de lutte, contrairement aux salariés sans papiers entrant en lutte dans leurs entreprises, les collectifs de sans papiers ne peuvent garder leur unité et leur légitimité aux yeux de leurs adhérents qu'en refusant le cas par cas et en les mobilisant pour la régularisation de tous, pour une régularisation globale et sans condition. Mais il faudrait un tout autre rapport des forces pour que le gouvernement, qui s'est engagé à ne pas le faire, pour que Nicolas Sarkozy, qui veut que l'Union européenne qu'il préside l'interdise aux Etats membres, se résigne à prendre une mesure de régularisation globale, comme l'avait fait Miterrand dans les années quatre vingt. La peur de l'invasion par une marée de migrants dans le pays qui ouvrirait ses frontières aux étrangers, vieux thème récurrent, a été tellement utilisé par une droite qui pille sans vergogne dans la boite à idées brunes de Le Pen , que tous les arguments qui en montrent l'absurdité n'empêchent pas qu'il est des plus répandus. Même pour les salariés sans papiers en grève, si un sondage du mois d'avril a montré que leur régularisation est demandée par une bonne majorité de l'opinion, c'est au cas par cas, pas globalement. Sur le plan politique, si le PCF, le PS, les Verts, la LCR et LO ont la revendication de la régularisation globale des sans papiers dans leurs programmes officiels, le PS est plus que timide sur cette question, insistant sur un codéveloppement censé à ses yeux tarir les sources des migrations, proposant aux présidentielles un retour aux dix ans de présence sur le territoire pour être régularisé et des quotas régionaux de migrants pour répondre « aux besoins de l'économie ». L'argumentation et les formes d'action des collectifs visent à mobiliser l'opinion en se posant en victimes du racisme, de la répression, de la misère, en personnes en souffrance, en parias, en héritiers des méfaits du colonialisme ou en héritiers d'anciens combattants pour la France, plus qu'en acteurs utiles à la vie du pays, dont la régularisation serait dans l'intérêt des gens – Français ou immigrés en situation régulière .Ce type d'empathie est en soi de moins en moins mobilisatrice dans une société travaillée par la casse des solidarités, la pauvreté, la peur de l'autre, la peur de la précarité, toutes les formes de misères subies par les gens du peuple qui a fait de Sarkozy un président.

N'oublions pas toutefois que l'objectif avoué des lois Sarkozy de 2006 et Hortefeux de 2007 est de rendre le regroupement familial pratiquement impossible pour la plupart des migrants. En d'autres termes, un immigré installé devra pour faire venir ses enfants ou son épouse, avoir des revenus et des conditions de logement supérieures à celle d'un travailleur pauvre. De son côté sa famille candidate à l'immigration devra avoir réussi un véritable parcours du combattant, pour obtenir un visa, pour suivre des cours de langue et de civilisation française puis réussir un examen en ces matières…Les mariages « mixtes », seront eux aussi soumis à des contrôles de plus en plus inquisiteurs. Quant aux demandeurs d'asile, la tendance à les (mal)traiter comme des migrants ordinaires se renforce. La machine à fabriquer de nouveaux sans papiers est donc en place. Au cas où nous négligerions le fait que les migrants ne sont pas des marchandises, pas de simples forces de travail, mais que ce sont des êtres humains qui ont le droit de circuler, d'avoir une famille, d'aimer, bref le droit de vivre, nul doute que des luttes nouvelles sont à venir pour nous le rappeler.

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